Pensées à Roméo

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Cher Roméo,

Le sais-tu ? Que la volonté de mon père est en marche et que notre avenir sera bientôt compromis ? Hélas, pose ta main sur mon cœur cher Roméo. Sens-tu à quel point il bat mon aimé ? De peur, de douleur, de peine mais aussi de joie, d'amour et de détermination. Peux-tu comprendre le cœur d'une femme cher Roméo ? Éprouves-tu comme moi ce besoin de rester à jamais à tes côtés ? Tu es né pour être mon ennemi, je suis née pour être la tienne. Cependant, il me semble que nos cœurs ne soient pas de cet avis. Que faire lorsque nos cœurs se cherchent ? Je t'aime si éperdument. Plaît-il à Dieu de nous tourmenter? T'es-tu jamais demandé si tout n'était pas déjà prémédité depuis longtemps ? Quelle chance y avait-il qu'un Montaigne et une Capulet s'aiment? Sommes-nous maudits ? Non, nous ne sommes que des enfants.

Alors que nos souffles se mêlent pour ne former qu'un, que nos mains se rejoignent, qu'il me semble sentir mon âme se lier à la tienne, je ressens le vide à venir. Oui, mon amour, il s'agit de ce manque aussi dévastateur que le manque d'air. Un manque qui m'étourdit, me porte le cœur au bord des lèvres, me tue à petit feu, me perd. Je suis perdue car demain tu ne seras plus. Demain, je ne te verrais plus. Au petit matin, les draps encore chauds seront désertés dès que l'alouette chantera. Tu feras ton baluchon, prendras un cheval et t'en iras tête baissée loin de notre Vérone tant aimée. Tu emporteras avec toi mon foyer car tu es celui à qui j'ai donné ma vie. Tu es ma chaleur, la personne qui m'est destinée, le feu qui me consume, la tiédeur agréable de mon corps. Je t'aime comme j'aimerais la vie. Je t'aime comme je m'aimerais moi-même.

Je me suis promise à t'attendre toujours en silence mais te voir si loin est si pesant. Mes jambes ne veulent que te retrouver. Mon regard se perd dans le lointain où tu disparais peu à peu. Mon souffle se fait court sans le tien pour le ranimer. Mo cœur se serre de chagrin tandis que mes yeux n'ont plus de larmes pour pleurer. Quand reviendras-tu mon amour ? Tu ne peux pas même si toi et moi le désirerions de toutes nos forces. Tu es rejeté par les miens, je suis rejetée par les tiens, nous appartenons pourtant désormais à deux familles. Faut-il un peu de courage pour nous aimer tous les deux ensembles ? Nos sangs sont mêlés, les leurs aussi. Quand s'en rendront-ils compte ? Sommes-nous condamnés à nous aimer de loin alors que nous sommes mari et femme? Couperont-ils le fil de notre destinée, le fil rouge de nos vies pour préserver leur haine tenace et toujours inassouvie ?

N'aurons-nous pas la joie d'être une famille ? Porterais-je un jour nos enfants ? Rien n'est plus improbable. Au moins, tout aussi improbable que l'amitié future de nos familles que le Prince cherche tant à faire fleurir. Ses pousses sont étouffées avant même de sortir de terre. Moi seule à t'attendre ne me ramènera jamais vers toi. Tu as été chassé de Vérone, de ma présence. Personne hormis ma nourrice ne saura jamais rien de nous deux et ma flamme me consumera toute entière car une vie sans toi ne mérite pas d'être vécue.

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