épisode 3

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Quatorze heures. Toujours personne ! Je commande mon deuxième café. Je suis bien consciente qu'un tel breuvage ne va pas m'aider à garder mon calme. Au rythme où vont les choses, je serai vite obligée de prendre un dessert ou de rentrer bredouille. Un éclair au chocolat me fait de l'œil depuis tout à l'heure mais je résiste. Faut que j'évite. J'écris un peu moins vite quand je suis trop gourmande. C'est bizarre car les friandises et les pâtisseries ne sont pas connues pour contenir des sucres lents. Un rien pourrie ma vanne, tout le contraire de cette tentation qui a vraiment l'air succulente.

Malgré le fait que je tienne à mes petites habitudes, parfois un peu stupides ou surannées, s'il le faut, je me passerai de l'étape manuscrite. Sans encre dans mon stylo, je n'aurai pas d'autres choix. Je vais tenter de me préparer psychologiquement à ce grand saut. « Bientôt » pensais-je tout à l'heure. Je ne m'imaginais pas que cela serait aussi vite !

Alors que j'essaie de me visualiser mentalement en train d'écrire directement avec l'ordi, une silhouette masculine s'arrête devant la porte de la librairie. Je ne reconnais pas monsieur Plumier, le propriétaire des lieux. Plumier, c'est vraiment son nom. Comique, n'est-ce pas ! Vous imaginez le boucher qui s'appellerait monsieur Steak, la maraîchère madame Salade et la coiffeuse madame Cheveu. Dans pareil délire, mon andouille d'ex aurait proposé des jeux de mots avec d'autres métiers comme, par exemple, la prostituée. Je vous laisse deviner la suite. Greg, son seul point commun avec le peintre Magritte, c'est que l'un et l'autre ont une idée précise de ce que peut être une pipe.

Je suis curieuse de connaître l'identité de ce garçon qui est en train de s'affairer autour de la porte. Je suis simplement certaine qu'il ne s'agit pas de mon libraire de cinquante-cinq ans. Je paye mon café en vitesse et je traverse la rue à la rencontre de cet inconnu à l'attitude pour le moins intrigante. Il semble chercher quelque chose. Alors que je m'approche, il se retourne et je découvre son visage qui s'avère être assez séduisant. Self-control. Ordre est donné à mes pommettes de ne pas rosir.

Il semble très embarrassé. Je ne suis plus qu'à deux mètres de lui quand il m'interpelle.

― Mademoiselle, vous désiriez peut-être venir à la librairie ?

Belle entrée en matière. Le « mademoiselle » me convient très bien. J'ai beau avoir bientôt trente ans et quelques minuscules ridules en progression sur le visage, cette qualification s'applique à ma petite personne. On me dit d'ailleurs assez souvent, pour ne pas dire toujours, que je ne fais pas mon âge. Cela conduit d'ailleurs à de fameux quiproquos. Je me souviens, voici un an, alors que j'accompagnais mon petit cousin de huit ans à la patinoire dressée au milieu du marché de Noël, un ado encore presque boutonneux était venu me trouver pour tenter de m'inviter à boire un verre. Si dans deux ou trois ans, j'ai trouvé mon compagnon idéal et que nous avons un enfant, je crains que l'on ne me prenne pour sa grande sœur... Enfin, je ne vais pas me plaindre de paraître moins que mes vingt-neuf ans et quelques semaines. Neuf semaines et demi pour être exact.

Par contre, pourquoi me pose-t-il cette question concernant la librairie, ce beau jeune homme ? Enfin, jeune, je n'en suis pas certaine mais, c'est fort probable. Par contre beau, il n'y a pas de doute ! Très subjectif comme terme mais ses traits anguleux, sa petite fossette, ses cheveux faussement en bataille, sa barbe de quelques jours et son regard émeraude correspondent à ma définition personnelle de « beau ». Et je ne vous parle même pas de sa carrure athlétique. Il est juste quelque peu engoncé avec ce gilet, cette chemise associée à une cravate et une veste de costume. N'allez pas pour autant croire que je m'imagine déjà en train de le déshabiller ! C'est juste que, même s'il est fort élégant ainsi vêtu, j'aurais bien envie de le voir dans une tenue plus décontractée.

Bon, ce n'est pas que mes pensées soient inintéressantes, il faut quand même que je pense à lui répondre.

― Oui, en effet. J'ai besoin de deux ou trois articles du magasin.

― Oh ! Je suis très ennuyé.

Pourquoi diable est-il embarrassé ? En quoi ma présence pose-t-elle un problème ? Et puis surtout, qui est-il, à part un bel apollon dressé devant la porte close de la librairie de monsieur Plumier ?


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Déjà le 3e épisode ! Je vous rassure, il y en aura encore de nombreux autres, à tel point que le terme "nouvelle" ne sera peut-être plus très approprié ;). Merci de suivre les aventures de Mel. Vos interactions ont permis de pointer à la 308e place dans sa catégorie et de figurer dans l'onglet "en hausse" du site. Si vous aimez, continuer de lire, n'hésitez pas à partager, à voter et à commenter. Vos impressions peuvent d'ailleurs influencer la suite du récit. Bref, grand merci de venir ici et de faire vivre cette histoire. A bientôt !

J'hésite ou je tente ma chance ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant