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Mélanie

J'avais annoncé à ma mère que j'allais dormir chez Lucie avec un énorme manque d'envie. Si ça ne tenait qu'à moi je serais restée enfermer dans ma chambre à écouter de la musique et méditer sur ma vie qui se révélait de plus en plus catastrophique. Ma mère avait été surprise, je ne voulais plus sortir en ce moment, elle a donc tout de suite accepté.

La musique à fond dans mes oreilles, mes cheveux bruns se mouvant derrière moi dans le vent froid et mon sac sur les épaules avec mon kit de survie pour aller chez la fille aux cheveux mauves ; je marchais dans la rue. Malgré ma musique, j'avais l'impression que tout devenait calme au fur et à mesure que je me mouvais dans la ruelle descendante. Tout semblait si calme, comme si cette partie de Paris avait été vidée de toute vie, que chaque âme avait été aspirée pour rejoindre les limbes. Etrangement, ça me rassurait autant que ça me faisait douter. J'avais l'impression d'être suivie, mais j'avais beau me retourner pour vérifier, il n'y avait personne.

Je pressais le pas, persuadée qu'il y avait bien quelque chose tapis dans l'ombre, prêt à me sauter dessus. Je courais maintenant, un craquement m'avait averti que je n'étais pas si folle que ça et c'était à peine si je me retenais d'hurler. Un de mes écouteurs était tombé et j'avais des cheveux dans les yeux. Je les repoussais rageusement en pestant contre ses longues mèches que je menaçais de couper depuis un bon moment déjà.

Une fois arrivé dans la résidence de mon amie, je sonnais comme une folle à son interphone et m'engouffrait dans son immeuble en prenant bien soin de claquer la porte derrière moi, pourtant bien consciente que la chose ne m'avait pas suivit jusqu'ici. Je reprenais comme je le pouvais mon souffle dans l'ascenseur et alluma rapidement la lumière du couloir du troisième étage une fois arrivé.

Là, une Lucie souriante m'attendait. Son innocence me frappa, elle ne connaissait visiblement pas le danger qui rodait autour de chez elle, ce même danger que je semblais être la seule à percevoir. Pourquoi étais-je sortie déjà ? Pourquoi m'étais-je livrer à cette chose qui me guette dans l'ombre depuis des jours alors que la nuit tombe bien trop rapidement ces temps ci ? Pour Akariel, rien que pour lui.

Une chose étrange me liait à lui, une impression de déjà-vu permanente. Cette sensation de le connaître depuis des siècles me faisait aller naturellement vers lui, alors que nous ne nous étions pourtant jamais vue, du moins je ne m'en souviens pas clairement. Sa présence est connue mais pas rassurante pour autant. Quelque chose de sombre et d'hypocrite se dégage de lui, mais c'est tellement bien enfoui en lui que j'ai eu du mal à le déceler.

-Bon alors je t'ai prévu un plat entier de pattes à la carbo, tu m'en diras des nouvelles ! Et puis bien sûr il y a de la glace aux cookies en dessert et tout ça devant Scary Moovie.

Elle me souriait, fière d'elle. Je lui rendis un vague sourire et allait fermer les rideaux en regardant par la fenêtre comme si la chose allait surgir de derrière un buisson ou sauter sur le balcon. Sans savoir comment, je l'en savais capable.

Je m'assis sur le canapé aux côtés de Lucie et tentait de manger l'énorme assiette qu'elle m'avait servie en réprimant ma nausée continuelle. Je buvais surtout du Coca et remis ni vue ni connue ce qui restait dans le plat, pendant que mon amie aux cheveux violets étaient absorbée par le film. Je le connaissais par cœur, aussi mes pensées se dirigèrent vers mes rêves.

Le garçon blond était toujours là à tenter de me hurler quelque chose. Je me forçais comme je pouvais pour l'entendre ou au moins tenter de lire sur ses lèvres, mais il n'y avait rien à faire. Soit quelque chose l'en empêchait, soit je devais attendre que les réponses viennent d'elles même.

Je jetais un œil sur mon amie qui me fixait désormais. Elle avait l'air de vouloir dire quelque chose et de chercher ses mots. Je lui adressais alors un petit sourire encourageant et elle parut se détendre. Elle se triturait toujours autant les mains, mais elle put tout de même commencer après une grande inspiration.

-Je ne sais pas si tu vas me croire, mais il y a cette chose important dont il faut que je te parle. Le fait qu'Akariel l'ait deviné est toujours un mystère, mais il faut absolument que je te le dise.

-Ne tourne pas autour du pot Luce, tu sais très bien que je déteste quand tu fais ça.

-Oui excuse moi. Et bien voilà, je fais à peu près les mêmes rêves que toi. Bon, certains détails en moins comme le fait que se soit moi qui le vive et que je ne meurs pas d'une façon horrible à chaque fois, mais je vois le même garçon que toi.

Ma respiration s'était coupée. J'étais partagée entre l'envie d'être la seule à avoir quelque chose de spécial, et la joie de pouvoir enfin partager ça avec quelqu'un sans être prise pour une folle.

-Est-ce que tu as réussi à comprendre ce qu'il disait ?

-Je me souviens d'un rêve où il me disait qu'il m'aimait. Après je suis comme toi, je n'arrive pas à l'entendre.

Je réfléchissais à toute allure, autant aux similitudes qu'aux énormes différences de nos deux situations. On ne vivait pas vraiment la même chose. Elle avait plus-tôt l'air d'être dans la face immergée de cette situation, celle un peu bizarre mais qu'on aime vivre. Elle ne connaissait pas les dangers rodant dehors, l'horreur des visions, des insomnies et de la paranoïa qui me prenait chaque jour un peu plus.

Elle me regardait, attendant une réaction de ma part, réaction que je ne lui donnais pas. Je ne savais pas comment réagir à vraie dire. Tout cela me dépassait à un point inimaginable. Je ressentis alors un sentiment d'étouffement intense et me précipitais sur le balcon. L'aire me fit du bien et je ne pensais plus pendant quelques instants à ce qui se passait autour de moi. Seule ma respiration se calmant peu à peu comptait.

Lucie s'endormit sans problème à une heure que je qualifie désormais de tôt. Quand à moi, je restais à me retourner encore et encore dans mon lit, de la musique dans mes oreilles à tenter de me concentrer sur ma lecture. Pourtant j'entendais des bruits étranges et je ne pus que me cacher un peu plus sous ma couette et tenter d'ignorer ce que je savais être la chose. Elle me suivait partout, elle n'attendait qu'un moment de faiblesse, quand je dormais.

Je jetais de léger coups d'œil et attrapait le chat de la famille. Les animaux m'ont toujours rassuré. Je reçus alors un message d'Akariel me demandant si ça allait. Je lui expliquais que la chose était revenue. Je lui en avais déjà parlé et il a toujours su me rassurer. Il me dit de me calmer et de ne me concentrer que sur lui, que si je ne lui prêtais pas attention, la chose allait partir d'elle-même.

Je fis comme il dit et au bout de quelques heures je pus enfin trouver le sommeil, bien que ma mort m'attende encore dans le monde des songes, me faisant me réveiller en hurlant au beau milieu de la nuit.


Face CachéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant