Chapitre 4

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Le 6 juin arriva enfin. Peu après l'aube, je fus emmené par mes geôliers pour être jugé au tribunal militaire.

"L'audience est ouverte" déclare le président. Assis dans le box des accusés, je suis impressionné. Je compte, en guise de jury, trois colonels et un capitaine en plus du président de séance, moi qui ne suis qu'un simple sous-officier. C'est dire si l'affaire intéresse les autorités militaires.

D'abord à lieu l'acte d'accusation : "Monsieur Philippe Descot, ici-présent, est renvoyé des deux chefs d'accusation suivants : agissement sans ordre le 24 avril 1917, sur le front du Chemin des Dames,et tentative d'auto mutilation par la même occasion."

Puis, ce qui doit être un procureur rappelle les faits, insiste sur ma prétendue tentative d'automutilation et termine par ces mots : " C'est à cause de la lâcheté et du manque de patriotisme de certains soldats, dont M. Descot est représentatif, que la guerre n'en finit plus. "

L'auditoire applaudit poliment. Quant à moi, je suis outré par cette allégation pleine de mensonge. Cet homme a-t-il seulement été dans les tranchées, auprès des soldats souffrants du froid et de la faim, ou bien s'est-il seulement contenté d'écouter les hauts gradés ? Comment peut-on accuser un soldat sans en avoir partagé la peine ?

Mais je laisse mes pensées de côté pour écouter la plaidoirie de mon avocat. Son discours commence par ces mots : "Messieurs les jurés, vous ne pouvez condamner la nature humaine".

Il enchaîne avec une plaidoirie exceptionnelle, où se croisent rappel des faits, philosophie et humanisme.
"Monsieur le Procureur ici présent a allégué que mon client faisait partie des 'responsables' de la défaite. Je maintiens que celle-ci est due à la désorganisation partielle du commandement qui a conduit mon client à charger en toute bonne foi", dit, pour terminer son discours, mon défenseur.

Quelques applaudissements se font entendre, mais l'ambiance s'est tendue. Quelle audace ! Mon avocat a certes dit la vérité, mais devant un jury composé essentiellement de gradés, était-ce le meilleur discours à prononcer ?

Tandis que je me perdais dans mes pensées, je fus ramené en cellule par des soldats, alors que le jury se rendait dans une autre pièce pour y délibérer.

Mon sort était désormais entre les mains de sept hommes.

Mieux vaut resterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant