Pilier

5 - Intimement

Embrasser Tris est la chose plus agréable que je n'ai jamais ressentie. Ses doigts fourragent dans mes cheveux, pendant que j'effleure ses joues, ses pommettes, sa machoire, son cou. Sa peau est pâle et douce. Elle me fait penser à un flocon : elle est tout aussi belle et impressionante.
Elle pose ses mains sur ma poitrine et mon corps réagit immédiatement. Je sens qu'il désire plus. J'essaye vainement de comprendre pourquoi je réagis comme ça, mais le contact de Tris sur moi me fait tout oublier. J'ai du mal à respirer.
   - Luke ? Calme-toi. Ton cœur est irrégulier.
   - Tu entends mon cœur ?
   - Euh.. Oui. Je ne sais pas pourquoi, tu es la seule personne dont j'arrive à entendre les battements. Est-ce que toi tu entends les miens ?
Je me concentre. Étrangement, j'entend le régulier pom-pom qui émane de ses seins.
   - Oui.
Elle m'enlace et murmure :
   - Extraordinaire.

Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés ainsi, l'un contre l'autre. Quelques secondes, quelques minutes, des jours entiers ? Quoi qu'il en soit, nous sursautons tous les deux quand quelqu'un toque à la porte. Nous nous dégageons rapidement, et je vais ouvrir. C'est Harry. Voir ses poignets guéris me fait bizarre.
- Euh.. Je ne vous dérange pas ?
- Si.. Enfin non. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je.. Je voulais m'excuser de ne pas avoir réagi tout à l'heure. Avec le gars dans les toilettes. Et je voulais m'excuser aussi pour te faire autant de mal depuis toutes ces années. Je.. Je suis pire qu'un salop, tu as raison.
- Harry...
- Ne me dis pas que ce n'est pas grave, ou que ce n'est pas ta faute. Je suis ici aussi pour que tu m'expliques ce que tu as dans les mains.
Je regarde Tris. Qu'est-ce que je suis censé dire ?
Elle s'approche d'Harry et pose sa main sur son front. Ses doigts deviennent bleus un instant. Les yeux de mon frère s'éteignent un instant, puis se ravivent.
- Euh.. Je vais vous laisser, murmure-t-il. Ne t'inquiète pas, je ne t'en veux pas de m'avoir cogné.
Il ferme la porte, et Tris se tourne vers moi.
- Luke, j'ai modifié sa mémoire. Il pense que tu lui as mis un pain.
- Ok.. C'est.. Zarbi.
- Je sais.
Elle se rapproche de moi. Je ne m'habituerai jamais à cette sensation de chaleur.
- J'ai une question, dit-elle.
Je n'arrive pas à lui répondre. Je suis concentré pour forcer mes mains à rester là où elles sont, et à ne pas se planter dans ses cheveux.
- Que sommes-nous ?
- Quoi ?
Sa question m'a pris au dépourvu, et toute ma concentration s'est envolée. Mon corps s'est tout de suite collé au sien, comme un élastique tendu. Mes mains sont dans ses cheveux, mes lèvres près des siennes. J'ai perdu tout contrôle, cette fille si jolie exerce un pouvoir sur moi qui me dépasse et que je ne comprend pas.
- Est-ce qu'on.. Sort ensemble ?
Je n'ai jamais eu de copine, je n'ai jamais été amoureux. J'ai trop peu d'expérience en la matière pour lui répondre.
- Tris, je ne sais pas. Tu provoques des choses étranges dans mon corps, et je ne sais pas ce que c'est ni pourquoi. Tu obsèdes toutes mes pensées, chaque fois que je te touche j'ai l'impression de m'embraser. Je ne contrôle plus rien, c'est comme si tu déréglais mon corps. Je ne connais pas ces sensations, je ne sais pas pourquoi je les ressens seulement avec toi.
Elle a les larmes aux yeux. Est-ce que l'ai blessée ?
- Pourquoi tu pleures ?
- Oh mais Luke, ce que tu viens de dire, c'est tellement.. Touchant ! Personne ne m'a jamais dit ça auparavant.
Je ne comprend pas pourquoi elle trouve ça touchant. Moi, je trouve ça inquiétant.
Ne sachant pas trop quoi faire, je décide d'abandonner mon corps qui me demande avec rage d'embrasser Tris. Mes lèvres s'aimantent aux siennes, et je me sens tout de suite mieux. Elle répond automatiquement avec une même ardeur. Nous sommes pareils. Cette pensée me frappe et me paraît tellement vraie. Nous sommes pareils. Nous avons les doigts bleus, et nous sommes reliés par cette chose étrange qui me demande constamment d'être près d'elle, dont je n'arrive pas à mettre des mots dessus.
Son cœur s'emballe, et je suis sûr que le mien aussi. Ses lèvres sont si douces, si légères.. Ses petites mains se baladent le long de mon dos, ce qui déclenche des frissons le long de ma colonne. Encore une bizarrerie que provoque Tris. C'est si bon d'être près d'elle... Je ne me lasserai jamais d'écouter le son de sa voix, de voir ses cheveux dorés tomber en cascade sur ses épaules, de sentir sa peau fraîche contre la mienne. Jamais.
J'ai envie de dire quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Étrangement, ces petits mots me semblent infiniment importants, mais je n'arrive pas à comprendre leur sens. Je m'écarte d'elle, en essayent de décrypter la phrase coincée dans ma bouche. Soudain, les mots jaillissent avec une évidence déroutante.
- Je t'aime, Tris.
C'est donc ça ce que je ressens ? De l'amour ? Mais j'aime ma mère, et je n'ai pas envie de l'embrasser. Ça ne peut pas être ça. Pourtant, je suis très attaché avec cette fille dans mes bras qui me regarde avec adoration.
Je répète ces mots, encore et encore, en essayant de comprendre pourquoi il m'ont l'air si vrais alors qu'il ne sont pas si importants. Bien sûr, que je l'aime. J'aime mes amis, j'aime ma famille, et j'aime Tris. J'ai l'impression qu'ils répondent à toutes mes questions, alors que je suis toujours dans le doute. Ce n'est pas l'amour qui me donne irrésistiblement envie de la toucher ! Malheureusement, mon manque d'expérience de m'aide pas. Tris balaye toutes mes pensées et m'embrassant juste sous l'oreille, et un frisson me secoue.
- Je t'aime, Luke.