Partie 1 : Prise de conscience

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Cela ne me pris pas longtemps à comprendre. A peine un mois. J'aurais pensé que ces choses là se savaient depuis la naissance mais ce ne fut pas mon cas. Ou alors qu'on prenait conscience de cela petit à petit. Je n'avais, en réalité, aucune idée de comment cela se passait exactement chez les autres mais ma propre découverte se fit de façon plutôt brutale. Un simple jeu d'adolescent qui dérapait assez vite : Action ou vérité. Enfin c'était surtout action ou action. Les vérités étaient moins « drôles » et en les choisissant on passait pour une mauviette. Ce soir là, invité chez des amis, je me pliais donc à la règle. Quand ce fut mon tour, je dis : action. Plusieurs personnes étaient invitées, filles et garçons confondus. Nous venions tous du même lycée et nous nous entendions tous très bien. Élodie, la meilleure amie de Paul, m'avait désigné pour ce tour. Une fille assez sympa le peu de fois où nous nous étions adressés la parole. Toujours collée à Paul, elle était difficilement accessible. L'alcool aidant, les gages étaient de plus en plus osés et j'allais en faire les frais.

« Sylvain, tu dois embrasser Malo. »

Je la dévisageais pas tout à fait certain d'avoir entendu. Malo était le mec le plus canon de la soirée et elle le savait parfaitement bien. Les gens en pinçaient pour lui. Je tournais les yeux vers ce dernier qui me dévisagea en se mordant la lèvre, aguicheur. Un sourire plaqué aux lèvres, il s'approcha de moi murmurant : « Viens là beau gosse. » assez fort pour que toute l'assemblée l'entende et ricane. Je n'étais jamais sorti avec personne, ce n'était pas un crime. Je l'assumais parfaitement peu importe que ça en fasse rire certains.

« Allez Sylvain dépêche toi ! »

Élodie me testait pour voir si je n'allais pas abandonner, trop gêné ou timide. Et comme je n'étais pas une mauviette, j'étais décidé à le lui montrer. Je saisis le visage de Malo entre mes mains avant de poser mes lèvres sur les siennes. Bon jusque là, rien d'exceptionnel, c'étaient des lèvres contre d'autres lèvres. Jusqu'au moment où Élodie rajouta :

« Tu peux faire mieux que ça ! »

Malo glissa alors sa langue sur ma lèvre inférieure. J'ouvris la bouche à sa demande explicite appuyée par le regard langoureux qu'il me lança. Sa langue glissa à l'intérieur pour un baiser plus passionné. Et c'est là que tout alla de travers. Je détestais ça. Sentir sa langue à lui contre la mienne était tout simplement désagréable.

Quand tout le monde fut satisfait, je le repoussais gentiment d'un geste de la main contre son torse et il me lâcha. Je n'avais même pas remarqué qu'il s'était agrippé à moi pendant notre baiser. Je repartis m'asseoir à ma place et lui à la sienne me laissant me plonger dans mes pensées. J'aurai dû aimer ce baiser, mais ce n'était pas le cas. Je décidai alors de rester dans mon coin pour le reste de la soirée. Quand il fut temps de partir, Malo revint me voir. Il se pencha délicatement vers moi pour chuchoter dans mon oreille.

« Voici mon numéro, appelle moi si tu veux qu'on recommence ou qu'on pousse un peu plus loin. »

Il glissa un morceaux de papier dans la poche arrière de mon jean en profitant pour serrer rapidement mes fesses au passage. Je ne répondis rien, complètement choqué par son geste osé. Il s'éloigna alors sans oublier de m'adresser un clin d'œil.

Peu après ça, je vidais les lieux à toute vitesse pour retrouver le confort et la sécurité de mon foyer. Mais surtout de mon lit, dans lequel je me blottis après avoir enfilé mon pyjama et m'y endormis pour la nuit.

Il fallait savoir une chose. Notre société avait une caractéristique particulière : la norme était d'être homosexuel. On avait deux mamans ou deux papas, on était attiré par le même sexe et ami avec le sexe opposé. L'homosexualité permettait beaucoup de choses : il n'y avait pas de grossesse indésirée, pas d'orphelinat puisque tous les enfants étaient voulus et aimés. Il n'y avait pas non plus de rapport de force entre les deux sexes. En conclusion, l'homosexualité évitait bons nombres de problèmes apportés par l'hétérosexualité. Mais il n'en avait un qui ne pouvait donc pas être évité : le rejet des hétéros. Être hétéro était une aberration : pourquoi aimer autre chose que son propre corps ou son image, ses caractéristiques, quelque chose qu'on connaissait. Alors que la nouveauté faisait peur, c'était étrange.

HeterophobiaWhere stories live. Discover now