2 - Prendre ses marques.

26K 2K 376
                                    


[Notes du docteur Cauvin – 3 août : sujet Condor avant mission. Mental : OK. État général : OK.]

– Sabine –

Me voici à nouveau dans la file des individus qui se rendent vers leur bureau tant aimé, à en juger leur empressement. Aujourd'hui, je suis armée du badge magique. Au passage, je ne manque pas de saluer joyeusement le gendarme avenant, toujours à son poste. Nous sommes les deux seules personnes à sourire, c'est inquiétant. Espérons qu'au bout de quelques mois je ne deviendrai pas aussi morose que les autres.

Comme convenu avec Sylvie, je rejoins son bureau afin qu'elle m'accompagne ensuite dans le mien. Je longe le magnifique couloir avant de gravir le petit escalier qui mène à l'étage. Celui-ci est en colimaçon et si étroit que le fait que nous l'utilisions mérite une explication. Il y en a un peu partout, dont le principal est superbe. Très large, tout en pierre, les marches recouvertes de moquette et avec une rambarde en fer forgé et une main courante étincelante, la classe. Mais c'est aussi celui qu'empruntent les hauts gradés. Par conséquent, nous, le petit personnel, préférons les escaliers nettement moins chics, mais dans lesquels nous ne croiserons pas des étoiles – entendez par là les généraux –, surtout lorsque nous sommes prompts à rire bruyamment, comme moi.

Il n'est pas dans mes habitudes de m'extasier sur les moulures, les dorures, les parquets, les tapis, les marbres, etc., mais sincèrement, le décor est grandiose. C'est valable uniquement pour le bâtiment principal visible de l'extérieur. Dans l'enceinte qu'il forme, il y en a d'autres. Des constructions modernes sans intérêt historique, l'intérieur fait cage à lapins. Après un passage assez déprimant dans l'un d'eux, je mesure encore plus ma chance d'être affectée dans la partie ancienne.

Quand j'arrive chez Sylvie, elle sort le sac que j'avais déposé dans son vestiaire afin que je me change. Nous faisons le trajet quotidien en civil pour revêtir nos uniformes une fois sur place, puis nous les ôtons avant de repartir. Une fois que je suis prête, avec mes cheveux mi-longs maintenus enroulés sur la nuque, elle m'offre un café puis contrôle ma tenue.

— Dès demain, tu pourras mettre la chemisette, ça t'évitera la cravate. Au fait, le chignon n'est pas obligatoire ici.

C'est une bonne nouvelle, je suis nulle pour le faire. Au bout d'une heure, des petites mèches commencent à s'échapper l'une après l'autre. Après une journée agitée, ma coiffure n'en est plus une, ou bien dans le style grunge. Cette règle-là est une bénédiction dont je profite dans la seconde en relâchant mes cheveux. D'ailleurs, autant prendre connaissance d'un second détail qui change selon les lieux.

— Tu n'es pas maquillée. Ce n'est pas autorisé ?

— Si, tu peux. Sauf si tu te pointes peinturlurée comme une Sioux, évidemment. Je n'en mets pas à cause de mes yeux bleus assez voyants, j'aime mieux ne pas en rajouter, je suis saoulée des commentaires. Mais toi, tu n'auras pas ce problème avec tes yeux marron.

— Merci bien de me rappeler qu'ils sont tout pourris, je bougonne avec un air faussement vexé.

Consciente que Sylvie ne le disait pas méchamment, je reçois la remarque avec humour. De plus, je suis habituée depuis longtemps à la couleur sans intérêt de mes iris. En fait, depuis ma naissance. Voyez-vous, je fais dans le sobre pour tout. Les cheveux ni blonds ni bruns, mais châtain clair. Pareil pour ma taille, ni grande ni petite, la moyenne.

Voilà qui résume ma vie, tout dans la moyenne, ce qui convient très bien pour nourrir mon besoin de discrétion. Certains me jugent un peu fofolle, je ne le conteste pas. En revanche, c'est uniquement dans le cercle amical. Sans être timide, je ne suis pas exubérante, et encore moins dans le milieu militaire, où se faire remarquer est rarement une bonne chose, sauf au cours d'une guerre, pour agir en héros.

SECRET DÉFENSE d'aimer - Editée chez Hugo New RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant