Prologue

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Il y a dix ans de cela, afin de lutter plus efficacement contre les actes de terrorisme, le gouvernement français a mis en place une nouvelle cellule spécialisée. Sa force est liée à son autonomie de décision, le but étant d'agir sans se noyer sous les habituelles et multiples validations à obtenir avant d'opérer. Lorsqu'une cible est repérée, les hommes passent à l'action. Ce sont des militaires qui obéissent à leurs règles, toujours de façon bien cadrée.

L'équipe de terrain est composée de trois agents, Condor, Lynx et Cobra, des soldats rompus à toutes les méthodes de combat et aux techniques de survie. Leurs missions comme leur identité sont secrètes. La lutte contre le terrorisme étant internationale, ils interviennent sur le territoire français comme partout dans le monde, parfois en soutien d'unités étrangères. En résumé, ces hommes sont capables d'apparaître n'importe où et n'importe quand pour supprimer ce qu'ils considèrent comme un risque potentiel. Ce dernier étant bien souvent une personne, homme politique, religieux ou terroriste, au choix.

Certaines actions leur sont attribuées parce qu'ils les ont signées ou ont été vus sur place, mais le nombre réel de cibles qu'ils ont éliminées ou d'attentats déjoués n'est jamais communiqué. En revanche, suffisamment leur sont imputés pour qu'ils soient redoutés ou respectés, tout dépend de quel côté de la barrière l'on se situe. 

Ces trois agents sont des machines de guerre qui ne vivent que pour leur métier. Ils pensent missions, ils respirent stratégie, ils mangent combat. Vous estimez que c'est exagéré ? Je vous assure que non et je parle en connaissance de cause. Je suis le Condor.

Cela fait dix ans que je n'ai pas d'autre nom, pas de vie privée non plus. Ce contrat spécial m'a été proposé l'année de mes dix-neuf ans puisque je remplissais tous les critères requis. Pour commencer, aucune attache. C'est une obligation, autant pour être libéré de toutes contraintes ou explications à fournir que pour être concentré sur le travail sans pollution d'ordre familial. Autre intérêt, aucune pression par des menaces sur des proches. Pour finir, la formation militaire d'élite et la condition physique qui va de pair. Toujours être au top pour agir n'importe quand, n'importe où. Et ne pas mourir, si possible.

En ce qui concerne ma personnalité, elle est efficace parce que basique : une machine. Je n'aime ni ne déteste. Je ne m'intéresse pas aux gens en dehors de leur dangerosité potentielle, raison pour laquelle je me penche sur leur cas. Au besoin, je supprime une cible sans sourciller. Quand cette décision est prise, elle est justifiée et validée.

Je m'exprime pour travailler, pas pour converser. Je commets des actes violents, je vis et vois des horreurs, alors ne pas verser dans le sentimental est ma façon de me protéger. Il n'y a qu'avec le psychiatre chargé de contrôler mon état mental que j'aborde tout, par obligation. Être amené à statuer sur la vie ou la mort d'un individu exige d'être parfaitement sain et équilibré, physiquement comme moralement.

Je suis d'un naturel renfermé, mes contacts se limitent à quelques personnes pour des échanges liés à mes fonctions, les plus récurrents étant les membres de la cellule. En premier, le général, unique supérieur administratif. Ensuite, Lynx et Cobra. Pour finir, un adjudant-chef féminin qui fait office d'assistante-secrétaire et une archiviste-documentaliste. Notre unité est donc composée de six militaires. Certains affirmeraient qu'un faible effectif est propice à une ambiance conviviale. Si vous le pensez également, c'est que vous n'avez pas bien compris mes explications précédentes. Je déteste me répéter, alors soyez plus attentif. La vie des autres, collègues ou non, ne m'intéresse pas. Je ne dis pas bonjour car je me contrefiche que leur journée soit bonne ou pas. Les miennes sont amplement suffisantes à gérer.

Une seule personne connaît mon identité civile : le général. C'est valable pour Lynx et Cobra, même avec le statut de chef des agents, je n'ai pas ces informations. Évidemment, l'officier recruteur était dans la confidence, mais il est décédé. Dans le cas où vous vous poseriez la question : non, ce n'est pas de mon fait, juste celui des années.

Personne n'a vu mon visage ni celui de mes collègues. Nous sommes toujours cagoulés, y compris entre nous. Nos dossiers sont hautement classifiés, sans photo ni informations personnelles.

Est-ce que je suis satisfait de ce mode de vie ? Totalement. Ai-je peur de mourir ? Aucunement. Mon travail est de mettre des individus dangereux hors d'état de nuire afin d'éviter aux civils d'être tués, quitte à l'être à leur place.

J'agis sans états d'âme puisque, chaque fois, le ratio homme supprimé contre vies d'innocents préservées est au bénéfice de ces dernières. On pourrait résumer mon job à : tuer un peu pour sauver beaucoup. Mourir est inéluctable, un jour. Je suis même étonné d'être encore opérationnel malgré tous les risques que j'ai pris.

Pour répondre aux éventuelles questions sur le côté intime, au cours des entretiens avec le psychiatre – le docteur Cauvin –, un sujet sensible revient régulièrement sur le tapis : l'amour. Il a du mal à accepter mon détachement face à une vie dépourvue de ce sentiment, ou, plus basiquement, sans relations sexuelles.

Il n'y a pourtant rien de bien compliqué, inutile d'insister. N'ayant pas le temps de l'alimenter, ma libido est morte. Pour la partie physiologique, je me débrouille seul, ça suffit bien.

Quant à l'amour... maisn'importe quoi...

SECRET DÉFENSE d'aimer - Editée chez Hugo New RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant