Vieille VHS

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Au cours de mon adolescence, dans les années 90, j'ai eu ma petite période « cinéma underground. » A l'époque, nous n'avions pas accès à toutes les productions étranges – même carrément malsaines – qui pullulent aujourd'hui sur internet, et nous devions nous en remettre aux bons vieux réseaux de ventes et d'échanges de VHS. J'ai eu en ma possession, vers 1996 je crois (je ne suis plus tout à fait sûr, c'est plutôt vieux), un film particulièrement troublant dont j'ai décidé de vous parler ici. J'ai depuis rendu la cassette à son propriétaire en échange d'autres films, et lui même l'a sûrement fait e tourner de son côté. C'était comme ça que marchait le réseau.
Je crois qu'il s'agissait d'une production asiatique, peut être japonaise (je n'étais pas aussi familiarisé avec l'accent à l'époque, ce qui expliquerait pourquoi je ne l'ai pas reconnu) ou peut être coréenne... Le film était sous-titré en anglais, avec une syntaxe ignoble et des fautes d'orthographes partout, ce qui n'aidait pas beaucoup à la compréhension globale. Je préviens d'avance que je n'ai aucune hypothèse quant aux fins d'un tel film ou au publique auquel il était destiné, et je ne sais pas non plus s'il est le fruit de truquages très habiles ou non. Mes connaissances en matière d'effets spéciaux sont lacunaires, mais la nature même de la mise en scène et de ce qui est montré me paraît rendre difficile leur réalisation. Inutile de préciser que si qui que ce soit à des informations sur cette cassette, je serait plus qu'intéressé d'en discuter avec lui. Bref, je vous laisse sur les quelques souvenirs que ce visionnage m'a laissé :


Le film s'ouvre sur un plan fixe montrant une petite pièce entièrement jaune du sol au plafond, aux murs brillants comme recouverts de cire ou composés de plastique. Il n'y a ni portes ni fenêtres visibles, et l'architecture globale, comme la présence de gros poteaux ou le plafond très bas me font un peu penser au local d'un parking souterrain. Un homme en costume vert, assis à une table d'écolier dans un coin de la pièce, s'adresse directement à la caméra. Il parle comme un présentateur télé. Il se présente comme un adepte de « l'art de la déstructuration » (selon la traduction), qui se divise lui-même en quatre disciplines distinctes.

Il enchaîne directement sur le premier de ces quatre « sous-arts » : celui de la restructuration à long terme, ou art bonzaï (la mention du bonzaï est peut être un indice sur la provenance de la vidéo, mais je doute que le terme ne soit connu qu'au japon). Un projecteur s'allume – apparemment situé derrière la caméra – et illumine le mur du fond de différentes diapositives en noir et blanc, tandis que la luminosité de la pièce baisse progressivement. Je précise ici que la VHS était de très très mauvaise qualité, et que les photos projetées l'étaient apparemment aussi. De fait, je ne sais pas exactement ce qu'elles représentaient. Nous pouvions plus ou moins voir des formes sombres et floues, tordues, sur un fond blanc granuleux. Les images étaient hyper-contrastées, sans aucune nuance de gris. Le présentateur s'excusait de ne pouvoir faire de démonstration en directe de son art sur le plateau, l'exécution demandant un temps infini pouvant aller jusque à plusieurs années, voir plusieurs décennies.

Cut sur une autre pièce, à l'architecture très semblable à la précédente (aux murs jaunes et lisses) mais qui semble un peu plus grande. Le présentateur apparaît par la gauche de l'écran. Il porte maintenant un costume bleu. Il salue à nouveau les spectateurs et marche jusqu'à l'extrémité de ce qui semble être une longue table de banquet se prolongeant hors-cadre vers la droite. Sur la table est posée une grande cage avec, à l'intérieur, un minuscule porcelet, pas plus grand qu'un chat. Le présentateur enchaîne sur le deuxième de ses quatre arts, celui de la « décomposition » et s'excuse par avance de ne pouvoir, pour des raisons légales, faire la démonstration sur des êtres humains. Il dit à peu près ceci : « Cet art est le plus simple et le plus rapide, il ne demande que peu d'aptitudes techniques et pousse naturellement à la contemplation. » Sur ce, il s'empare d'un genre de pistolet relié par la poignée à un long tuyau, et le pointe sur le cochon à travers les barreaux.


Je vois l'animal tomber sans qu'aucun coup de feu ne soit audible, et la qualité de la vidéo ne permet pas de discerner une éventuelle blessure. Le présentateur demande au cameraman de zoomer, ce que celui-ci fait. La caméra s'arrête sur le cadavre en gros plan. A partir de là, le film passe en avance rapide. Nous devinons le corps se décomposer petit à petit. Sa silhouette se couvre de grosses tâches noires et semble... s'affaisser petit à petit... La séquence finit par s'arrêter sur un plan fixe de ce qu'est devenu le cochon : une simple forme vague, très sombre, qui n'a plus rien d'un animal.

La caméra revient au présentateur - arborant maintenant un ensemble rose vif - et le suit à mesure qu'il avance le long de la longue table. Celui-ci s'arrête devant une cage en verre – vivarium ou aquarium – à l'intérieur de laquelle un gros rat blanc gratte la parois. « Voici venu le moment de vous présenter mon troisième art, celui de la liquéfaction... Pour des raisons évidentes de sécurité, je ne peux jeter directement à la main notre cobaye dans la solution diluante. Utilisons cet ingénieux système mis au point par l'équipe de l'émission. » Le présentateur entrouvre la trappe transparente au dessus de la boite et y passe un tube en plastique relié à un gros bidon munis d'un robinet. Il tourne le robinet, et ce qui ressemble à de l'eau commence à remplir le vivarium.

Le rat panique, il court dans tous les sens et sautille sur place pour échapper au liquide. Ce dernier commence à bouillonner. Une écume se forme, comme de la mousse de bière, et recouvre la surface. Je distingue plus ou moins un vacillement dans l'image, comme au dessus des routes en été (aujourd'hui je me dis que c'était peut être tout simplement de la fumée qui passait devant l'objectif). L'eau devient brune, puis noire. Le rat finit par arrêter de bouger. Il respire encore quand le liquide commence à le recouvrir complètement.

Cut. Nous revenons dans la première salle. La table d'écolier, au fond de la pièce, a laissé place à une sorte de petite table de chirurgien, inclinée presque à la verticale. Un animal – impossible à distinguer de si loin – est accroché, les quatre pattes écartées maintenues par des chaînes ou des lanières. Le présentateur est désormais en blanc. Il annonce à la caméra, sur le ton le plus sérieux du monde : « Il est temps d'aborder le quatrième et le plus subtil des quatre arts : celui de la désolidarisation. » Il marche jusque à la table de chirurgie, et prend l'un des instruments posés à côté de l'animal (peut être un scalpel, ou quelque chose du même genre étant donné la taille et le bruit métallique de l'objet). Il commence à « travailler » son cobaye. Et nous entendons alors des miaulements perçants, horribles, comme ceux qu'émet un chat quand vous lui écrasez la queue par mégarde. Le miaulement devient plus rauque, plus plaintif... s'éternise. Et je devine, malgré la qualité médiocre de l'image, le sang sombre couler sur la fourrure de l'animal. Le film s'arrête ici.

La suite de la cassette est occupée par les extraits d'un film asiatique non sous-titré et tout à fait banal, comme si on avait enregistré la vidéo par dessus. Puis suit un écran bleu, accompagné d'un bruit de fond sourd et diffus.

C'est, je crois, la description la plus précise que je pouvais faire de ce film. Encore une fois, si quelqu'un a la moindre information, qu'il m'en fasse part. Quelqu'un a bien dû trouver la vidéo et la poster dans je ne sais quel coin mal fréquenté du web depuis le temps...
en tout cas je l'espère. Je ne cherche pas forcement à la revoir, mais simplement à savoir d'où elle vient, et surtout à savoir si oui ou non ce que j'y ai vu était vrai.

Quelle horreur ! Où les histoires vivent. Découvrez maintenant