deux. bifteck

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Dix huit heures, les cours se terminent. Je passe le portail nord accompagnée de Nikolas et Older. Arielle et Jamie passent, comme d'habitude, par le portail est, plus près des arrêts de bus.

Ce soir, Arthur viendra me récupérer devant le lycée. Il est le cliché du petit ami parfait. Parce que la nana la plus admirée de l'établissement se doit d'être en couple pour marquer un peu plus son inaccessibilité. Mais surtout, surtout, jamais avec un autre élève. C'est pourquoi j'ai choisi Arthur, étudiant en droit, rencontré dans un bar un jeudi soir. Parce que les histoires clichées accroissent la popularité.

Pour cette même raison, Older provoquera une bagarre avec Nikolas pour un prétexte quelconque. Aujourd'hui, ils se disputeront au sujet d'une fille. On racontera qu'Older aurait flirté avec la copine de Nikolas, ou que celui ci se serait tapé la sœur d'Older. Peu importe, tant que les autres y croient. Comme pour une scène de théâtre répétée assidument, Older, boule de muscle de deux mètres, commencera par insulter Nikolas, petit nerveux "blond vénitien" de tout juste un mètre soixante deux. Le rouquin, acteur de talent, donnera le premier coup, dans l'estomac de Goliath, qui rétorquera en balayant l'air de son poing.

La dispute durera moins de six minutes, le temps que des surveillants arrivent et les arrêtent.

Et comme d'habitude, Nikolas se relèvera avec bien moins de marques que son camarade.

Mais, ce soir, je ne pourrai pas assister à cela. D'ailleurs, Arthur est déjà là, un casque de moto dans chaque mains. Souriante, je le rejoins et pose un baiser rapide sur ses lèvres. Exhiber sa langue et sa salive en public c'est, d'abord, impoli, puis, complètement dépourvu de classe et d'hygiène. Les autres élèves nous remarquent bien assez comme cela.

Il me tend le casque dont je me coiffe, et démarre alors que je rabats la visière et passe mes mains autour de sa taille musclée.

Son logement étudiant est affreusement laid. Non, pardonnez moi, ce sont les résidences universitaires Green Crous, créées par l'audacieux architecte Francis Don Crous à partir de matériaux recyclés. Autrement dit, des conteners empilés les uns sur les autres sous la directive d'un parfait inconnu sous payé.

Mais son lit est agréable.

Plus que son lit, son corps, ses lèvres, ses mains sont agréables. Car au delà de son personnage du prince charmant parfait, j'aime Arthur. D'une certaine manière du moins. Plus par praticité que par amour c'est vrai. En fait, je tiens à lui. Il me donne de l'affection, il est un de mes faire-valoir pour les élèves du lycée, il est sympa, physiquement pas mal du tout, et c'est un super coup. C'est pour ces raisons qu'il me sera difficile de me séparer de lui. Vous savez c'est un peu comme ce doudou qui fait joli sur votre bureau mais qui commence à sentir un peu fort. Indéniablement, il faut le jeter. Mais cette décision est difficile à prendre.

Alors que je pense à notre future rupture, une douce odeur se dégage de sa minuscule cuisine, à tout juste deux mètres du lit. Je n'ai jamais été une immense fanatique de viande rouge, mais Arthur a un don. Ce talent fait que, aussitôt, je me lève pour mettre la table. Enfin, pour poser deux assiettes et quatre couverts par terre, en raison de l'absence de table et de chaises dans le minuscule studio de Arthur.

Les repas que nous partageons sont toujours étranges. Par terre, en tailleur, face à face, nous mangeons un repas digne d'un restaurant étoilé dans des assiettes en cartons. La sauce, les légumes, tout est parfait, jusqu'à la présentation comparable à celle d'un plat d'une émission culinaire.

Mais aujourd'hui, la viande dépasse toutes mes attentes.

Chaque morceau coupé embrase ma langue. Le muscle caresse mon palais. La viande est aussi douce que brute, certainement la meilleure que j'eus l'occasion de goûter. Baignée dans son propre jus, son sang cuit se déverse dans ma gorge.

Je lève mes pupilles dilatées vers Arthur, qui, comme touché par mon regard impressionné, me sourit.

Instantanément toute envie de le larguer disparait.

Je termine mon repas alors qu'il me raconte sa journée à l'université. C'est vrai qu'il n'est pas très intéressant, pas très drôle non plus, ni très intelligent. Mais peu importe, ce soir, la chair saignante obnubile toute mon attention.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 04, 2017 ⏰

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