Paul monte dans sa chambre, l'air hagard, il ne distingue pas ce qu'il aperçoit, non il s'en fiche en réalité, il gravit les escaliers et manque plusieurs fois de louper une marche de ce bloc de béton circulaire. Arrivé au premier étage, il sent son téléphone vibrer dans sa poche, il le sort et observe l'écran « message de Zoé ». Il le remet dans son jean et continue sa démarche débonnaire jusqu'une porte au fond du couloir. Cette porte est marquée d'un signe anarchiste, enfin, une feuille A4 imprimée avec un logo pseudo-anarchiste pixelisé. Il l'ouvre et la referme directement derrière lui, sa chambre est dans l'obscurité la plus totale. Il ne recherche pas à enclencher l'interrupteur, il connait sa pièce et même aveugle il saurait comment aller se vautrer dans son lit deux places. Il s'effondra donc tout habillé sur son sommier aux draps froissés et à la couette en boule, il sent son téléphone vibrer une nouvelle fois. Il le sort de sa poche, le pose sur son lit face à lui et lit « deux messages en attente de Zoé », il soupire un coup, se relève de façon à être assis, les jambes au sol et il déverrouille son smartphone. Les SMS s'affichent :Zoé, 22h01 : Paul réponds moi bordel !
Zoé, 22h10 : Va te faire foutre tu sais quoi.
Il resta quelques secondes à fixer son téléphone, se demandant la raison pour laquelle il l'ignorait. Tout s'était passé si vite qu'il en eu oublié sa petite-amie. Ce devait être encore une dispute débile et immature. Il n'y prêtait plus attention tellement ça l'agaçait. Il n'avait pas l'esprit à ce genre de querelles ce soir. Nouvelle vibration, nouveau message, Paul perdu dans ses pensées en avait oublié le lecteur automatique et n'avait pas vu le temps s'écouler.
Zoé, 22h12 : Pourquoi tu m'ignores là ? Arrête de fuir à un moment et assume ce qu'il s'est passé non !
Il inspire un grand coup et se lance dans la rédaction d'un pavé habituel exprimant le fait qu'elle se trompait, qu'elle ne comprenait pas. Après deux minutes de rédaction ininterrompue, il se stoppa et s'écria :
- Et puis merde.
Il effaça le tout et écrit quelque chose de beaucoup plus concis :
Paul, 22h15 : Tu sais au moins ce qu'il se passe actuellement ?
Zoé, 22h15 : Le fait qu'on se soit embrouillé et que tu m'ignores depuis bientôt deux heures parce que « t'es trop occupé en ce moment » donc je n'existe plus.
Paul rit avec cynisme, il osait espérer qu'elle le lâcherait avec ça vu les circonstances des choses, surtout pour une telle imbécilité. Paul était très occupé ces derniers temps, il bossait pour intégrer l'école de ses rêves, la faculté de « Sciences Politique » de Paris : la Sorbonne. Il se privait de tous loisirs pour se consacrer pleinement à son objectif, au désespoir de Zoé qui se plaignait de ne plus voir son compagnon. Elle qui commençait à penser qu'il n'était pas distant que pour le travail. Paul s'efforçait de trouver le juste milieu entre sa copine et ses ambitions, mais cela restait maladroit encore. Il se demandait maintenant ce que valait tout cet investissement dans son objectif après cet événement, et surtout quand pourrait-il revoir Zoé, tant de questions venaient s'amonceler dans son esprit. Une nouvelle fois perdu dans ses pensées troubles, Paul laissa son téléphone se mettre en veille de lui-même avant de se rallumer brutalement dans la minute qui suivit, signe d'un énième message. Il le prit nonchalamment et repris ses esprits : « nouveau message de Zoé ».
Zoé, 22h17 : Apparemment , maintenant comme il y a deux heures, tu n'as aucun argument pour te défendre à propos de toi et moi ! Je le savais dans le fond ! Tu me mens et tu me déçois en plus. Le plus choquant c'est que tu ne dis rien.
Paul, 22h18 : Quand je te demandais ce qu'il se passait, c'était à propos d'un véritable truc Zoé, pas de ça et de tout ce que tu inventes depuis 2 mois.
Zoé, 22h19 : Tu parles de quoi alors ? Et arrêtes, tu ne fais rien pour me rassurer et me prouver le contraire donc à un moment je ne suis pas débile, je sais que tu me caches des choses dans mon dos, je vois bien que t'es distant avec moi, physiquement comme mentalement, on ne parle plus du tout !
Il serra la mâchoire, ne comprenant pas tout l'acharnement et l'inadvertance dont faisant preuve sa copine, se rendait-elle compte de l'ampleur de la situation ? Les poings serrés, il reprit le téléphone et rédigea son message :
Paul, 22h21 : Alors écoutes moi maintenant, t'as deux solutions :
Paul, 22h21 : T'écoutes gentiment ce que j'essaie de te dire, qui te concerne, toi, moi, ton père, ton frère, ta sœur et le restant de la population...
Paul, 22h22 : ...Ou alors t'en rajoutes une couche à propos de ma soi-disant « distance que j'ai mise entre toi et moi » mais par contre je disparais et pas que pour deux petites heures. Tu ne t'en prendras qu'à toi-même.
Heureux de sa repartie, il s'allongea sur son lit et attendit patiemment la douce vibration signe d'une réaction de sa compagne, bonne ou mauvaise d'ailleurs.
Zoé, 22h25 : Encore une fois, je dois passer au-dessus de tout ça et faire l'effort...bref. Dis-moi ce qu'il se passe.
Paul et Zoé discutèrent longuement par SMS, comme des millions d'autres êtres humains. Progressivement, le monde entier fut au courant de la sombre nouvelle, comme un mauvais réveil, chacun entra à sa manière dans l'horrible réalité. Les conversations téléphoniques explosèrent, les transactions d'argents, de capitaux aussi, mais le plus important, le début d'une vague d'immigration sans précédent débuta dès la première nuit.
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Vindicatif
RandomPersonne dans les rues, aucun bruit, aucune voiture, les lampadaires sont seuls, source froide et superficielle de lumière. Devant son petit écran, le monde entier est collé, le silence pesant marque les visages graves, le manque de réaction est é...