La rébellion

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- Ouvre ton blog ! me dit Ellna.
- Comment ça ouvrir mon blog ? répliquai-je d'un air perdu.
    Elle tenait le poulet qu'on venait d'égorger à la main.
- Bah c'est son anniversaire alors à défaut de manger la viande du poulet qu'on a tué pour l'occasion, il peut goûter le sang.
- Un peu comme un vaudou ? Pourquoi pas.
- Puisque c'est toi le créateur, à toi de lui donner.
- Très bien, fis-je. Mais si l'écran de mon téléphone a un souci après tu m'en achèteras un neuf parce que c'est toi qui as eu cette idée saugrenue.
    J'ouvris le blog sur mon téléphone et plongeai mon index dans le sang du poulet. Je le passai sur la page d'accueil du blog en faisant attention à ne pas toucher les bords de l'écran.
- Joyeux anniversaire, murmurai-je avec un sourire béat.
    Les lettres s'animèrent soudain sous mes yeux.
- Regarde ! criai-je en montrant l'écran à Ellna.
- Euh, je suis censée voir le sang sur l'écran ou la page d'accueil ? répondit-elle.
- Mais non, regarde les lettres.
    Elle fixa l'écran blanc pendant un court moment.
- Oui j'ai vu que c'est très propre à part la tache de sang.
- Mais non je ne te parle pas de ça, répondis-je. Tu ne vois pas les lettres bouger ?
- Non, tout ce que je vois c'est que tu tiens mal l'alcool. Tu as à peine bu un demi-verre et tu délires déjà.
    Je la regardai d'un air boudeur. Mais elle avait peut-être raison, me dis-je en déposant mon téléphone sur la table. Je n'ai rien activé sur mon blog qui pourrait faire danser les lettres.
- Aide-moi à déplumer le poulet au lieu de me regarder comme ça.
    Je sortis de ma rêverie. Je l'aidai donc à déplumer le poulet et à le dépecer. Elle nous prépara un bon djékoumé dont elle seule avait le secret.
- Mais d'où t'es venu cette idée de faire un truc pour ton blog alors que ça ne te rapporte rien comme revenu ?
   J'étais vautré sur le canapé, le bide en l'air. Le ventilo tournait à plein régime, essayant de vaincre tant bien que mal la chaleur.
- La fierté sûrement, répondis-je. Tu sais quand j'écrivais les premières lignes de l'histoire de Gabriella, je n'avais jamais pensé que j'en serai là aujourd'hui. C'était juste pour lui faire plaisir que j'ai écrit son histoire. Elle traversait des périodes difficiles en ces moments. J'ai atténué les faits dans la chronique. Voilà un peu. Elle a marqué ma vie d'une certaine manière et pour ça je lui en serai toujours reconnaissant. Des fois je me surprends moi-même en écrivant et dans ces moments je me demande d'où me viennent toutes ces idées.
- Je me le demande aussi. En tout cas, ça n'a pas intérêt à s'arrêter parce qu'on a quelques dizaines de best-sellers à écrire. Je serai ton agent et je te ferai gagner des millions.
- Et moi je te construirai cette maison à Miami dont tu rêves tant, répondis-je en souriant.
- Bon il faut que je rentre, j'ai un examen demain et je n'ai aucune idée de ce dont parle le cours jusqu'à savoir quoi écrire demain.
    J'enfilai mon tee-shirt et la raccompagnai sans faire d'histoire. Elle venait de passer la journée avec moi après tout. Je passai chez quelques potes avant de rentrer chez moi vers 22h. Dans la rue où j'habite, seules deux ou trois maisons, la mienne y compris, allumaient une ampoule dehors la nuit. Mais je ne me souciais pas de ce détail puisque la nuit était claire et que j'avais une lampe torche sur mon téléphone.
    J'étais à quelques mètres de chez moi quand la voix de The Weeknd s'éleva de ma poche. C'était mon téléphone qui sonnait. Je regardai sur l'écran. C'était marqué Joël. Le seul portant ce nom dans mon répertoire est un ancien camarade avec qui j'avais fait la terminale. Sûrement qu'il est dans le quartier et qu'il veut me saluer, me dis-je en décrochant.
- Retourne-toi ! m'ordonna une voix qui n'était pas celle de mon pote à l'autre bout du fil.
    Je me retournai d'instinct. J'étais seul. Je regardai aux alentours. La rue était vide.
- De l'autre côté sombre idiot, reprit la voix.
    Je me retournai et aperçut un jeune homme en chaise roulante devant chez moi. Il raccrocha dès qu'il vit que je le regardais. Je m'approchai dans l'espoir de le reconnaître en le voyant de plus près, mais sa tête ne me disait rien.
- On se connait ? lui demandai-je en rangeant mon téléphone dans ma poche.
- Tu ne me reconnais plus n'est-ce pas ? me répliqua-t-il avec agressivité.
- Euh pour reconnaitre quelqu'un il faut l'avoir déjà vu et honnêtement ta tête ne me dit rien, répondis-je. Maintenant si tu permets j'aimerais rentrer me reposer, j'ai eu une longue journée.
     Il se retourna vers la lumière.
- Tu reconnais ceci ? me demanda-t-il en me montrant une cicatrice sur sa pommette gauche.
- Attends c'est quoi cette embrouille ? m'enquis-je en faisant immédiatement le rapprochement entre le nom et l'emplacement de la cicatrice. Si c'est une blague elle n'est pas drôle du tout.
- Ah tu me reconnais maintenant ? fit-il.
     Si c'était une blague, elle était très bien élaborée mais il était temps que ça s'arrête.
- Ça ne peut pas être vrai. Tu ne peux pas être là à me parler. Tu n'existes pas.
    Je l'ignorai et essayer d'ouvrir le portail mais il était fermé. J'essayais d'appeler mon frère mais la voix de la dame de Togocel me rappela que je n'avais pas de crédit. Et cerise sur le gâteau, mon téléphone s'éteignit quand j'essayai de rallumer ma 3G. En résumé j'étais coincé dehors avec ce malade en chaise roulante, tard la nuit.
     Je frappai au portail et attendit qu'on vint m'ouvrir.
- Qu'est-ce qui t'a pris d'écrire cette foutue chronique ? Qu'est-ce que j'ai fait de si mal pour que tu me mettes dans une chaise roulante pour le restant de mes jours ? Coucher avec des jumelles ? C'est ma faute si tu m'as fait si intelligent ? J'ai aimé l'histoire jusqu'à l'affaire de sodomie. Enfin jusqu'à ce que tu t'acharnes sur moi. Alexia et sa jumelle n'ont eu que ce qu'elles méritaient.
    J'entendis des bruits de pas dans la maison et je me pointai devant le portail pour rentrer aussitôt qu'on m'ouvrirait.
- Où crois-tu aller comme ça ? me demanda-t-il.
    Il mit son pouce et son majeur dans sa bouche puis émit un sifflement strident. En clin d'œil une main m'entoura et une autre me couvrit le nez avec un mouchoir. J'essayai de me débattre mais la personne était beaucoup plus forte que moi.
    Ma vision se renfloua peu à peu puis ce fut le noir total.

La rébellion des sept [One-shot]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant