Ben Drowned

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Son visage est lisse, sans imperfection. Ses yeux sont vides, sans vie. Le bonnet vert ne bouge pas sur son front, pourtant un vent frais secoue ma chevelure d'ébène. Les rares cheveux blonds qui s'échappent de son long bonnet ne s'envolent pas. Il ne sourit pas, mais ne fait pas la tête non plus. Il est juste là. Je reste un petit moment à l'observer, sans vraiment savoir pourquoi. Je ressens un malaise à le voir ainsi, mais cela ne me fait pas fuir. Je sais pourtant que tout le monde aurait fuit face à lui. La statue restait telle quelle, sans que rien ne change. J'observe les couleurs superbes et son visage si réel et pourtant désagréable tant il était vide. Jamais je n'ai vu une personne avec ce style de visage. Il semble calme et énervé à la fois, et pourtant si neutre. Il est tout et rien à la fois. Une voix m'interrompt dans ma contemplation :

- Pourquoi tu restes là ? Tu n'es pas différente des autres. Tu devrais avoir peur, toi aussi.

- Peur de quoi ? De contempler un visage si vide ? Je fais sans me retourner.

- Peur de voir la mort en face.

Alors cette statue représente la mort ? Ou peut-être un mort... Oui, c'est Ben, évidemment. Mais dans ce cas, qui est l'autre ? Je me retourne. Et mon regard se perd dans deux yeux exceptionnels. Si la pupille est noire et normale, le reste ne l'est pas. L'iris est d'un rouge si sombre qu'on n'aurait pu le distinguer du sang; et la sclérotique est noire. Ses cheveux blonds s'échappent de son long bonnet vert, s'agitants au rythme des assauts du vent. Il porte les vêtements de Link, mais il est plus vieux, plus mature. Il me regarde sans se détourner. Je l'observe. Je n'ai pas peur. Je trouve ses yeux sublimes.

- Pourquoi tu ne fuis pas ?

Je lève une main. Il pose son regard sur celle-ci, méfiant. J'approche ma main de son visage, sans savoir exactement ce que je fais. Alors que mes doigts frôlent sa joue douce, ses doigts fins mais fermes se referment sur mon poignet et m'écartent de lui. Son regard est si attirant, et si étrange à la fois. Je suis comme hypnotisée. Je me laisse faire. Il garde ses doigts autour de mon poignet fin. Sa peau est légèrement bronzée, mais à peine. Son visage est fin sans l'être. Il est très séduisant, très attirant. J'apprécie le doux contact de ses doigts chauds sur ma peau. Je ne quitte pas ses yeux des miens. Lui non plus.

- Qu'est-ce que tu essaies de faire ?

Je n'en sais rien. Que pourrais-je lui répondre ? Je n'ai pas de réponse à ses questions. Alors je décide d'être honnête.

- Je ne sais pas.

- Comment ça ?

Ses lèvres sont rouges, très attirantes. Et sa voix est si calme et apaisante... Je ne comprends pas. Je ne le connais pas. Je ne le comprends pas. Je ne me comprends pas. Je suis hypnotisée, incapable de me dérober. Je suis à son entière merci, chose qui ne m'est jamais arrivée avant que j'entre dans ce jeu. Je ne me comprends plus. Je ne me bats plus.

- Je ne cherche plus à me comprendre.

Ses yeux brillent d'une nouvelle lueur. Un sourire sadique ouvre ses lèvres si rouges. Il se penche sur moi. Son visage est proche, très proche. Je ne sais pas ce que je fais, ni ce qu'il fait. Ses lèvres frôlent les miennes. Son souffle se mêle au mien. J'en perds toute compréhension. Je ne pense plus qu'à lui, à ses yeux hypnotiques et ses lèvres rouges. Alors que je crois que ses lèvres vont se poser sur les miennes, une douleur me saisit violemment au ventre. Je remarque la lueur de folie dans ses magnifiques yeux. Je me sens mal. J'ai l'impression que tout tourne autour de moi. Je sens quelque chose dans ma poitrine, quelque chose qui me brûle et tire sur mes organes. J'ai l'impression que mon corps ne m'appartient plus. J'ai envie de pleurer, de fuir, de crier, ou au moins de gémir de douleur, mais rien. Je reste là, le regard fixé dans le sien. Je comprends mieux. Il m'a hypnotisée, sans même le vouloir. Mon corps ne me répond plus, mais il lui appartient à lui. Il sourit, de ce sourire de psychopathe qui lui retire tout aspect attirant. J'ai peur, j'ai mal. Je me sens brûler de l'intérieur. Sa main saisit mon cœur et le serre. Je sens mon corps s'affaiblir violemment. Je chute. Mais il me rattrape. Son sourire de psychopathe disparaît. Une inquiétude non-feinte orne désormais son beau visage. Il se penche sur moi et caresse ma joue du bout des doigts. Ses beaux yeux se remplissent de larmes rouges et il murmure :

- Désolé... Je ne voulais pas te blesser...

Je me sens un peu plus apaisée, mais mon corps me fait part de sa douleur. Sa main est pleine de sang, alors même qu'il me caresse la joue. Mon cœur tambourine fort dans ma poitrine et tente de retrouver une forme vitale fonctionnelle. Ma vue est brouillée, mais son visage est clair. Ses yeux si beaux, ses lèvres si attirantes... Il frôle mes lèvres de siennes. Mon cœur ne tient toujours pas le coup, mais il donne tout ce qu'il peut. Ma vision est de plus en plus floue. Je sens ses lèvres se poser sur les miennes comme une caresse sucrée tant attendue. Puis il souffle :

- Je suis désolé... Reste avec moi... Je t'aime...

À ces mots, je ne comprends plus rien. Il ne s'est pas joué de moi. Peut-être. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Il m'aime. Je l'aime. Je meurs. Peut-être. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je suis perdue dans l'immensité de ses iris sanglantes et apaisée par ses caresses, son contact et ses mots. Il m'aime. Je dois rester en vie, ne pas partir. Mais mon corps ne m'obéit toujours pas. Mon cœur est de plus en plus faible, ma vue est de plus en plus brouillée. Je ne vois bientôt plus que ses yeux.

- J... Je...

Il pleure, me supplie de me calmer, de garder des forces.

- T'...

Il porte ses lèvres sur mon front, mon nez, mes paumettes, ma mâchoire.

- Aime...

Je lui ai dis. Il le sait, il le savait déjà. Mais je lui ai dis. Si je ne fuis pas devant lui ou devant Ben, c'est car je l'aime. Si je suis la seule hypnotisée si facilement par son regard, c'est car je l'aime. Si je meurs aujourd'hui, c'est car je l'aime. Ma vue est si noire et brouillée que je ne sais pas si j'ai encore les yeux ouverts. Sa voix et ses caresses me parviennent de manière indistincte. Si je meurs aujourd'hui, c'est car je l'aime. Il a été mon renouveau, mon aventure, et ma fin. Je ne connais pas son nom, ni son prénom, ni même son histoire. Je sais simplement qui il est au fond. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment. Mais je sais. Ce jour-là, je sombre dans le néant, sans même regretter de lui avoir fait confiance.

Recueil d'OS sur les creepypastasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant