Traquée

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Il était là, dans la maison. Où exactement, je ne savais pas. Mais je sentais sa présence, lourde et oppressante. Toute l'horreur qu'il m'avait fait vivre... Je n'étais pas prête à l'oublier.

Je serrai un peu plus fort le couteau que je tenais dans ma main et déglutis péniblement. Cette nuit allait se dérouler la dernière confrontation. Juste lui et moi. Et personne d'autre. A partir de maintenant, plus personne ne mourra par ma faute. Il ne tuera plus d'innocents. Telle était ma conviction.

Un reflet soudain me fit sursauter. Il était là, tout proche. Je continuai à me tenir immobile, silencieuse. J'avais peur. J'avais peur et il le savait. En ce moment même il jouait avec moi comme un renard jouerait avec sa proie avant de la broyer d'un coup de mâchoire.

Un bruit étouffé se fit entendre dans la pièce d'à côté, puis à nouveau le silence.

Ce soir, cet homme, quel qu'il soit, allait mourir. Lui qui m'avait fait vivre dans la terreur durant tout ce temps. Lui qui s'en était pris à mes proches pour me faire du mal. Ma famille, mes amis, mon copain... Evan... Je l'avais retrouvé éviscéré, ses tripes répandues sur le tapis de sa chambre. Une vision qui m'horrifiait.

Une larme m'échappa. Je m'empressai de l'essuyer avec ma manche. Cet enfoiré allait payer pour ce qu'il avait fait. J'allais le lui faire payer. Et il ne fera plus jamais de mal à personne.

Un ricanement, puis :

- Alors Audrey, il semblerait que tu vives ta dernière nuit...

Un silence qui semblait s'éterniser s'installa.

- Que ressens-tu à l'idée de ta mort ? Mmh ? reprit-il. Dis-moi ce que l'on ressent... Dis-moi ce que tu as éprouvé chaque fois que tu apprenais la mort de l'un de tes amis ! Emma, Jackson, Judith, Kevin, ta sœur, ta mère, Julia.... Mmh.... Ai-je oublié quelqu'un ?

Silence.

- Ah oui, comment ai-je pu oublier ce cher Evan... Oui Evan, quel charmant jeune homme. Je vais t'avouer un petit secret tu es d'accord ? il fit une petite pause avant de reprendre. C'est lui qui m'a le plus supplié, il prit une voix sarcastique et continua : « Oh non pitié ne me tuez pas ! Je ferai tout ce que vous voudrez pitié » ... HAHAHA !

Sa voix avait pris un ton psychopathe avant de se finir en éclats de rire.

Je resserrai ma poigne sur le couteau, plus déterminée que jamais. Il allait mourir dans quelques instants. J'allais le tuer, lui plonger ma lame dans le ventre avant de la remonter le long de son abdomen, pour enfin lui trancher la gorge. Je ne ferai preuve d'aucune pitié avec ce monstre.

- Pourquoi te caches-tu Audrey ? Tu n'es pas si timide d'habitude. Aurais-tu par hasard peur de moi ? Nouveau ricanement. Tu as perdu de ton courage à ce que je vois... Tu avais l'air tellement convaincue par ce que tu disais lorsque tu as retrouvé le corps de ton amie Julia... Qu'avais-tu dit déjà ? « Tu vas payer pour ce que tu as fait, ordure » ? « Tu regretteras de l'avoir touchée » ? Ça sonnait plutôt comme une menace dans mon souvenir. Mais dis-moi, qui est la menace, ce soir ? Toi ou moi ? Allez... ce silence n'a que trop durer ! DIS-MOI !! QUI EST LA MENACE AUDREY ?!?

Il y eut un bruit de casse, peut-être un vase lancé par terre. Ce gars était taré. Je devais l'arrêter. Dieu sait ce qu'il pourrait encore faire s'il restait en vie. Il fallait que j'y mette fin. Pour mes amis, pour ses futures victimes, pour moi.

- Tu sais, ma jolie, je vais t'avouer autre chose... Vous n'étiez pas mes premières victimes, toi et tes copains. Tu n'es pas la première à tenter de m'arrêter. Et tu ne seras pas la dernière. Connais-tu ce sentiment de puissance que l'on ressent lorsque l'on plante une lame dans un corps, et que la pauvre victime te regarde en sachant que son heure est venue ? Ce sentiment de bonheur absolu lorsque la vie quitte son regard ?

Un soupir suivit d'un court silence

- Non, bien sûr que non tu ne connais pas cette sensation... Et quand bien même, tu ne comprendrais pas. Tu es beaucoup trop douce, trop gentille pour ça. Ton truc, c'est plutôt quoi ? C'est vrai, en fait je ne te connais pas si bien que ça, contrairement à ce que tu pourrais croire. Les études ? L'équitation ? Le cinéma ? La lecture ? Les arts martiaux peut-être, qui sait.

Pourquoi me disait-il tout ça ? Etait-il donc si fier de ses actes inhumains ? J'étais révulsée à cette idée. Je ne comprendrai que plus tard la raison de ce monologue.

- Je regrette vraiment de devoir te tuer. C'est du gâchis. Tu es si belle. Mais je n'ai pas le choix tu comprends ? Je pourrais jouer encore un peu avec toi, mais tu es bien trop intelligente pour que je m'y risque, la situation pourrait se retourner à ton avantage. Mais on a toute la nuit devant nous, je ne suis pas obligé de te tuer tout de suite. Pourquoi ne sortirais-tu pas de là où tu te caches pour me rejoindre ? Nous pourrions boire un petit thé, manger quelques cookies, regarder un film... Ou tout simplement discuter. Je ne suis pas à l'aise à l'idée de parler tout seul vois-tu ? Ce n'est pas très agréable. Une conversation est préférable. Ou alors, nous pourrions juste nous amuser. Nous faire du bien, tu sais, comme tu le faisais parfois avec ton cher copain...

Il se tut un instant.

- JE SAIS QUE TU ES LA ! MAINTENANT MONTRE TOI ! VIENS !!! SORS DE TA CACHETTE QUE JE TE SAIGNE COMME TES POTES SALE TRUIE !

Il cria ces derniers mots d'une voix menaçante, ce qui me terrifia encore plus. Depuis combien de temps avait-il perdu la raison ? Un an ? Deux ? Dix ? Peut-être plus. Quel âge avait-il ? Vingt, trente, quarante ans ? Tant de questions dans ma tête. Mais bientôt j'aurai des réponses. Je verrai son visage. Je saurai qui il est. Malheureusement certaines allaient rester en suspens, car il serait le seul à pouvoir m'en fournir, mais les morts ne parlent pas.

Le manche du couteau était glissant, mes mains étaient moites. J'étais terrorisée à l'idée de l'affronter, bien que je fasse de mon mieux pour être forte. Cet homme était habitué à s'occuper de personnes comme moi, alors que moi, je n'avais encore jamais tenu un couteau pour me défendre. Je me rappelai les fous-rires avec ma sœur, lorsque l'on plantait le couteau dans le gâteau en imitant un meurtre et que ma mère se plaignait qu'on le massacrait, et que nous ne pourrions plus avoir de belles tranches. Cette époque me paraissait si lointaine... Je n'étais alors qu'une jeune fille naïve qui voyait la vie en rose, malgré quelques regrettables amourettes. Et maintenant, me voilà dans ce placard, un couteau tout contre moi, prêt à être balancé dans le corps de l'homme qui se trouvait dans ma maison. La vie m'avait changée. Il m'avait changé. Plus jamais je ne pourrai rire comme avant. Pas sans mes amis, pas sans ma mère, pas sans Evan.

Ils me manquaient tous, plus que jamais. Peut-être valait-il mieux pour moi que je meure, que je quitte ce monde, plus jamais tourmentée par l'horreur dont il était capable. Peut-être...

Non. Je ne pouvais pas penser ainsi. J'allais le tuer. J'allais le tuer et survivre. Pour tous ceux que j'avais perdus, et pour toutes ses victimes.

Une nouvelle larme coula sur ma joue. Celle-ci je ne l'arrêtai pas. Je la laissai suivre les courbes de mon visage, puis atteignant mon menton, disparaître dans le noir telle une promesse fuyant la réalité d'un monde perverti.

PourchasséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant