Le sac plastique Partie 7

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Je suis dans ma boutique. J'ai une dernière pensée pour ma femme et mes enfants. Ils sont là, avec moi. Une partie d'eux, en tout cas. Là, un peu partout, dans la boutique. Ont-ils mérité ce que je leur ai fait ? Non, assurément. Mais ai-je mérité de leur faire ça ? Non plus.

A présent, il faut que j'en termine. Je tiens dans mes mains un sac plastique. Un de ces vulgaires sacs plastique. Ceux qu'on trouve au bord des routes, dans les ruisseaux, ou accrochés à des grillages. Je le lève, et m'en sert pour me couvrir la tête. Je le resserre autour de mon cou.


Pendant longtemps, j'ai refusé d'admettre la vérité. Ce n'était tout simplement pas possible. J'ai tout fait pour mourir. Et je n'y suis jamais arrivé. Je me suis jeté sous les roues de voitures, de camions, de trains, de tondeuses. Je me suis jeté dans un étang, dans une rivière. Je suis allé jusqu'en montagne pour me jeter dans un ravin. Mais j'étais toujours là. Même le temps n'a rien pu. Ni le feu. Ni les déchetteries, les incinérateurs, et les centres de recyclage.

J'ai fini par me rendre à l'évidence. Si j'étais toujours là, c'est qu'il y avait une bonne raison à tout cela. Ce n'était pas une punition. C'était parce que je n'avais pas encore terminé mon œuvre. J'avais tué des innocents. Mais les coupables, eux, courraient toujours en pleine nature. Je les avais vus. Je les avais espionnés. Ils continuaient d'exploiter les faiblesses des gens à leur profit.

Il fallait que je les tue. J'avais essayé, à ma façon. Mais ce n'était pas une façon efficace. Et surtout, ce n'était pas une façon suffisamment cruelle. Ces gens-là doivent souffrir davantage que ma famille. Mais j'étais dans l'incapacité de leur faire ça sous ma forme actuelle.

Alors, j'étais retourné à l'endroit d'où j'étais parti. Ma boutique. Il me fallait quelqu'un qui fasse l'affaire. J'avais abordé des dizaines de personnes. Et j'avais enfin trouvé ma proie. Une jeune femme, que je ne laissais apparemment pas insensible. Une jeune femme qui était absolument insoupçonnable pour ce que je comptais faire. Une jeune femme qui ferait l'affaire.


Il m'avait fallu beaucoup de patience. J'en avais eu, du temps, pendant toutes ces années. Du temps comme je n'en souhaite à personne. Maintenant que je sentais que je touchais au but, je voulais que tout aille encore plus vite.

La jeune femme n'était pas du genre à se laisser faire. Mais comme tout bon prédateur, j'avais su attendre le moment opportun pour attaquer ma proie.

Je me trouvais dans le couloir devant la porte de son appartement, en pleine nuit. D'un seul coup, la porte s'ouvrit. Surpris, je me repliai discrètement dans un angle. Je vis le copain de la jeune femme sortir dans le couloir. Pauvre gars. S'il savait ce que je ferai à sa copine. Et pauvre fille. Encore une personne qui ne mériterait pas ce qui allait lui arriver. Ce que j'allais lui faire. Mais après ça, tous ceux à qui je m'en prendrai l'auront mérité. Promis.

A ma surprise, je vis le gars retourner dans son appartement, en laissant la porte ouverte. Alors, je m'engouffrai à l'intérieur, et je me cachai. Le gars ressorti quelques secondes plus tard, en refermant la porte derrière lui. Sa copine était désormais seule. Je me dirigeai vers sa chambre. Il ne me restait plus qu'à me refermer sur sa tête.


                                                                 *****


Je me réveillai d'un seul coup. Quel affreux cauchemar ! A moins que ça n'ait été encore une vision ? J'avais à nouveau été dans la peau du sacré champion. J'avais tué son fils, sa fille, et sa femme. Une scène horrible. Et traumatisante. Pourquoi avais-je rêvé de cela ? J'avais envie de pleurer. Je voulais que mon copain soit là pour le réconforter.

Soudain, à ce moment improbable, je me rendis compte d'un détail qui avait toute son importance. Cette paire de mains coupées, à qui appartenaient-elles ? Je n'avais trouvé aucune information à ce sujet, lors de mes recherches. Peut-être le sacré champion les avait également coupées en morceaux pour les dissimuler dans ses flacons ?

Puis, je me ressaisi. Ce n'était qu'un rêve, après tout. Je sentis alors un mouvement dans le lit. Mon copain était-il rentré pendant que je faisais cet affreux cauchemar ?

Tout à coup, quelque chose m'attrapa et me jeta violemment sur le côté. J'étais incapable de résister. Incapable du moindre mouvement. Incapable du moindre cri. Que se passait-il ? Etais-je réellement devenu folle ?

D'un seul coup, la lumière s'alluma dans la pièce. Je découvris une ombre qui quittait la chambre, allant vers la cuisine. Quelqu'un s'était introduit à mon insu, dans mon appartement, et avait abusé de moi ! Je voulais appeler à l'aide. Je voulais crier. Je voulais pleurer. Je voulais fuir. Et j'étais incapable de tout cela. J'étais prisonnière de mon propre corps.

Soudain, mon agresseur revint sur le seuil de la porte, un couteau à la main. Je me figeai – même si, d'une certaine façon, j'étais déjà figée. Cet agresseur, ce n'était pas n'importe qui. Cet agresseur, c'était moi ! Moi ! Moi ! Je le savais, que je devenais folle ! D'abord ces visions de la petite fille, puis ce délire à propos du sac plastique, ensuite ce cauchemar, et maintenant ça ! Qu'est-ce que je faisais, sur le seuil de la porte, un couteau à la main ?!? Et surtout, que faisais-je hors de mon corps ?!?

La jeune femme qui était devant moi, celle qui avait mon corps, m'adressa un sourire triste.

— Je suis désolée, déclara-t-elle. J'ai un travail à terminer.

Elle agita son couteau dans sa main, pour me signifier de quel genre de travail il pouvait s'agir. Puis elle rebroussa chemin, et je l'entendis quitter l'appartement.

Je voulais hurler. Hurler de peur. Hurler de rage. Hurler de folie. Mais j'en étais toujours aussi incapable. Je perdais complètement les pédales. Il ne m'était jamais rien arrivé de ce genre ! Il n'était jamais rien arrivé de ce genre à personne !!! Et je croyais qu'il ne pouvait rien m'arriver de pire. Mais ça, c'était avant que je regarde dans le miroir. Car la pièce étant toujours parfaitement éclairée, je pus parfaitement voir ce qu'il réfléchissait. Et ça,c'était pire que tout ce qui m'était arrivé jusqu'à présent. Car ce que j'y vis, c'était moi, dans mon nouveau corps ! Un sac plastique blanc à bande orange !


                                                                 *****


Voilà, c'est ici que s'achève cette nouvelle, "Le sac plastique". J'espère qu'elle vous aura plu, n'hésitez pas à laisser un commentaire !

P.S.: Maintenant, lorsque vous verrez un sac plastique voltiger dans la rue... Méfiez-vous...^^

Le sac plastiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant