CHAP.2 -

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C'est avec curiosité que Cassandre et moi-même nous sommes levés pour observer ce qui se tramait au niveau de la terrasse ; un jeune homme blond, replié sur lui-même, semblait être paniqué pour une raison qui nous était inconnue. Sous mes yeux se déroulait un spectacle à la fois effrayant et fascinant : le jeune homme repoussait des choses, hurlait de frayeur, donnait des coups dans le vide, une expression de terreur sincère sur le visage, alors que les infirmiers du service tentaient de l'empêcher de bouger. J'étais muet, je n'avais jamais vu pareille scène auparavant.

Cassandre soupira à côté de moi :
« Encore Thomas et ses délires, murmura-t-elle d'un air las. Je me retournai vers elle, le regard interrogateur, et elle poursuivit sa phrase :
Il souffre d'une sorte de schizophrénie assez violente, il est ici depuis presque deux mois. Ce genre de crise est assez récurrente. »
Je hochai la tête en regardant les infirmiers le transporter sur un fauteuil roulant après lui avoir administré un calmant. Ils entrèrent dans le bâtiment de nouveau, mais je choisis pour ma part de rester à l'extérieur : l'air du matin était agréable, et le dehors m'avait autant manqué que la nourriture. Je me dirigeai donc vers une des chaises de jardin et m'y assis, soupirant doucement dans un but de détente.

Je ne fus pas surpris de constater que Cassandre m'eut suivi. Il s'assit sur une chaise en face de moi, ayant sorti une cigarette de je-ne-sais-où. Elle engagea de nouveau la conversation :
« C'est un peu cash et indiscret comme question, mais, pourquoi t'es ici ? demanda-t-elle en me regardant avec insistance, le regard plongé dans le mien. Je remarquai d'ailleurs ses yeux gris piquetés de bleu ; sublimes.
- J'ai fait une tentative de suicide. » Je ne dis rien de plus, je ne souhaitais pas en étaler les détails pour le moment, non pas par honte ou par gêne, simplement par manque de... d'amitié, d'affection réciproque. Elle hocha la tête simplement avec un sourire triste, l'air de dire "oui, je comprends", et c'est à cette expression que je compris qu'elle aussi.

La matinée se déroula sans accroc particulier ; je me fis rapidement à l'ambiance calme et triste de cet endroit. Cassandre ne m'avait pas lâché d'une semelle, et nous avions pas mal appris à se connaître : c'était une jeune fille complexe, regorgeant de recoins, d'expressions et d'histoires à découvrir. Toujours souriante, elle réapprenait à vivre à chaque minute qui passait, et cela se voyait dans la lueur adorable de ses yeux. Je l'admirais déjà énormément, bien que je ne la connaisse pas suffisamment pour proclamer une amitié... vingt-et-un ans de secrets à déterrer, encore.

Notre discussion au sujet de la qualité de la nourriture servie ce midi-là fut interrompue par un jeune homme blond s'asseyant à notre table, un sourire timide sur les lèvres.
« Contente de te voir sorti de la, souffla Cassandre à son intention, lui adressant un agréable sourire amical. Quant à moi, je détaillai le visage du garçon : c'était le blond qui délirait quelques heures plus tôt, sur la terrasse. Je fronçai alors les sourcils, ne comprenant pas vraiment de quoi parlait Cassandre.
- La chambre d'isolement, répondit alors l'inconnu, comme s'il eut lu dans mes pensées, ce qui me troubla d'un iota : il me dévisageait donc à ce point ?
- Oh... ce fut tout ce que je sus lâcher face à sa réponse, affichant une expression désolée peu sincère ; ne sachant pas exactement de quoi il s'agissait - bien que le nom était quoiqu'il en soit explicite - je ne pouvais pas tant exprimer du regret, d'autant plus que je ne connaissais pas le jeune homme. Je le vis rougir légèrement et se concentrer sur son plat, semblant réfléchir. Il s'adressa ensuite directement à Cassandre, comme si soudainement je n'existais plus, mais cela ne me vexa pas : ce qu'il disait valait la peine d'être entendu.
- Et pour l'évasion ? son ton avait quelque peu baissé, et Cassandre me jeta un léger regard inquiet, mais je hochai la tête comme pour confirmer mon silence.
- Vers deux heures du matin, lors du changement de service, il y a un délai de trente minutes sans surveillance. Nous pouvons largement en profiter, répondit-elle alors. Elle me faisait visiblement confiance, et elle avait raison.
Je plissai les yeux : ils semblaient se connaître et déjà avoir manigancé quelque chose. Je ne me gênai pas pour leur poser la question :
- Vous comptez vous échapper ? D'ici ?
Le blond sembla surpris, comme si j'avais soudainement réapparu de je-ne-sais-où. Il me dévisagea quelques secondes, puis sembla réaliser quelques chose, et hocha la tête, rougissant.
- Oui, mais c'est un grand secret... tu veux venir avec nous ? » Son expression avait pris quelque chose de surprenant et d'enfantin, presque adorable. Je refusai pourtant la proposition : je n'étais pas dans cet hôpital depuis longtemps, et j'estimais que ma thérapie serait d'une grande aide. Peut-être qu'eux, c'est l'inverse : je ne les connaissais pas, après tout.

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⏰ Last updated: Jun 22, 2017 ⏰

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Je mourrai dans tes bras...Where stories live. Discover now