Morgane se resservit un grand verre d’eau fraiche et reprit sa place dans le canapé moelleux. Elle but à petites gorgées et la sensation de froid sur sa langue la fit se sentir plus réelle. En effet, depuis quelques jours, elle avait l'étrange impression d’assister à une sorte de pièce de théâtre dramatique. Certes, elle se délectait du spectacle, qui la changeait un peu de son morne quotidien, mais malheureusement pour elle, les personnages de la représentation manquaient un peu de saveur et étaient quelque peu prévisibles. La championne regardait donc les scènes qui se déroulaient sous ses grands yeux sombres, mi-amusée, mi-lasse.
A vrai dire, elle ne pensait qu’à une chose. Retrouver cet Alakzam. Elle y pensait nuit et jour et cette idée était devenue son obsession. Heureusement que son mari était là, avec elle, corde solide la reliant au monde dit normal. Sa présence la rassurait. En société, il était son roc, son pilier, son phare. Autant elle avait appris à dompter la solitude, autant elle n’avait jamais su s’adapter au monde extérieur, dont elle cachait sa frayeur par son attitude de marbre.
Robin. Etait-il heureux avec elle ? Elle avait toujours eu l’impression qu’elle ne le méritait pas. Honnêtement, elle ne savait pas ce qu’il lui trouvait, car même à cet instant où elle fixait son époux souriant, l’image de l’Alakazam s’imposait dans son esprit. L’Alakazam. Morgane savait qu’elle avait un problème. Qu’elle était le problème.
Abra, quand reprendras-tu contact ? Je vais finir par m’inquiéter… Se dit-elle, avalant une gorgée de plus. Tiens, les petits jeunes ne se disputent plus ?
Morgane sortie de ses pensées et attrapa la conversation en cours de route, intriguée par ce nouvel acte, ce coup-ci inattendu.
- Mais… Mais tu le connais d’où ? S'exclama Cassandre, la voix tremblante.
La mine d’Ondine s’assombrit lourdement.
J'aurais mieux fait mieux de ne rien dire, se dit-elle.
Ravalant sa salive, elle répondit :
- Quand Sacha a basculé dans l’esprit de l’Alakazam, je suis allée le chercher. Et j’y ai croisé un homme, je suis quasiment certaine que c’était lui.
- L’esprit de l’Alakazam ? Répondit Cassandre, décontenancée.
Ondine tourna un regard désemparé vers Sacha, qui prit la suite de la discussion.
- Écoute Cassandre, quand je suis parti d’ici…
Et le jeune homme commença à raconter son histoire et tout ce qu’il avait vu et vécu depuis l’instant où il avait quitté cette maison. Au fur et à mesure de son récit, les yeux de Cassandre le dévisageaient, tantôt imprégnés d’horreur, tantôt d’admiration.
- Mais alors ! Mon frère est vivant ! Cria-t-elle en posant sa petite sœur par terre et en se levant brusquement. Il est vivant et on peut aller le chercher aussi !
Ondine baissa les yeux vers le sol. Elle avait encore en tête la vision effroyable de cet homme convulsant sur le sol, pâle comme un mort.
- Ondine ? On va aller le chercher n'est-ce pas ? Insista Cassandre.
- Non, c’est impossible, répondit Morgane qui avait bien compris le silence de la jolie rousse.
- Ah bon, mais pourquoi ? Demanda violemment Cassandre, la main sur la poitrine.
- Parce qu’il est… Parce qu’il sera trop faible pour faire le voyage du retour, continua-t-elle, en choisissant bien tous ses mots.
- Mais… Mais on peut le sauver quand même hein ? Fit Cassandre, d’une toute petite voix.
Morgane ne répondit pas et reposa son verre sur la table basse.
- Mais si l’Alakazam meurt, alors je suppose que tous ceux qui sont prisonniers de son esprit seront libérés, non ? Demanda Sacha. Morgane ? Qu'en dis-tu ?
