Pilier

4 - Embras(s)er

J'ai envie de lui hurler dessus. De lui crier que c'est n'importe quoi. Elle est humaine, bien entendu. Et moi aussi.
   - Luke, tu dois me croire. Penses-tu que n'importe qui peut brûler quelqu'un avec une force bleue ?
Elle n'a pas tort, mais je n'arrive pas à admettre qu'elle ai raison. Je suis humain.
- Je.. J'ai du mal à t'expliquer.. Excuse-moi. Oh, Luke, j'aimerais tellement..
- Tris.
Elle me regarde. Elle a les larmes aux yeux.
- Tris, je ne peux pas te croire. J'admet que brûler son frère n'est pas anodin, mais je suis un être normalement constitué. N'essaye pas de me faire gober que j'ai un quelquonque pouvoir.
- Mais Luke...
- Non, Tris. Va-t-en, s'il te plaît. Tu ne m'apportes rien de bon.
Bizarrement, la rejeter me fait très mal au cœur. Cette fille provoque des choses vraiment bizarres dans mon corps, que je n'ai jamais ressenties auparavant.
- Luke... Tu ne peux pas... Laisse-moi t'expliquer...
- Tris !
- Non, Luke, je t'en supplie ! Tu es mon seul ami ! Luke !!
Je la regarde droit dans les yeux.
- Si tu ne pars pas maintenant, je te jure que je vais te brûler toi aussi.
Elle me regarde, choquée. Puis elle rigole.
Mais pourquoi elle rigole ? Je vient de la menacer !! Elle est folle...
- Oh mais Luke ! Tu es incapable de gérer ton pouvoir.
C'est plus fort que moi, je serre les poings. J'en ai vraiment marre de ces histoire de pouvoir. Soudainement, tous les meubles autour de moi se brisent. Alors que je n'en ai touché aucun.
- Tu vois ? Tu ne sais pas ce que tu fais.
Je me retourne et pars avec de grandes enjambées dans la maison. Harry est au sol, gémissant, pleurnichant, se tortillant comme un ver.
Et si... Non. Je n'ai pas de pouvoir. Ça n'existe pas. Je ne peux pas le guérir juste en le touchant, ça c'est dans les films.
Pourtant, je me penche quand même vers lui et pose mes mains sur ses poignets à vif.
Au début, il hurle de plus belle. Alors je me concentre très fort. C'est tellement absurde ce que je fais, mais bizarrement, ça me semble.. Instinctif. Alors, je deviens le plus surpris des hommes quand je sens ses plaies guérir sous mes doigts et ses gémissements s'estomper.

   - Luke...
   - Excuse-moi, Harry. Sincèrement.
   - T'es en enfoiré...
   - Toi aussi.
Nous rigolons. Oui, je rigole avec mon frère. Comme quoi, tout peut arriver.
- Luke ? couine ma mère.
- Maman ? Oh, maman, excuse-moi.
Elle me serre dans ses bras.
- Ne t'inquiète pas, mon fils. Ton amie est montée dans ta chambre. Elle semblait très boulversée.
- Euh, maman... Je lui ai demandé de partir. Tu.. Tu n'es pas choquée de.. Ce que j'ai fait ? À Harry ?
Elle me sourit et soufle «non».
- Tu sais, Luke, je suis au courant de beaucoup de choses.
Puis elle sort de la pièce.

Je suis au courant de beaucoup de choses. Mais de quoi ? Pourquoi elle n'est pas retournée par ce que j'ai fait ? Putain, je viens de brûler mon frère ! Pourquoi personne ne semble pertubable ici ?
Je monte dans ma chambre. Soudain, une onde de tristesse m'abat. J'ai osé demander à Tris de partir. Cette idée me provoque un trou si profond dans la poitrine que je préfère penser à autre chose. Mon enveloppe corporelle ne peut donc pas fonctionner normalement près de cette fille ?
Je toque. Ça me semble stupide, puisque c'est ma chambre. Quand j'ouvre, je la trouve allongée sur le lit, en pleurs.
- Tris... Je suis désolé. Je ne veux pas que tu partes.
Je marque une pause et décide d'être franc.
- Moi aussi, tu es ma seule amie.
Elle me regarde. Ses beaux yeux bleus sont gonflés et rouges. Des larmes sont éparpillées sur ses joues, et ses lèvres tremblent légèrement. Elle est quand même belle. Vraiment belle.
- Non, Luke, ne sois pas désolé, c'est ma faute. Tout est de ma faute.
Et elle pleure de plus belle.
Ça me tue de la voir comme ça, alors je fais ce qui me semble la meilleure solution. Je m'asseois auprès d'elle et l'enlace. Elle se blottit dans mes bras et nos corps s'emboîtent parfaitement.
- Tris, je veux savoir, mais.. Je ne suis pas prêt à savoir. Laisse-moi le temps d'accepter ce.. pouvoir.. (je grimace). Mais j'ai quand même une question.
Elle se raidit.
- Qu'est-ce que tu fais chez moi ?
- Je... Je ne peux pas encore t'expliquer.
- S'il te plaît ?
- Je t'ai... Senti.
Ah. Ok. Très bien. Ça a beaucoup de sens.
- Ok, j'ai compris. Tu m'expliquera plus tard.
- Oui.
Elle lève le menton et me regarde. Nous sommes toujours l'un contre l'autre, et la prise de conscience de cette proximité m'enflamme le corps. Mon ventre saute, tressaute et se retourne, tandis que j'essaye de décripter l'émotion inconnue qui m'envahit.
- Tris, tu es très belle.
J'avale ma salive. Je n'avais pas l'intention de le dire tout haut. Je sens que je rougis et je baisse la tête. Elle murmure un doux «merci».
Elle enlace ses doigts dans les miens et colle son front contre moi. Elle souffle :
- Je t'aime beaucoup, Luke.
Puis elle m'embrassa.
Ma peau irradie, j'en suis certain. Elle brûle, mais c'est bizarrement agréable. Je sens que ce baiser soulage mon émotion étrange. Je suis... Heureux. Vraiment heureux. Je n'ai jamais embrassé de fille, et je ne sais pas comment réagir. Alors je reste juste là, comme un idiot, sans bouger.
- Qu'est-ce que c'était ?
J'ai murmuré.
Elle fait la moue.
- Tu n'as pas aimé ?
- Euh.. Si. Beaucoup (c'était vrai). Mais j'avais l'impression de brûler... Ça fait ça à chaque fois qu'on embrasse quelqu'un ?
Elle explose de rire. Moi, je trouve que ce n'est pas très sympa qu'elle se moque de moi après mon premier baiser.
- Oh, Luke, tu n'as jamais eu de copine ?
- Non.
- Jamais embrassé personne ?
- Non plus.
- Oh... Alors... Je suis ton premier baiser ?
- Em.. Oui.
Elle rougit.
- J'ai bien aimé, Tris.
- Moi aussi.
Alors sans réfléchir, je prend son menton entre les doigts et l'embrasse, en espérant ne pas être trop maladroit.