Chapitre 1 : Dan, 14 ans.

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Des hurlements, des éclats de lumière rouge et la sirène des policiers de la CRS retentissaient encore ce soir, dans le petit quartier des Faucons, dans la banlieue de Quimper, en Bretagne. C'était une nouvelle soirée de tapage et d'agitation que Dan, un adolescent de 14 ans allait à nouveau vivre cette nuit là. C'est vrai que, depuis quelques temps, les émeutes urbaines et les règlements de compte sanglants, tachant les trottoirs d'hémoglobine, se multipliaient dans le quartier résidentiel, auparavant paisible et rassurant pour ses habitants, ne cessant d'accroître sa population ; et aujourd'hui le théâtre d'affrontements aussi violents et marquants que suspects et inquiétants. Et c'est ici que se situait la petite baraque complètement délabrée de Dan. C'est vrai qu'on peut dire qu'au niveau entretient, il y avait pas mal d'efforts à faire ; sans compter les inondations régulières de la cave (où quelques rats et autres rongeurs ont malheureusement perdu la vie suite à une terrible noyade) et les fils électriques baladeurs se promenant un peu partout dans le logement, menaçant de créer un court-circuit à chaque coups de téléphone. Il y avait aussi le frigo, plein de produits tout à fait conçus pour un infarctus assuré à quarante ans au plus tard ; sans non-plus prêter attention au petit paquet de cigarettes (ou devrais-je dire, de pétards) que Dan, seulement âgés de quatorze ans, se faisait un malin plaisir à consommer dès que le moment s'y prête (enfin bon, si son choix est de prendre un abonnement pour le cancer, qui rien ne l'en empêche).
Il faut tout de même dire que les tourments que vivait Dan en ce moment n'étaient pas tout à fait adaptés pour qu'un esprit si jeune puisse y faire face.
Le jeune homme était en effet un collégien paresseux, dont l'avenir ne présageait rien de bien fantastique et qui, pour une fois, semble se sentir concerné par les évènements étranges qui se produisaient dans son quartier : des émeutes urbaines et des règlements de compte suspects faisaient rage depuis quelques semaines dans le quartier, sans prévenir et dans des circonstances surprenantes : on ne sait pas pourquoi les gens devenaient d'un coups incontrôlables avant de redevenir aussi normaux que cela puisse paraître le lendemain au matin. En tous cas, la police était mobilisée de plus en plus fréquemment et déplorait à ce moment-là une bonne vingtaine de morts à cause de tous ces règlements de compte.
Le père et le frère de Dan en ont avaient les malheureuses victimes. C'est la police qui avait appelé à la maison (menaçant de créer un court-circuit) et avait annoncé la terrible nouvelle, la mère de Dan avait répondu au coup de fil. Mais après l'enterrement, quinze jours auparavant, la jeune femme (âgée de 32 ans) avait été hospitalisée en hôpital psychiatrique, victime d'une méga dépression et l'adolescent resta donc livré à lui-même, vivant seul dans le taudis (il avait menti sur les papiers, disant que sa tante de Colmar, Gertrude, s'occupait de lui). Ce petit train de vie ne semblait pas trop lui déplaire (avec gâteaux apéros, bières et barres chocolatées à volonté ; les PDG de Heineken et Ben&Nuts risquaient de fortement s'enrichir) mais il commençait à trouver le temps long, seul dans ce climat d'insécurité et de doute. Chaque soir, après ses devoirs, il s'enfermait à double tour dans sa chambre, le paquet de biscuits et la bière à la main, et écoutait de la musique techno pour éviter de réfléchir.
Il lui arrivait parfois, il y a plusieurs semaines, de sortir avec des potes, plus ou moins fréquentables, mais tous étaient devenus fous depuis le début des évènements. Quant au collège, les profs, déjà pas très clairs pour certains, étaient carrément passés à la catégorie des gens qu'il ne faut pas croiser seul un samedi soir aux alentours d'un boîte de nuit ou d'un bar un peu dévergondé (eux aussi victimes des « quarts d'heures de folie » que subissent les habitants du quartier et de certaines parties de la ville) hormis la prof d'anglais et le prof d'histoire, qui restaient les seuls spectateurs de cette pseudo guerre civile (pourvus que la France et le monde ne soient pas touchés eux aussi, se disait les « normaux », l'apocalypse se profilerait dangereusement).

Bref, pour résumer, Dan était seul, avec comme seul rescapés la majorité des policiers, le prof d'histoire et la prof d'anglais. Et aussi son chien (Bob) et un ou deux camarades de classe dont je n'ai pas parlé : l'ennui le gagne et il ne sait plus quoi faire de ses journées, d'autant que le Weekend vient de débuter.

C'est pourquoi Dan a décidé de tourner des séquences vidéos, au cœur même de l'action, dans l'objectif de comprendre ce phénomène d'agitation collective. Il est tout de même accompagner de Bob, son fidèle compagnon, un Epagneul breton âgé de quatre ans et demi et qui ne manque pas d'énergie. Tous deux (enfin, c'est ce que Dan essaie de se dire, pour se sentir moins seul) cherchent à comprendre pourquoi la police reste aussi muette face à ces incidents et dans quelles circonstances les deux membres de leur famille ont exactement été tués. En effet, Dan et sa mère n'ont pas été invité à venir se recueillir une dernière fois autour des les dépouilles de leurs proches ; jugées trop abimées par la police. Les deux cercueils, un petit et un plus grand, ont donc été déposés dans le caveau sans un dernier regard sur les malheureux défunts. La jolie pierre tombale, décorée de mille et une nuances de l'arc-en-ciel, inscrit la date de décès : 1er Avril 2016, ainsi que les noms les photos et les plus récentes (avec un petit filtre qui arrange tout) des deux morts. La police ne souhaite toujours pas dévoiler d'informations sur le déroulement de l'enquête, le dossier étant classé « secret défense » (Et ça les arrangeait bien).

La maison des disparusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant