Chapitre 4

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Les habitants me stressent. La forêt me stresse. Mes amis me stressent. Tous me stressent. Cette balade de la fête annuelle. Cette foule de personnes se rassemblant dans un seul et unique but. J'en ai des frissons rien que d'y penser. Non... Je ne veux pas en faire partie. Je ne vais pas en faire partie. Je ne vais pas rejoindre ce panel de personnes que les habitants qualifient d'objets. Nous sommes beaucoup trop précieux à leurs yeux, ils n'oseraient pas.

Pourtant, la façon dont ils nous ignorent en dit long sur notre statue. Nous sommes devenus fantômes à leurs yeux. Bon qu'à servir cette forêt. Bloquer. Paralysé dans ces bois lors de la fête annuelle. Nous le savions. Mais nous n'étions pas assez prudents. Passer la nuit ici va être un enfer. Essayer de survivre lorsque l'on ne sait pas qui s'y cache va être terrible.

J'ai peur. Peur pour Lena et son cœur qui ne tiendra pas. Peur pour Gara qui est incapable de courir sans sa ventoline. Peur pour Jean et son corps qui le rend vulnérable. Peur pour Erick qui part au quart de tour. Peur pour moi, incapable de me contrôler totalement. Je regarde mes amis un à un et pousse un hurlement de rage, cognant dans un tronc d'arbre.

Je n'en peux plus de garder toute cette pression en moi. Ma chevelure brune me couvre les yeux, mais je ne les retire pas. Pourquoi est-ce que j'ai proposé quelque chose d'aussi dangereux ? Notre pique-nique si merveilleux à tourner au cauchemar. Un cauchemar dont il ne sera bientôt plus possible de sortir. Je lève les yeux au ciel qui s'obscurcit de plus en plus.

Les nuages forment un amas noir et dense qui s'abaisse lentement vers le sol. Le brouillard approche. L'étang n'est plus très loin. Les habitants vont bientôt commencer le rituel. Passé une certaine heure, la fête annuelle d'humeur joviale prend une tout autre tournure. Des visages sombres. Des chants maudits. Et... Non ! Je ne dois pas y penser. Je balaye ces images de mon esprit, me prenant la tête entre les mains. Qu'ai-je fait ?

- On va s'en sortir, me réconforte Gara en posant une main sur mon épaule.

- Ce n'est qu'une nuit, me rassure Jean.

- Ce ne serait pas la première fois que l'on dormirait à la belle étoile, affirme Lena.

Je relève mon regard bleuté dans leur direction, noyé de larmes et de sanglots interminables. Une nuit dans ces bois. Juste une nuit. Le jour de la fête annuelle. Si seulement il n'y avait pas cette fête ! Si seulement Old Town n'avait jamais existé... Je me remets sur pieds, essuyant rapidement mes larmes et leur adressant un sourire dévasté. Gara se doute bien que tout cela me perturbe plus que ça ne devrait. Elle lit dans mes yeux et je ne peux pas détourner le regard.

Je pousse un long soupire et me dirige vers Lena afin de l'aider à étaler sa couverture sur le sol. Il nous est impossible de retrouver notre cabane, nous allons donc devoir dormir à même le sol. Dormir à la belle étoile. Dans des bois. En dehors des sentiers. Sans aucune protection. Je ne le sens pas. Je ne le sens vraiment pas. La nuit tombe lentement et nous nous retrouvons rapidement dans le noir total.

La température a chuté. Il fait froid, gelé. Un temps anormal pour l'été. Un temps anodin pour la fête annuelle. Le brouillard s'est étendu autour de nous. Il nous encercle. Nous observe. Nous traque. Gara se colle contre mon corps, essayant de capter un peu de chaleur. Personne ne dort. Personne ne peut dormir. Tout le monde à peur.

Erick essaie tant bien que mal d'allumer un feu avec les moyens du bord, mais c'est peine perdue. Chaque étincelle se transforme rapidement en un amas de fumée inutile. Les bois utilisés sont humides, le brouillard n'aidant en rien. Gara se résigne à nous illuminer à l'aide de la lampe de poche de son téléphone. Elle dépose son cellulaire au sol et se colle de nouveau contre moi.

La forêt est calme. Trop calme. Pas un seul bruit. Seules nos respirations viennent perturber la végétation. Les animaux sont aux abonnés absents. Ces bois sont vides. Nous sommes les seuls êtres vivants, mais pas pour longtemps.

Soudain, un bruissement de feuille retentit. Lena sursaute et se lève d'un bond. Elle se dirige lentement vers les buissons. Mon amie tend l'oreille, s'en approchant de plus en plus. Elle se risque à passer une main au travers du feuillage, puis elle s'y engouffre totalement. Ne la voyant pas revenir, Erick se relève rapidement et crie son prénom. Une fois. Deux fois. Au bout de la troisième fois, sa petite amie s'extirpe de la végétation qui semble avoir triplé de volume.

Lena tient entre ses mains un petit lapin. Une magnifique boule de poil blanche. Un animal qui semble agoniser. Ne bougeant plus. Son museau remuant lentement. La pauvre bête vit ses derniers instants. Elle dépose délicatement cette adorable bête sur la couverture et retourne à l'intérieur du buisson, prétextant en avoir aperçu d'autres. Erick hausse les épaules et retourne s'allonger sur la couverture, auprès de l'animal déjà mort.

Cinq minutes passèrent. Puis dix. Puis quinze. Lena ne revient pas. Exaspéré, Erick se relève lentement et se positionne devant le buisson. Il prononce son nom. Aucune réponse. Il le répète. Toujours rien. Énervé, il entrouvre le buisson et découvre avec horreur que Lena ne s'y trouve plus. Mon sang ne fait qu'un tour. La peur s'empare de nouveau de moi.

- Lena ! Lena, où est ce que tu es ?! hurle Erick.

Je me retourne dans sa direction. Il est complètement affolé, terrorisé. Il regarde de tout côté à la recherche de sa bien-aimée, il hurle son prénom. Lena s'est comme volatilisée, sa petite tête blonde à disparu. Elle s'est envolée en un battement de cils. J'agrippe fermement le bras musclé de Erick et l'attire à moi.

- Calme-toi ! On va la retrouver, je déclare le plus calmement possible.

Ses yeux marron sont remplis d'une colère, d'une inquiétude et d'une peine indescriptible. Notre ami basané acquiesce et l'on retourne sur nos pas avec empressement afin de retrouver Lena au plus vite. La pression et la peur viennent d'augmenter d'un cran et je ne peux m'empêcher de penser au pire. Je me rapproche de Gara afin de la surveiller de près et de ne pas la perdre de vue.

J'essaie de les rassurer. Mais je vois bien ce qui se passe. Tout le monde le sait. Seul Erick ne l'accepte pas. Ça a commencé. Les habitants ont commencé. La fête annuelle a pris une tout autre tournure. Plus personne ne pourra les arrêter. Dorénavant, ce n'est plus une nuit à la belle étoile. C'est de la survie en terrain inconnu. C'est la mort au bout du tunnel.

Last in the woods [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant