Baptiste avait toqué chez Axel comme si rien ne s'était passé, quelques jours plus tard.
Quand le pêcheur était venu le voir, à l'aube, dans une brume épaisse, pour lui proposer de venir pêcher avec lui, il avait dû jouer le rôle du plus fin diplomate pour l'extirper de son misérable abri. Axel s'était montré un premier temps méfiant à l'égard de son confrère. Les questions et l'inquiétude n'avaient fait que gangréner son esprit, le jeune pêcheur n'avait pas osé sortir de chez lui ses derniers jours, uniquement pour se promener au bord de la plage, dans l'espoir fou d'apercevoir la silhouette Morgane se distinguer à l'horizon.
Mais la sirène n'était pas revenue. Encore.
Le brouillard s'était levé depuis un petit moment, en même temps que le Soleil : ses rayons timides réchauffaient leur peau à travers la canopée de nuages. Les deux jeunes hommes pêchaient côte-à-côte, sur le chalutier d'Axel, concentrés sur les vagues qui dansaient à la surface. Le filet attendait patiemment ses futures proies, plongé à plusieurs pieds sous l'eau. Personne ne parlait depuis de longues minutes – Baptiste avait visiblement baissé les bras à avoir un simulacre de conversation avec l'autre pêcheur, étant donné que ce dernier répondait principalement en monosyllabe depuis ce matin, trop perdu dans ses pensées pour être véritablement présent auprès de son confrère.
Malgré tout, ce fut tout de même lui qui brisa enfin la glace qui se formait entre eux, une croûte rigide et inconfortable. Le jeune pêcheur renvoya son appât dans l'océan. Son sceau était vide.
— Est-ce que... tu as dit quelque chose, par rapport à la dernière fois ?
Baptiste le regarda du coin de l'œil, en silence. Ses yeux restèrent inexpressifs, malgré le léger sourire esquissé sur ses lèvres.
— Ça y est, t'as décidé d'arrêter de faire la tête ? Tu daignes enfin m'adresser la parole ? Non, Axel, déclara enfin Baptiste. Non, je n'ai rien dit à personne. Personne ne sait ce que tu... ce qu'on a vu, la dernière fois. Tu peux me faire confiance sur ça.
Sa voix déraillait légèrement lorsqu'il parlait. Le cœur d'Axel cessa de tambouriner à toute vitesse contre sa cage thoracique. Le jeune pêcheur se permit de laisser échapper un soupir de soulagement.
— Merci, Baptiste.
— Il n'y a pas de quoi, c'est juste normal. C'était... une expérience, quand même, avoua-t-il d'un ton toujours hésitant. Une sirène, quoi... moi qui refusais de te croire, au début. J'ai encore du mal à réaliser une chose pareille. Dire que l'Homme n'est pas la seule espèce « intelligente » au monde, ça fait quelque chose. En réalité, ça m'a fait me poser pas mal de questions, mais je ne pense pas que j'en aurais les réponses, un jour.
— Tu aimerais la revoir ?
— Si c'est pour me faire insulter, je m'en passerai. Pourquoi la seule sirène que tu arrives à dégoter parle aussi bien qu'un matelot ivrogne revenu chez lui après une traversée longue de plusieurs mois ? Enfin...
Baptiste éternua une fois, puis une seconde fois. Il sortit à toute vitesse un bout de tissus en lambeaux d'une des poches de son pantalon, avant de se moucher bruyamment avec.
— Et à cause de tout ça, j'ai choppé la crève ! J'étais cloué au lit depuis plusieurs jours, après notre petite expédition de la dernière fois. Impossible pour moi d'aller pêcher. On va me tirer les oreilles, à la poissonnerie, quand on va remarquer que je n'ai pas apporté grand-chose cette semaine. Si seulement j'avais réussi ce foutu pari...
— Tu as fait la connaissance d'une sirène, répondit Axel. Tu es probablement l'une des premières personnes dans ce monde à en voir une de tes propres yeux. Ce n'est pas mieux, finalement ?
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I am not a fish ! // REÉCRITURE
ParanormalDISCLAIMER : quand j'ai écrit cette histoire, j'avais quinze ans. J'en ai à présent vingt-trois. Et je trouve que cette histoire a très mal vieilli. J'ai donc décidé, plusieurs années plus tard, de retravailler « I am not a fish ! » et de la remettr...