Le bruit familier de la sonnerie du métro fît sursauter notre héros. Il s'était encore endormi. Ken était épuisé. Les sessions au studio étaient de plus en plus longues et éprouvantes. Il se releva et se frotta vigoureusement les yeux. Le wagon était quasiment vide. Les seules personnes présentes avec lui était un sdf endormi, allongé sur une banquette et une jeune femme. Celle-ci était tout au bout du wagon, et avait ses cheveux rabattus sur son visage. Même sans voir ses traits, elle parut familière à Ken.
Arrêtant de l'observer, il décida de sortit le carnet, qui était dans son sac à dos, à ses pieds. Personne ne soucierai de lui. Le jeune homme sortit le petit cahier et commença sa lecture quotidienne. Sur la page du jour, Iphigénie avait décidé d'écrire ses chansons préférées. Ken n'en connaissait pas la moitié, donc il se promit d'aller toutes les écouter, pour découvrir les goûts musicaux de la fille qui le faisait rêver depuis deux semaines désormais.
Deux semaines, cela faisait deux semaines qu'il avait trouvé cet objet qui avait modifié sa vie à tout jamais. Désormais, il n'avait plus aucune envie de le rendre à sa propriétaire. Ken savait que c'était mal mais cet objet avait bouleversé le cours de son existence. Sa personnalité à lui rejoignait en tout point celle d'Iphigénie. Il voulait connaitre cette jeune femme à tout prix mais il ne savait comment s'y prendre. Devait-il passer une petite annonce ? Le rapporter aux objets trouvés en laissant ses coordonnées ? Il y réfléchit, puis décida qu'il devait d'abord terminer sa lecture, au cas où la jeune femme aurait laissé une quelconque information permettant de les retrouver, elle et sa merveilleuse personnalité.
En ouvrant la porte de chez lui, il eut un déclic. Ken resta longtemps debout, encore habillé de sa veste, le regard dans le vide. Il réfléchissait. A tout et à rien. Il se demanda si son album allait marcher, si tout ce qu'il faisait en valait vraiment la peine. Son parcours dans le rap avait été pleins de sacrifices. Il avait même était en retard au repas de Noel chez ses parents car il devait terminer un morceau au studio. Dalila et Souheil était venu lui dire bonjour ce jour-là. Ken se remémora ce souvenir heureux, un sourire aux lèvres. Puis il secoua sa tête de gauche à droite comme pour descendre du ciel, où il était allé pour mieux laisser ses pensées vagabonder. Il était tard et il n'avait pas mangé depuis ce midi. D'ailleurs, ce n'avait même pas été un vrai repas, il avait taxé dans le kebab que Mo était allé se chercher. Celui-ci avait beaucoup râlé, mais avait fini par lui laisser ses frites « Juste parce que je suis quelqu'un d'une extrême générosité. » avait-il dit, un air on ne peut plus sérieux sur le visage. Puis après quelques secondes de flottement, les deux amis avaient explosé de rire en même temps.
« C'est bon les pâtes à l'eau sans sel. » pensait Ken, comme pour s'auto-convaincre. Il mangeait son repas d'hôpital en scrollant son fil d'actualité Twitter. Rien de bien nouveau, comme d'habitude. Mais Ken se sentait obliger de le remonter chaque jour, pousser par un besoin mystérieux. Puis il posta un tweet à l'intention de ses fans, leur promettant bientôt de nouveau morceau. Le rappeur savait déjà comment s'y prendre niveau stratégie, Irène avait tout prévu. Il lui faisait confiance, elle savait ce qu'elle faisait. En attendant, il alla se coucher, seul. Il fallait quand même avouer que le départ d'Aurane avait laissé un vide dans sa vie. Mais le jeune homme n'était plus sûr de vouloir le combler.
La jeune fille était dans le métro depuis un petit moment déjà lorsque ce type était entré. Il semblait très fatigué. Il s'assit et regarda autour de lui. Comme par réflexe, elle fit semblant de dormir. Sa prestation fut convaincante car le jeune homme sortit de son sac un carnet. La fille profita du fait qu'il soit distrait pour recommencer à l'observer. Il tenait en ses mains cet objet qui parût familier à l'observatrice. Et pour cause, elle le connaissais bien : ce carnet était celui de sa meilleure amie, Iphigénie. Celle-ci l'avait d'ailleurs appeler au bord des larmes, deux semaines plus tôt car elle l'avait perdu. Au début, Mélie l'avait rassuré en lui disant qu'il ne devait pas être bien loin. Puis le temps était passé et le carnet n'était toujours pas réapparu. Son amie avait commencé à perdre espoir, arguant que quelqu'un avait dû le mettre à la poubelle ou qu'il était tombé dans la Seine. Bref, elle était persuadée de ne jamais le retrouver.
En attendant, c'était ce gars qui l'avait avec lui. Et la lecture de ces fragments de vie personnelle semblait l'intéresser fortement. Au moment où Mélie allait se lever pour lui demander des comptes, il sortit rapidement. Trop rapidement pour qu'elle puisse arriver à l'interpeller. Puis, déçue, elle se dit que, finalement, des carnets comme celui-ci, il en existait des milliers. Ce n'était peut-être pas celui d'Iphi. Mais si par le plus grand des malheurs ça l'était, elle venait de laisser passer une des rares chances de permettre à son amie de retrouver ce qui lui appartenait. Désormais, elle espérait juste s'être trompée.
Lorsque Ken était sorti du métro, il avait senti un regard sur lui. C'était la jeune fille aux cheveux noirs. Apparemment, elle s'était réveillée lorsqu'il lisait. Elle le fixait intensément, d'un regard noir. Il s'était senti mal à l'aise, sur le coup. Se faire méchamment regarder n'est jamais quelque chose d'agréable. Il n'avait pas relevé et avant continuer son chemin.
La jeune fille finit par regagner son appartement. Elle ouvrit la porte d'entrée sans un bruit et traversa le couloir qui menait jusqu'à sa chambre. Mais une faible lumière capta son attention. Sans un bruit, elle fit un demi-tour sur elle-même, puis elle marcha sur la pointe des pieds jusqu'à la source du faisceau lumineux. C'était la chambre de sa colocataire, la fameuse Iphigénie. Sans un bruit, elle poussa la porte et en franchit le pas. Son amie s'était endormie sur son bureau, encore une fois. Sa tête reposait mollement sur un livre et ses bras étaient croisés devant elle. Lentement, Mélie s'avança et entreprit de la coucher dans son lit, sans la réveiller. Elle la prit délicatement dans ses bras recouverts de tatouages et la posa dans la couche. La jeune femme borda son amie en douceur, puis sortit de la chambre, non sans lui jeter un dernier regard protecteur. Décidément, on ne la changerai jamais.
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