Bus

Joy

J'avais toujours adoré le samedi, c'était le seul jour où j'étais vraiment certaine de ce qui m'attendait. Contrairement à ma mère, j'aimais tout prévoir et le samedi était prévisible. Nous partions tôt le matin pour prendre le premier bus du village et nous rendre à la grande ville. Arrivées là-bas, nous nous dirigions dans le grand appartement et commencions le ménage. Quand j'étais petite je suivais seulement ma mère des yeux, encore trop peu adroite pour nettoyer quelque chose correctement. Mais maintenant je pouvais l'aider, enfin. On avait toujours eu du mal à boucler les fins de mois, malgré le fait que ma mère ait deux travails, mais dès à présent je rajoutais un salaire et tout allait mieux.

C'est vrai que notre vie n'était peut-être pas la meilleure, mais j'avais au moins la chance d'avoir quelqu'un sur qui vraiment compter. Une mère. Tout le monde en a une c'est certain, mais pour plusieurs personnes​ elle ne prend pas tant de place dans leur vie. La mienne si, nous étions comme deux portraits crachés, j'étais plus jeune oui, mais notre ressemblance frappait toujours les autres humains. Mais depuis quelque temps nous étions devenus comme le Yin et le Yang. Je m'étais peu à peu libérée et j'avais laissé place au sourire tandis que ma mère sombrait un peu plus.

Alors voilà le samedi était réglé comme du papier à musique et j'aimais ça. Les autres jours, ma mère trouvait toujours des sorties à faire. Souvent nous militions pour une nouvelle cause, marchant dans les rues, levant des panneaux, criant des slogans. L'ambiance était belle, nous étions des humains unis pour la même cause et parfois je trouvais que certaines​ causes en valaient vraiment le coup. Mais malheureusement certaines entraînaient beaucoup plus de protestations de la part de l'Etat. Alors on se retrouvait à devoir fuir...

Ma mère détestait lorsque les manifestations finissaient ainsi, elle détestait que je sois présente, sans doute la peur maternelle. Parce que je savais que l'adrénaline que nous ressentions à ce moment-là était un pur plaisir. Les battements de notre cœur qui résonnaient dans chaque veine et le souffle qui avait du mal à redevenir doux et léger. Tous ces sentiments qui nous faisaient nous sentir comme des super-héroïnes.

Mais aujourd'hui nous étions samedi, alors on ne courait pas et on savait comment la journée allait se dérouler. Nous allions simplement prendre le bus, recroiser le jeune homme au visage rouge et aux cheveux inexistants, lui souffler un léger bonjour et faire comme si il n'existait pas. Pour faire comme si nous n'étions pas touchées de son état...