On s'installe près de la cabane en bois que l'on a construit étant gamin. Lena déballe ses paquets et en sort une couverture qu'elle dépose lentement sur le sol humide. Jean jette son sac sur la couverture et s'installe confortablement contre un tronc d'arbre rempli de mousse. Je ne peux m'empêcher d'observer son corps frêle qui se détériore de jour en jour. Il me lance un regard noir, ses yeux sombres me transperçant. Je détourne le regard, m'installant à côté de Gara.
Le petit couple de blond se partage leur nourriture tandis que l'on déguste la nôtre. Ils me feront toujours rire. Ces deux-là vont bien ensemble. C'est rare dans cette ville, aussi rare qu'un adolescent. Nous sommes des denrées rares, chouchoutés par les personnes âgées et appréciées par le maire. Je pousse un long soupir tout en découvrant le déjeuner que ma mère m'a préparé.
Un sandwich végétarien, de l'eau ainsi qu'une pomme. C'est peu, mais ça me permettra de tenir la journée. Je commence à manger tout en engageant la conversation avec mes amis. À force de se voir tous les jours, on finit par répéter les mêmes choses. Mais la question fâcheuse m'arrive en pleine face.
- Sinon Alex, comment ça se passe tes consultations chez le psy ? me demande Jean d'un air détaché.
Nous n'avons aucun médecin dans cette ville. Pourtant, il y a une psychologue. Une femme âgée et acariâtre, désagréable au possible avec un manque d'empathie incroyable. Je ne supporte plus de la voir, mais ma famille me force à poursuivre mes consultations. Selon eux, cela m'aide. Selon moi, cela me tue.
- Toujours au point mort, je soupire.
Le déjeuner se termine en silence. On remballe nos affaires, prenant tout notre temps. Il n'est que 14 heures, la fête de Old Town est loin d'être terminée. Je propose donc à mes amis de se balader dans la forêt. Tout le monde accepte. On commence donc notre promenade en dehors des sentiers, profitant de l'été.
Je profite de ce moment pour me rapprocher de Gara. Elle est concentrée, observant les arbres environnants. Les oiseaux se chamaillent au-dessus de nos têtes et les animaux nous observent sans un bruit. Je pose lentement ma main sur son épaule, ce qui la fait sursauter. Elle me donne une petite tape sur l'épaule tout en rigolant. Je me contente de lui sourire et j'engage la conversation.
- Ça va mieux avec tes grands-parents ? je lui demande.
- Ils ne souhaitent toujours pas me laisser quitter la ville..., soupire-t-elle. Je suis la seule famille qu'ils leur restent et ils ne se voient pas vivre sans moi.
Je soupire longuement. Gara souhaite aller étudier à l'étranger. Selon elle, vivre éternellement ici ne serait pas viable et je la comprends. Mais elle ne peut pas se permettre de laisser ses grands-parents seuls, ce qui fait naître quelques tensions auxquelles j'ai pu malheureusement assister. Des cris et des larmes. Voilà ce qui rythme ses journées. Je lui lance un sourire compatissant, regardant la forêt.
Les arbres sont d'un vert fascinant, un mélange de clair et de foncé très prononcé. La mousse verte et abondante recouvre chaque tronc et les broussailles denses les entourent fièrement. Par temps hivernal, la forêt prend un air funeste. Les feuilles qui jonchent le sol en hiver se transforment aisément en une boue encombrante, Haunted Woods n'est pas fréquentable en cette période.
C'est pourquoi la fête annuelle se passe en été. Après le gigantesque repas, les habitants se rassemblent dans la forêt afin d'effectuer une longue balade. C'est une balade silencieuse et étrangement flippante. Je n'y ai participé qu'une fois et c'était la dernière.
Gara dépose une main tendre et amicale sur mon épaule. Je me retourne lentement et elle dépose un doigt sur ma bouche afin que je n'émette aucun bruit. Elle me montre d'un coup de menton la biche qui se cache derrière les buissons parsemés de fleurs. Je m'en approche doucement, faisant attention où je pose les pieds afin de ne pas l'effrayer. Elle relève furtivement la tête dans ma direction, son museau remuant rapidement. J'effectue un petit pas et elle s'enfuit à toute vitesse.
Je pousse un long soupir tandis que Erick me donne une petite tape sur l'épaule. Les animaux peuplent cette immense forêt. Elle regorge de nombreuses espèces aussi fascinantes les unes que les autres. Les observer et les voir d'aussi près est pour moi un privilège. J'adore les animaux, je pourrais passer ma journée à les regarder gambader dans les bois.
Soudain, l'air se rafraîchit un peu. Mon corps entier frissonne et je ne peux m'empêcher de ralentir ma marche. Gara se retourne dans ma direction, levant un sourcil interrogateur. Je lui lance un sourire inoffensif et reprends un rythme de marche normal.
Jean est en tête de ligne. Il découpe les branches qui barrent notre passage à l'aide de la machette qu'il a amenée. On a toujours aimé sortir des sentiers afin de découvrir de nouvelles choses. Les différents chemins de la forêt mènent tous au même point, le petit étang où plus personne ne se rend depuis le suicide d'un jeune homme. Cela fait déjà 10 ans, j'étais gamin, mais je me souviens encore que trop bien du scandale que cela a fait.
Je balaye ces mauvais souvenirs de ma mémoire et propose à mes amis de faire une petite pause. Ils acceptent tous sans broncher et l'on s'installe au soleil, assis contre des troncs d'arbres. Lena sort sa couverture et s'allonge sur le sol près de Erick. Jean, quant à lui, reste dans son coin, jouant avec sa machette. Gara vient se poser près de moi alors que mes paupières se ferment lentement. Je ralentis ma respiration et profite du soleil cuisant.
On entend au loin la fête de Old Town battre son plein. Il n'est pas tard, les habitants sont encore occupés à déjeuner et ils ne sont pas près de venir dans la forêt. Je pousse un long soupir tandis que Gara dépose sa tête sur mon épaule. Je ne bouge pas, ne souhaitant pas la déranger. Cette journée commençait à me plaire.
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Last in the woods [TERMINÉ]
HorrorC'était censé être une balade. Une simple balade dans les bois. Pourtant, cela a viré au cauchemar. Un cauchemar dont il est impossible de sortir. Ils ont tous disparu. Je ne sais plus où je suis. Je suis le dernier, le seul à pouvoir les tirer de...