Breathe

Chapitre 6

L'eau ruisselle sur mon corps, la voix de Seojoon m'emplissant la tête tandis que le silence de la salle de bain heurte mes tympans plus durement en raison de l'écho que répète mon esprit. Ses paroles me hantent, tournent en boucle comme une cassette audio, passent comme des courants d'air et se muent en tourbillons dévastateurs, me rendant à moitié fou... Il me manque Seojoon, terriblement, et le fait de l'avoir vu quelques courtes minutes n'accroît que plus encore ce besoin vital de le retrouver.

Je me sens seul, perdu, et au final ai-je bien fait d'aller le voir ? Je n'ai pensé qu'à moi, qu'à mon envie et mon besoin de le revoir, j'ai joué la carte de l'égoïsme. Mais au fond, n'aurais-je pas dû essayer d'être plus ouvert d'esprit ? De me dire que, si Seojoon n'est pas venu vers moi, n'a pas essayé de me contacter ni rien, c'est peut-être parce qu'il ne voulait pas me revoir ? Il a sûrement ses raisons, lui aussi... Je suis arrivé alors qu'il préparait un examen, n'était-ce pas osé que de demander à le voir ? S'il rate son examen, ce serait donc de ma faute pour l'avoir perturbé...

Ça me rend fou, complètement fou. Et je ne trouve aucune réponse à mes questions, c'est peut-être pire encore. J'ai envie de le voir, de le retrouver, de m'accrocher à lui et de ne plus le quitter. Mais au fond, pourquoi ? Pourquoi je ne suis pas capable de le laisser tranquille, même durant quelques temps jusqu'à ce qu'il soit disponible ? Pourquoi j'ai ce manque, vital, qui m'obsède et me hante constamment ? Suis-je réellement devenu fou ?

Ça fait quelques jours seulement, et pourtant son air indifférent ne me quitte pas. Ce frisson glacial qui m'a saisi premièrement, avant d'être réchauffé brutalement par la sensibilité qu'il essayait de cacher vainement derrière ce masque. Cette attitude, qui m'a fait faire en l'espace de quelques secondes, un bond titanesque dans le temps. Nous renvoyant à la partie de notre enfance passée ensemble, où Seojoon était toujours ainsi. Inexpressif, et pourtant tellement sensible... À cette époque, il ne réagissait presque à rien. Mes parents étaient un peu déçus de peur qu'il ne réalise pas qu'il faisait vraiment partie de la famille.

Ils avaient cette appréhension, que Seojoon ne se sente pas à l'aise avec nous, qu'il ne puisse pas dire « J'ai une famille. »... Pourtant ils ne démordaient pas, ils faisaient tout pour le rendre heureux. Sans m'oublier pour autant. Mais, Seojoon ne réagissait qu'avec moi. Personne n'avait pu l'expliquer, et personne ne le peut encore. Mes parents disaient que c'était le karma. Seojoon souriait à chaque fois que je faisais le pitre, riait quand je lui racontais des blagues ou même quand je me mettais dans des situations pas possibles avec ma maladresse. Il avait toujours un grand sourire aux lèvres quand je souriais, comme si je le rendais heureux...

Et maintenant, nous en sommes arrivés là. Loin l'un de l'autre, séparés, et pourtant c'est peut-être mieux ainsi. Du moins, pour lui. Je sais que je suis dépendant de Seojoon, j'en ai toujours été conscient de ça. Mais pourquoi le suis-je vraiment, pourquoi je ne peux pas me défaire de lui au point de le retenir de s'éloigner de moi ? Ça m'a blessé qu'il ait rien que l'idée de nous imaginer séparés. Et ça m'a déchiré de l'apprendre aussi brutalement, avant de l'appliquer et la mettre en œuvre.

J'ai envie de le revoir, et je ne démordrai pas non plus. Comme mes parents qui voulaient que Seojoon se sente accepté et à l'aise dans une famille unie, je persévérerai jusqu'à obtenir les réponses à mes questions. Jusqu'à ce qu'il se retourne sur moi et qu'il me prenne dans ses bras. Jusqu'à ce que tout redevienne comme avant, naturellement. Et puis, qui est le plus égoïste de nous deux ? Moi, qui m'accroche à lui, ou lui, qui fuit ? Je ne peux pas ignorer non plus qu'il a brisé notre famille pour mettre sa douleur de côté et l'oublier. Il a voulu effacer ses sentiments, et pourtant il a tout gommé comme un vulgaire dessin.

À quel point l'ai-je fait souffrir pour qu'il se décide à mettre de côté sa famille et courir loin d'ici ? Qu'ai-je fait de travers pour qu'il en vienne à rompre l'un de ses vœux les plus chers, que d'avoir une famille ? Je ne comprends pas, je pense que je ne comprendrais jamais tant qu'il ne me donnera pas d'explications de vive voix. Pourtant j'ai envie de comprendre, et bien plus encore de le retrouver.

Je me sens seul, dans cette maison, à rentrer tard le soir sans personne pour m'accompagner. Plus de rires, plus de sourires, ni même sa voix grave qui chantonne légèrement quand il met le couvert ou quand il cuisine. Plus personne qui sursaute avant de me hurler dessus comme un gamin pudique, quand je rentre dans la salle de bain et qu'il est dans la douche. Plus de somnambule qui vient parfois dans ma chambre et s'endort au pied de mon lit, enroulé dans sa couette. Et tout ça, ça me manque.

J'attends toujours, inconsciemment, que Seojoon se tienne devant mon université le soir. Qu'il soit là, dans la cuisine lorsque j'ai faim et qu'il a déjà anticipé pour que tout soit prêt à l'heure du repas. Qu'il se laisse tomber sur moi quand on regarde un film, ou qu'il vienne m'écraser sous son poids quand je suis allongé dans le canapé. C'est bizarre, ce sont des trucs de frères, de légères chamailleries et taquineries affectueuses, et pourtant ça me manque.

Et le pire dans tout ça, c'est que personne ne me comprend. Mes amis n'en parlent pas, le nez dans les études ou dans les sorties. En même temps, je ne leur confie rien à ce sujet non plus. Mes parents n'y font pas attention, ils travaillent. Quand ils rentrent, ils prennent de mes nouvelles rapidement et ont parfois tout juste le temps de regarder un film avec moi. Ça a toujours été comme ça une fois que Seojoon et moi sommes devenus responsables. Petits, ils avaient tout leur temps pour nous et ne travaillaient finalement pas beaucoup. En grandissant, ils ont augmenté leurs heures et nous ont accordé une autre forme d'attention. Ce n'était pas plus mal, j'avais Seojoon rien que pour moi. Et au final, c'était même mieux ainsi...

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