Face Cachée

VI

Lucie

On marchait silencieusement dans la rue, côte à côte. C'était assez gênant, mais dès que j'avais voulu ouvrir la bouche pour lancer la conversation, Mélanie me lançait toujours un regard noir. Pour je ne sais quelle raisons, elle paraissait extrêmement méfiante et son comportement avait radicalement changé dès que nous étions sortis de chez moi. Elle regardait sans cesse en arrière et pressait parfois le pas. Et pourtant, même si elle semblait terrifiée pour une raisons que j'ignorais alors, on se rendait dans un cimetière à sa demande. Enfin, au début c'était juste censé être la bibliothèque et elle ne semblait pas trop convaincue, mais dès que j'ai évoqué le passage dans cet endroit, son visage est devenu très intéressé.

On marchait depuis une bonne vingtaine de minutes et nous arrivions enfin à l'endroit prévu. C'était un tout petit cimetière se divisant en trois parties. Les deux principales étaient à droite et à gauche du chemin pour redescendre dans la rue, et la troisième partie se trouvait plus loin, derrière la petite chapelle.

Je venais ici depuis pas mal de temps et j'avais déjà visité les lieux un nombre incalculable de fois. J'avais amadoué le chat vivant ici et j'avais trouvé une tombe que j'aimais énormément. C'était celle d'une femme morte pendant la seconde guerre mondiale, une photo d'elle était encastrée dans la tombe. Elle était particulièrement jolie. Je me rendis alors compte que j'avais perdu mon amie. Celle-ci était déjà dans l'allée où se trouvait la tombe que je préférais. Elle fixait le portrait de la femme, comme perdue dans le vide.

-Ça va Mel' ?

-Je...je ne sais pas trop enfaite.

Elle semblait totalement perdue et déstabilisée. Je m'approchais d'elle. Elle tremblait. Je fronçais les sourcils, soucieuse et réitérais ma question.

-C'est juste que, ce nom me dit quelque chose. C'est comme si je connaissais cette personne.

Je jetais un regard au nom gravé à même la tombe et presque effacé par le temps. « Jeanne Deuil ». Je ne ressentais rien de plus que l'étrange attraction que j'avais pour cette tombe, au contraire de Mélanie qui était visiblement bouleversée et à la limite d'être terrifiée.

Elle se retourna d'un coup assez vivement, faisant voleter ses cheveux aux reflets de feux autour d'elle. Elle s'approcha des trois tombes derrières nous. Nous découvrîmes alors trois sépultures identiques, si on excluait le nom. Les années de morts étaient les mêmes. En dessous du nom presque effacé, on avait la date de la mort, pendant la deuxième guerre mondiale cette fois, et un grade militaire. Les yeux bleus de Mélanie restèrent longuement fixés sur les inscriptions avant de revenir en haut du cimetière. Là on découvrit des tombes vandalisées et ouvertes à certains endroits. Je voulus jet un œil, mais elle me rattrapa violemment et me tira à l'opposer pour observer un autre endroit. Cette fois ci ce fut celle d'une petite fille, toujours mort pendant les mêmes années. Je vis une larme discrète couler sur la joue de Mélanie, mais elle l'essuya vivement et ne laissa rien paraître sur son vsiage. Elle devait être émue qu'une fillette soit morte à un âge aussi peu avancé. C'est ce que ma raison me disait, mais mon instinct me soufflait que ce fût autre chose.

Je la vis rebrousser chemin vivement et retourner vers la tombe de Jeanne. Elle sortit son téléphone portable de la poche de sa veste en cuire abimée et la photographia, ainsi que les trois tombes des militaires. Je la regardais d'un œil interrogatif et elle me répondit comme si c'était le plus naturel du monde.

-C'est pour faire des recherches sur eux si j'en trouve sur internet, ou même dans les archives. Mais pour les militaires ça ne sera pas simple, je n'arrive pas à déchiffrer leur nom.