Ce sentiment atroce qui arrache une partie de vous-même. Ce sentiment qui glace le sang. Ce sentiment qui fait que vous ne vous sentez jamais à la maison pas même lorsque vous regardez les murs de votre propre chambre. Pas même lorsque vous entendez la voix de votre père ou celle de votre mère qui vous adresse des gentillesses. Pas même lorsque votre souffle s'abat sur votre peau.
Ce sentiment est l'un des pires que le monde puisse offrir, nourrissant le malheur de tout être humain et ce sentiment c'est le mien. Lorsque je passe le pas de la porte, de « mon » appartement je sens un regard, celui de mon père. Je ne sais pas vraiment ce qu'il traduit mais je ne veux pas le savoir. Je n'ai plus envie d'affronter son regard, encore moins depuis ce que j'ai appris.
Mon père et moi ça n'a jamais vraiment été le grand amour... Disons que c'était courtoisement piquant. Nous savions respecter les règles de politesse, la plupart du temps. « Bonjour » « comment ça va ? » sans vraiment attendre de réponse, « Bonne nuit ». Cependant parfois, de tant à autre, lorsque nous étions entourés par les mêmes murs, lorsque l'on se partageait le silence, il arrivait comme une haine cachée. Ses joues vivement teintées d'un rouge brûlant comme si ma simple présence l'irritait. Dans ces moments-là, la situation n'avait plus rien de drôle... Ou de poli. La courtoisie s'envolait avec le vol de quelques oiseaux et ses mains claquèrent douloureusement contre ses cuisses, tandis que son regard remuait mon estomac et mettait mon sourire à l'épreuve. Il se levait soudainement et augmentait le ton, si fort, que par moments ses gestes prenaient le dessus. Son visage ne revêtait aucun sentiment, tout était fermé tout était sombre, incompréhensible, mais bien réel. Il me faisait peur, je ne comprenais pas son comportement. « I'm gonna Punch your light out Ryan » voilà ce qu'il me disait. À chaque fois c'était cette même valse infernale, des paroles qui déchirent, un cœur qui se fissure, une explosion que le corps traduit par des larmes. Je ne savais plus quoi faire, comment marcher droit, suivre un quelconque chemin... J'avançais aveugle, titubant vers un « je-ne-sais-quoi » alors que parfois je me disais que le réel bonheur de ma vie serait d'en finir.
C'est un dimanche matin, quelque temps après mes 11 ans que tout a pris sens et perdu de sa logique.
Assis dans notre salon, seul, sans mes frères, sans mon père, je suivais des yeux la silhouette de ma mère qui tentait tant bien que mal de marcher pour évacuer son stress. Sans la presser je me contentais d'observer les particules fines de poussière qu'un rayon de lumière éclairait. Elles dansaient entre elles et ce silence n'avait plus aucune importance pour moi. Je m'y étais habitué. Cependant maman était bien décidée à le briser alors, elle se mit à aligner des mots qui n'avaient aucun sens, aucune cohérence, toute tremblante, flou et mélangé. Je compris immédiatement ce qu'elle était en train de me faire accepter. Mon papa n'était pas mon père biologique mais bien celui de mes deux petits frères. Il m'élève depuis bébé mais... je ne partage pas mon sang avec cet homme. Je ne partage pas les gènes de ce type. Rationnellement, je ne suis rien pour lui, et il n'est rien pour moi. Maman continuait de me parler comme si elle me suppliait de lui pardonner cette trahison, ce jeu de mauvais goût. Elle se justifiait les mains vers le ciel jurant sur mon père biologique, prônant la valeur de mon père adoptif, mais je ne l'écoutais plus. La solitude venait d'envahir le miséreux reste de mon corps. J'avais toujours pensé être solitaire et je pensais apprécier, d'être face à moi-même, mais je n'avais jamais songé devoir le subir. Je me souviens avoir serré les dents, avoir machinalement avalé ma salive, et m'être levé.
« Il a même voulu te kidnapper ! » surenchérissait ma génitrice.
Je continuais à marcher sans lui adresser un regard. Je n'avais que 11 ans et il me semblait que j'avançais totalement aveugle vers ma chambre. Et maintenant ce sentiment atroce qui arrache une partie de vous-même, berce mes nuits ainsi que mes jours. Lorsque je regarde les étoiles je sens mon coeur qui se consume, lorsque je respire je sens mon corps qui craque, et je me demande combien de temps vais-je tenir à ce rythme. J'ai l'impression que ma mère met un masque pour me sourire et que je ne suis pas le cadeau qui lui fat plaisir. Le reflet de mon visage sur la vitre de ma chambre est la seule présence sincère qu'il me reste. Mon « père » est un fardeau que je ferai bien mieux d'éviter alors c'est ce que je fais. Cependant je dois me taire, garder les lèvres liées car c'est lui qui m'élève, enfin non, ça il ne s'en donne pas le temps, ni la peine, mais c'est lui qui a de l'argent et qui paye notre domicile, en plus d'être le père biologique de mes deux autres frères. De plus je ne veux pas raviver le mélange de tristesse et de rancoeur qui inonde mon coeur chaque fois que je pose les yeux sur l'un des membres de ma famille. Alors je me tais. Mais croyez-moi, j'ai tant à dire...
Inspiré par l'histoire de Ryan, inconnu n°2.
Eva. (Everlaine)
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Récits d'inconnus
RandomLisez la première partie appelée "L'explication du concept" pour bien comprendre le principe de ce livre s'il vous plaît, ce n'est pas très long.