Sauveur, l'enfant de la réconciliation

3. Mise en garde

Sémaphora :

Je suis dans les bois. Je m'enfonce profondément dans la forêt. J'entends des voix. Je m'approche parce-que j'ai peur, je suis seule et j'ai froid. Je sens une bonne odeur de viande grillée. Ils sont nombreux, ils sont réunis autour d'un feu. Ils font cuire de la viande. Je vois, également, une femme âgée avec un bébé dans les bras. Je m'approche en essayant de ne pas faire de bruit. Plus j'approche de cette femme, et plus mon coeur bat. J'aperçois le visage de l'enfant qu'elle porte, c'est mon fils Sauveur. Elle le chérit, le cajole. Dans la précipitation et l'excitation de l'avoir retrouvé, je marche sur une branche qui craque sous mon poids. La veille dame se retourne vers le bruit. Elle m'aperçoit et me dit en souriant "Enfin te voilà ! Nous n'attendions plus que toi ! ".

Je me réveille brusquement, le coeur battant très vite, complètement en sueur. Dans ma panique, j'ai réveillé Tristan. Il me regarde encore endormi. Il ne comprend pas tout de suite ce qu'il m'arrive. Je lui explique mon rêve. Il reste tout aussi perplexe que moi. Mais, que signifie ce rêve ?

Je pose ma tête sur le torse de Tristan. Il me retient près de lui, il caresse mes cheveux. Il essaie de me réconforter du mieux qu'il peut, mais ma peine est trop grande. Je m'allonge à nouveau à côté de lui, et, je réfléchis aux faits troublants que j'ai vécus depuis hier soir. Tout d'abord, j'ai vu le visage de ma grand-mère dans ma tête, ensuite, ce groupe d'hommes et de femmes qui m'attendent dans la forêt. Je n'y comprends pas grand chose.

J'appréhende de refermer les yeux. Tristan m'observe. Il fixe mes lèvres, et j'avoue que je ne serais pas contre le fait qu'il m'embrasse. Je sais qu'il n'osera pas le faire parce-que je lui ai dit que j'avais besoin de temps. Il va respecter ma volonté. Alors, je le fais. L'histoire se répète avec notre premier baiser  puisque c'est également moi qui avait pris l'initiative de l'embrasser. Je me relève légèrement et suffisamment pour poser mes lèvres sur les siennes. Il a tout d'abord un hoquet de surprise, puis, il m'enlace et m'embrasse avec passion. Il attendait ce moment depuis tellement longtemps. Son corps réagit immédiatement, il veut plus, mais il résiste. Il ne veut pas me brusquer, et, en plus ce n'est pas le bon moment pour nous réconcilier entièrement. Il retire ses lèvres, mais je le retiens. Je le regarde, et, il me sourit. Je crois que je le gêne. Il caresse ma joue, et me dévore des yeux. Je pose à nouveau mes lèvres sur les siennes. Je me sens tellement malheureuse que j'en ai besoin. Oui, c'est de lui que j'ai besoin.

Le jour commence à pointer ses premières lueurs sur notre campement. Je sors de la tente accompagnée de Tristan. Certains vampires sont déjà à pied d'oeuvre pour retrouver Sauveur. Tous les vampires sont impliqués dans cette recherche car pour eux, mon fils représente la réconciliation entre les humains et les vampires. C'est tout un symbole qui a disparu, et qui peut fragiliser la cohabitation. Nous repartons chacun de notre côté pour explorer la forêt un jour de plus pour essayer de trouver une trace, même insignifiante, une empreinte prouvant qu'ils sont passés par ici. J'ai tellement peur qu'on le maltraite que je n'arrive presque plus à respirer. Je suis déchirée intérieurement, complètement anéantie. Mon fils me manque énormément. Je sens les battements de mon coeur au niveau de mes tempes. Si seulement, je pouvais avoir un signe, un tout petit signe pour m'aider à le retrouver. Aidez-moi à le retrouver ! 

Je me sens faible, je dois fournir un effort exceptionnel pour marcher, mais je n'abandonnerais pas. Je veux le retrouver, et le plus vite possible. Nous n'avons pas de temps à perdre, chaque minute compte, si nous voulons le retrouver en vie. Mon coeur lâche lorsque je réalise effectivement que chaque minute compte. Chacune de mes respirations est douloureuse  à cause de la pression que je dois supporter. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi je l'ai laissé à une adolescente. Pourquoi, je n'ai pas réfléchi avant ? Je m'en veux tellement, je suis une mauvaise mère. Je me déteste. Je me laisse tomber au sol, je n'ai plus la force d'avancer quand je pense à ma négligence. Tristan en bon chevalier servant, est toujours là pour me retenir, et me réconforter. Je sais qu'il souffre autant que moi de la disparition de notre fils, je le vois dans ses yeux. Mais, il ne me reproche rien. Il est tout aussi étonné que moi que nous n'arrivons pas à trouver le moindre indice. C'est comme si notre fils s'était volatilisé par magie. Encore une journée de recherche non concluante, nous regagnons le campement. Je commence à penser que ma mère a peut-être raison quand elle dit que les ravisseurs ne sont plus dans la forêt.

Je ne touche pas au diner. Cela fait deux jours que je n'ai presque rien dans le ventre. Je ne pourrais rien avaler, j'espère que mon bébé est nourri, au moins. Je broie du noir par la fatigue, et, je ne vois pas d'issue positive à nos recherches. Je suis vaincue par la vie. Elle m'a pris ce que j'avais de plus important, de plus cher à mon coeur. Je ne suis plus rien, désormais. Cela fait deux jours qu'il a disparu, deux jours noirs pour moi, deux jours que je meure à petit feu. Je ne survivrais pas si nous ne le retrouvons pas.

Tristan ne me quitte plus. Il s'inquiète pour ma santé physique et mentale. Je dois faire peur à voir, parce-qu'il n'est pas le seul. Je n'ai plus la force de surmonter ma douleur. Je pars me coucher. Je dors, et dans mon sommeil, je vois ma grand-mère devant moi.

"Ma petite fille, tu dois aller voir Euphéride, il peut t'aider. Ne perds pas trop de temps, tu dois te rendre dans la forêt avant que le rite des dix jours soit terminé. "

Et elle disparait. Je ne comprends pas ce qu'elle veut me faire passer comme message. Est-ce que je l'ai vraiment vu dans mon sommeil. J'ouvre mes yeux. Tristan est à nouveau à côté de moi. Je le regarde, et je lui dis :

"- Il faut que tu m'emmènes voir mon grand-père !"