Chapitre 2

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-Heureusement qu'on a atterri dans un endroit où il y a de la nourriture. On serait morts de faim à l'heure qu'il est.

C'était la seule chose qu'elle réussit à dire. La fille tentait vainement de se souvenir de quoi que ce soit, mais elle avait beau se creuser la tête, elle ne trouvait aucune trace de son passé.

-Comme tu dis. Tiens, mange, ajouta Horace en lui tendant une boîte de conserve.

Elle ne savait pas ce que c'était, mais elle se dit qu'elle devrait éviter d'irriter ce garçon.

Ils s'assirent donc sur le sol dans ce qui avait été une boutique de vêtements et mangèrent en silence.

La jeune fille était certaine de rêver. Pourtant, un éclair de panique jaillissait à chaque fois qu'elle y pensait : et si c'était réel ? Elle n'avait jamais fait pareil songe, où elle ne se souvenait même pas de son nom.

-Dis-moi... Euh... Est-ce que tu sais comment je m'appelle ?

-Mmmh ?

Elle avait sorti Horace de son mutisme, et celui-ci semblait peu enclin à discuter.

-Mon nom, répéta-t-elle, patiente. Est-ce que tu le connais ?

Pour toute réponse, le garçon sortit un objet de sa poche. C'étaient une chaîne et un pendentif, un peu rouillés, mais qui devaient être autrefois très jolis.

-J'ai trouvé ça sur toi. J'imagine donc que c'est à toi.

Horace la lui tendit. Elle la prit d'une main tremblante. En regardant de plus près, elle vit que sur le pendentif était écrit un nom. Son nom. Charlotte.

Horace lui reprit le collier.

-Tourne-toi, dit-il.

Elle se retourna vers un miroir, brisé en bas, pour voir à quoi elle ressemblait et tint ses cheveux de ses mains frêles pour laisser le jeune homme lui attacher son collier.

En face d'elle, elle vit une jeune fille aux cheveux courts et châtains, la peau pâle et les yeux tellement noir qu'on pouvait quasiment confondre pupille et iris. Un court instant, elle se dit qu'Horace était son frère, tant leurs yeux se ressemblaient ; mais non, c'était ridicule, ils n'étaient pas les seuls dans le monde à avoir les yeux noirs. Elle concentra son attention sur son prénom. Charlotte. Elle aimait et trouvait que cela lui allait bien.

Elle sentit derrière elle Horace se figer. Elle se retourna et vit qu'il la fixait d'un air horrifié. Il dut voir qu'elle l'avait remarqué, aussi lui lança-t-il un sourire crispé.

-Tu te sens bien ? lui demanda Charlotte.

-Oui bien sûr, répondit-il, gêné. J'aimerais que tu me répondes honnêtement : tu ne te souviens de rien, n'est-ce-pas ?

S'ensuivit d'un silence, qui leur parut durer des heures à tous les deux.

-Non, finit par répondre Charlotte.

De nouveau, un silence de plomb.

-C'est... normal ?

-Tu devrais aller prendre une douche, dit il pour changer de sujet. Je vais te chercher des vêtements propres et une serviette. Je répondrais à tes questions plus tard. Et tu devrais aller te reposer, aussi.

-Mais j'ai dormi pendant six...

Elle s'interrompit car le jeune homme était déjà parti. Lorsqu'il revint, Charlotte renonça à lui poser plus de questions, tandis qu'Horace l'emmenait vers les douches.

-Ces douches étaient destinées aux employés, lui dit-il avant qu'elle n'ait pu demander quoi que ce soit. Ne me demande pas pourquoi, je n'en sais rien.

-Comment se fait-il qu'on ait l'eau et l'élec...

-Plus tard, l'interrompit de nouveau son interlocuteur, la main levée. C'est ici, je t'attends dans la librairie.

Et, sans attendre, il s'en alla.

Elle entra dans la salle où se trouvaient des lavabos ainsi que des miroirs accrochés à deux murs face à face et alluma la lumière. Une lueur blafarde éclaira la pièce. A première vue, les murs blancs étaient parfaitement propres, comme si le temps c'était figé. En regardant de plus près, Charlotte s'aperçut qu'une fine couche de poussière le recouvrait. Elle verrouilla la porte, déposa ses affaires sur le rebord d'un lavabo, se déshabilla et entra dans la cabine.

Angoissée, elle fit couler l'eau au-dessus de sa tête, et, une fois de plus, elle fut étonnée qu'elle soit chaude.

Le jet brûlant lui fit un bien fou. Charlotte décida de faire le point.

Elle se trouvait dans un endroit abandonné depuis six mois avec un inconnu qui n'était jamais sorti de là ; malgré tout, ils avaient l'eau chaude et l'électricité, et enfin, elle n'avait aucun souvenir à par son prénom. Elle tenta de retrouver autre chose au plus profond de sa mémoire, en vain.

Cela ne sentait pas bon.

Pas bon du tout.

De plus, la sensation de chaleur sur la peau nue de la jeune fille lui confirma qu'elle ne rêvait pas, et cela la terrifiait. D'ailleurs, elle se rendit compte qu'elle avait arrêté de respirer par angoisse. Charlotte prit une bouffée d'air et de vapeur d'eau, et, après quinze minutes qui n'en parut que deux elle sortit, à peine apaisée ; elle s'habilla, délaissa sa serviette et s'observa dans la glace. Elle regardait son dos a travers les miroir devant puis derrière elle, quand elle vit ce qui avait effrayé Horace.

Sur sa nuque, une phrase et un symbole étaient gravés à l'encre noire: un rond noir dans lequel se trouvait un point. En-dessous était écrit:

PROTOTYPE. NE PAS DETRUIRE

Dark eyesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant