EN ROUTE POUR PSALMANAZAR

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Depuis qu'il avait laissé derrière lui le port de Cancri, le Caméléon filait bon train. Cinq jours de voyage séparaient encore le vaisseau des premières lueurs de la station ducale, là-bas, dans la constellation Yuga Treize et, quel que soit l'angle sous lequel on considérait la courbure de l'espace-temps, nom d'une pince de crabe, on ne pouvait pas dire qu'il était en avance...

Dans une semaine, jour pour jour, débutait le Jubilé triomphant au cours duquel le Duc Nevo allait clôre ses vingt ans de règne et passer la main. S'il y avait un seul événement à ne pas rater dans toute la galaxie c'était bien celui-là ! Sous l'œil avide de six cent caméras, scruté par cent dix-huit mille reporters déblatérant dans près de trois millions de dialectes différents, le cortège au complet des politiciens de la Ligue - les ambitieux comme les ratés, les opportunistes, les idéalistes, les aristocrates et les morveux, bref, pour la faire courte : les inutiles – allait bientôt affluer des confins de l'espace pour brandir ses vaniteux laisser-passer en jouant des coudes aux portes sécurisées de la Cité-Station de Psalmanazar. A leur suite se presserait une cohorte de badauds et de curieux venus se rincer l'œil à titre historique, une tripotée de mendiants à l'affût d'un peu de pitié sonnante et trébuchante, et bien sûr la crème de la crème des plus fameux arnaqueurs, aigrefins, détrousseurs et voleurs de poules que recensait le cosmos.

Un embouteillage d'anthologie se profilait. La galaxie entière convergeait à l'instant même vers Psalmanazar, désireuse d'assister à une passation qui - entre autres vertus - sentait les affaires à plein nez...

Il va sans dire que pour ne pas être le dernier arrivé à la fête, le Caméléon fonctionnait tous pistons dehors.

L'intérieur de la salle des machines baignait de la chaleur moite que suaient ses turbines. Tout en sifflotant, vêtu simplement d'un short de soie jaune tâché de graisse et d'un gilet à trous qui avait dû être, à un moment ou à un autre, couleur lilas, le Capitaine K. déposa le capuchon du bidon d'antirouille bien en évidence sur le rebord de la cheminée. Il se pencha sur le rouage oxydé du moteur et, la langue tirée, s'appliquant comme un écolier attardé, recouvrît le métal d'une couche épaisse d'huile pour rotor. Enfouissant son pinceau dans les parties évidées jusqu'à la butée, il fit tourner les poils graisseux pour les essorer jusqu'à la lie.

Autour de lui, les soupapes crachaient de petits ballotins de fumée gris clair. Pouf. Pouf. Piouf. Aussi épaisse que du coton, la vapeur remontait du sol pour aller se perdre derrière les tentures usées recouvrant les murs, ne laissant flotter dans la salle des machines qu'une lumière bleue poudrée de fin du monde.

A l'exception d'une cheminée de marbre à la symétrie douteuse, d'un vieux secrétaire en plexiglas rouge qui tenait à peine debout et d'une machine à moudre le café (un antique modèle à manivelle avec un énorme pélican borgne pour logo) le reste de la pièce n'était qu'amoncellements de tubes, de câbles, d'écrous rouillés et de piles atomiques ébréchées tenant ensemble par un divin miracle.

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