Vindicatif

Prisonniers

-      Il est 20h, Mesdames Messieurs bonsoir. Nous avons les premières estimations du résultat du second tour en France ! Pour commenter ces estimations, nos experts ainsi que les soutiens des deux candidats : à ma droite, notre politologue, Julie Dacquin. A ma gauche notre consultant en politique : Etienne Dorant.

Les résultats s'affichaient sur l'écran d'ordinateur : 51.05 % pour Jeanne Hollet, candidate de la « France souveraine » et 48.95 % et pour le représentant de « L'avenir européen », Nicolas Toralis.

-      Nous sommes aussi en présence des représentants des deux partis : Charles Deroux pour la « Révolution Identitaire » et Nathalie Blasant pour « La Marche vers l'Avenir ». Parlons directement des pré-résultats affichés, et votre première réaction Julie ?

Elle déglutit difficilement devant son micro et démarra, la voix tremblante :

-      C'est...un résultat inattendu. C'est le moins qu'on puisse dire. Je vais être honnête, je ne comprends pas, comment ni pourquoi, ce score s'affiche ce soir mais...

-      Parce que la France a enfin compris madame ! Coupa le représentant de la candidate nationaliste, Les Français en ont marre d'être pris pour des imbéciles face à une élite politique, que dis-je, une oligarchie qui n'a que faire des intérêts de son peuple souffrant ! La « Révolution Identitaire » est en marche ce soir et elle vient de poser la première brique de l'immense et magnifique pyramide française que nous allons honorer !

Le silence sur le plateau télévisé est pesant, personne ne sait quoi dire après la phrase du jeune homme. Les regards sont abattus, l'air vaincu, nul ne comprend. Paul qui regarde derrière son écran d'ordinateur visionne avec attention la vidéo archive du soir de l'élection présidentielle de 2017 en France sur la chaîne d'informations. Il avance la scène jusqu'à la publication des résultats définitifs, il fixe les chiffres qui semblent l'aspirer. L'écran affiche 53.55 % pour Jeanne Hollet et 46.45 % des voix pour le candidat de « La marche vers l'avenir ». Il augmente le son de son ordinateur :

-      ...Un score et un moment historique auquel nous assistons, pour lapremière fois en France, une femme va devenir présidente et le parti « Révolution Identitaire » va pour la première fois présider.

Le ton du journaliste est grave, aucun engouement, aucune manifestation d'émotions, la presse télévisée émettait étonnement de la neutralité à l'évocation d'un candidat, pas d'opinions subtilement cachées, rien. Une apathie qui se traduisait par une incompréhension générale. Paul songeait que personne ne devait y croire à l'époque, ils ont dut penser que les élections étaient truquées, tout ce genre de choses. Lui à l'époque, ça ne l'intéressait pas, et pourtant aujourd'hui il regrette presque d'être passé à côté de cet événement. Il cliqua sur le bouton « play » pour relancer la vidéo :

-      ...Tout de suite rejoignons notre envoyé spécial, Eric Querton au QG de campagne de Jeanne Hollet. Eric ? M'entendez-vous ?

L'image montre un homme se tenant droit, un micro à la main, en arrière-plan, une foule qui jubile, drapeaux français à la main ou encore pancarte « Jeanne Présidente ! ». La foule est face à une estrade où une femme approche, vêtue de noire et d'un petit pin's bleu blanc rouge sur la veste, elle fait face au public qui hurle de joie face à leur élue.

-      Oui en effet, Jeanne Hollet va s'apprêter à dire ses premiers mots à propos du résultat définitif de l'élection, écoutons là.

La salle entière, bondée de monde crie encore durant de longues minutes, la candidate, tout sourire fait des signes de mains à chaque personne, elle se sent émue face cette foule qui l'aime tant mais elle garde le regard belliqueux, prête à se lancer dans son projet. Le silence s'installe petit à petit et Mme Hollet se place au milieu de l'estrade, tous les regards sont portés sur elle.

-      C'est votre victoire ! Les personnes présentes rugissent d'un même homme, Nous avons balayés cette classe d'élite d'inutile, pour laisser place à la gouvernance du peuple ! La vraie démocratie ! La salle est en ébullition, Maintenant, il ne suffit plus de se reposer sur notre victoire, ce n'est que le début de notre ascension vers le retour d'une France « Souveraine » ! Dès mon Investiture, j'attaquerai le premier « chantier » de mon mandat : l'immigration massive ! Je fermerai ces frontières qui nous laissent entrer tout genre de vermines et surtout, ces islamistes qui font couler le sang de vos enfants ! La foule réagit en faisant monter une bronca jusqu'au fond de la salle. Je dirai que, la France avec moi, retrouvera ses vraies valeurs, le respect, le droit, la liberté face à des parasites comme ces arriérés moyenâgeux, et j'ai n'ai aucun scrupule à les désigner de la sorte !

Paul s'arrête là, il sait que le reste du discours sera sur les fléaux de l'immigration, du risque du fondamentalisme islamiste, toutes ces paroles démagogues qui lui ont permis d'être présidente durant cinq ans. Mais surtout, à cause de ces frontières fermées, de sa sortie de l'embrouille, de ses rixes diplomatiques avec la quasi-totalité des pays d'Europe et du Moyen-Orient, la France s'est isolé politiquement et au niveau commercial, créant une crise sans précédent il y a deux ans. Aujourd'hui, le contexte de récession est encore ressenti, mais là n'est plus le principal problème. Chaque pays limitrophe au continent européen a décidé de fermer ses frontières face à la marée humaine qui s'approchait de leur pays. Un « scandale diplomatique » déclara la présidente française, « une réponse à votre mépris » rétorquèrent unanimement tous les pays ayant bloqué l'accès. Les combats entre douaniers et émigrés se multiplièrent, mais rien n'y faisait, l'Europe semblait être fermée entre quatre murs, seulement, ces murs ne la protégeaient pas, mais au contraire elle était prisonnière.