Scène 1

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La scène est sombre, il fait nuit. Elle est occupée par le décor simple et basique d'un petit appartement, avec une porte donnant sur le palier et une fenêtre donnant sur l'extérieur. Un ordinateur se trouve sur un bureau, deux canapés entourent une table basse où de la nourriture est posée, un coin est aménagé en cuisine. Thomas est en train d'ajuster sa cravate dans un miroir alors qu'Alice fume une cigarette, en sous-vêtement, devant la fenêtre.

Alice : On n'est pas obligé de le faire, tu sais.

Thomas : Non, c'est vrai.

Alice : Alors...

Thomas : Alors ?

Alice : Alors pourquoi est-ce qu'on le fait ?

Thomas en soupirant : Il ne faut pas se poser autant de question. Tu fumes, mais tu n'as pas un tempérament de fumeuse. Regarde cette soirée comme une cigarette : à peine consommée, à peine oubliée.

Alice : Et à peine remplacée ?

Thomas : Ca, c'est à toi d'en décider.

Silence.

Alice : Et qui est-ce qui a eu cette idée ?

Thomas : Adrien je crois.

Alice : Tu crois ?

Thomas : Oui, je ne m'en rappelle plus vraiment.

Alice : Ce sont tes amis, pas les miens.

Thomas : Ça part d'une volonté commune, j'imagine.

Alice : Tu n'as pas l'air très sûr de toi.

Silence.

Alice : J'ai du mal à comprendre. C'est une expérience ? Une mise en scène malsaine pour vous donner l'impression de faire quelque chose d'interdit ? Un pied sur le bord du mur, l'autre dans le vide, juste pour goûter le risque de tout laisser tomber ?

Thomas : Il n'y a rien de malsain, Alice.

Alice : Alors pourquoi est-ce que tout parait si propre ? S'il n'y avait rien à cacher derrière cette affaire, pourquoi est-ce que tu as mis un costard, ciré tes chaussures, coiffé tes cheveux ? Tu es bien habillé pour une orgie.

Thomas : Il ne va certainement rien se passer. Tu sais bien comment nous sommes : nous crions plus que nous n'attaquons. C'est une idée farfelue, un caprice qui nous est passé par la tête, rien de plus.

Alice : Tu en parles comme si c'était une blague de mauvais goût.

Thomas s'approche d'Alice et la prend dans ses bras.

Thomas : Allons, pourquoi es-tu si effrayée ?

Alice : Parce que tu ne l'es pas.

Thomas : Il n'y a aucune raison de l'être.

Silence.

Thomas : Je t'aime, cela suffit amplement à me rassurer.

Alice : Pas moi.

Thomas : Il ne s'agit que de sexe et d'amitié, rien de plus. Nous sommes bien plus forts que ça.

Alice : Je sens la tempête arriver, Thomas. Elle balade son regard sur notre peau nue, rase tout sur son passage : sensibilité, émotion, empathie. C'est la sauvagerie qui nous attend.

Thomas : Tu devrais dormir, je te réveillerais lorsque tout le monde sera là.

Alice : Le cannibalisme.

Thomas : Vraiment, va t'allonger. Tes nouveaux médicaments ont un trop grand effet.

Alice : Si ces médicaments faisaient vraiment effet, je n'aurais plus mal au crâne.

Silence

Alice : Et je n'ai aucune envie de dormir, surtout si c'est pour me réveiller au milieu de corps déshabillés.

Thomas : Bon.

Thomas retourne ajuster sa tenue dans le miroir.

Thomas : Et tu ne t'habilles pas ?

Alice : Pour une orgie ? A quoi bon ?

Thomas : Tu vas attraper froid.

Alice : C'est vrai qu'il fait froid.

Silence.

Alice : Mais ça fait du bien. Le monde bouillonne sans arrêt, il ne sait pas assez profiter de ce que la nuit peut lui offrir. On court dans tous les sens, on s'agite au moindre rayon de soleil, on baise surtout, alors qu'on devrait juste rester fumer devant une fenêtre ouverte en se disant que putain, le froid, c'est bien aussi.

Thomas rieur : Je ne savais pas que la drogue te rendait aussi intelligente.

Silence.

Thomas : Il faut que j'aille chercher à manger.

Alice : Et de l'alcool ?

Thomas : Ca, on en a assez.

Alice : On n'en a jamais assez.

Thomas : Je te rappelle que tu es sous médicament, tu ne devras pas trop boire ce soir.

Alice : Des foutus médicaments qui ne marchent pas.

Silence.

Thomas : Je vais prendre des pizzas, qu'en penses-tu ?

Alice : J'en pense que c'est vulgaire.

Thomas : La pizza est vulgaire ?

Alice : Seulement lorsqu'on en mange entre deux orgasmes.

Thomas : J'ai du mal à te suivre.

Alice : Franchement, l'idée de coucher avec tes potes toute la nuit me parait déjà assez sale, tu pourrais au moins essayer de rendre l'évènement plus attractif. Pour l'instant, j'ai juste l'impression qu'on va regarder un match de foot en rotant toute notre bière sur la télévision.

Thomas : J'ai fait des efforts, Alice ! J'ai acheté du champagne !

Alice : Et moi qui espérais pouvoir me saouler !

Thomas : Donc je prends des pizzas ou non, à la fin ?

Alice : C'est ta soirée, tu fais ce que tu veux. Tant que tu n'en prends pas aux champignons.

Thomas s'habille pour sortir.

Thomas : Je ne serais pas long, tu devrais mettre de la musique et de l'encens.

Alice : C'est une partouze, chéri, pas la messe.

Thomas : Si quelqu'un arrive, n'oublie pas de prévenir que l'ascenseur est en panne. Il y a une bouteille de champagne au frais.

Thomas s'approche de la porte.

Thomas : Tu veux que j'en profite pour te rapporter quelque chose ?

Alice : De l'estime ?

Thomas en soupirant : Je t'aime, à tout à l'heure.

Thomas sort et la lumière baisse davantage.    

Partie fine (théâtre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant