Midnight [TERMINÉE] ( MIDNIGHT ANTHOLOGY)

Chapitre deuxième

24 heures avant :

Une brume. Juste cette brume blanche tout autour de moi. Ce froid pénétrant jusqu'à l'intérieur de mon âme. Cette immense douleur au creux de mes poumons. Cette douleur semblable à la mort. Que fais-je ici ? Suis-je censée accomplir une tâche ? Attendre ? J'opte pour la deuxième option. Celle-ci me vaut de ne plus ressentir le bout de mes orteils. Ceux-ci sont engourdis. Mes jambes se durcissent et sont froide comme un cadavre.

Je sais que si je tombe, mon corps explosera en mille morceaux. Je sais que si j'avance, mes jambes se briseront. C'est un ultimatum. Choisir entre mourir ou bien mourir à petit flot. Je ne veux pas prendre cette décision. Elle est bien trop dure. Alors je reste debout comme une idiote. Le temps me paraît arrêté. Je suis la seule ici. Non, c'est faux. Quelqu'un se dirige vers moi.

Cette personne m’apparaît d'abord floue mais petit à petit ses traits prennent forme. Son corps nu, ses mains, ses épaules musclées, son menton, ses yeux et ses lèvres. Je connais cette personne, je la reconnais. Nous nous connaissons depuis toujours. Nous ne sommes plus des inconnus. Nous sommes bien plus que ça. Je pourrais reconnaître cette silhouette, ce corps, ce visage d'entre tous.

Il s'approche de moi. Je sens mon corps frissonner, mon cœur s'emballer, mes yeux se remplirent de larmes. Il est là, devant moi, l'air si serein. Le monde autour de nous change d'aspect. Nous sommes maintenant dans un jardin public, toujours l'un comme l'autre nu. Heureusement nous sommes seuls. Le chant des oiseaux se mélange à nos respirations saccadées. Nous savons tous les deux la suite des événements.

Je suis complètement impuissante. L'homme devant moi pose un genou à terre. Un grand sourire illumine son visage. J'aimerais que tout ceci s'arrête mais c'est impossible. Il prend ma main et au contact de nos deux peaux, nous sommes pris tous les deux d'un frisson commun. Il me regarde et j'ose enfin le regarder dans les yeux. Ces yeux verts qui m'ont tant fait rêver. Je ne peux plus lâcher son regard. Je veux retenir chaque détail de son visage avant de les perdre à nouveau. Je souris malgré moi. Ce jour est censé être le meilleur de toute ma vie. Enfin, après un long silence où seulement les oiseaux chantaient, l'homme à genoux prend la parole.

-Wendy Elizabeth Stag, me feriez-vous le plaisir d'être ma femme ?

Cette voix si mélodieuse. Elle résonne dans mes oreilles. Une immense joie me submerge. Mes anciennes émotions prennent le dessus face aux nouvelles. Tant de fois j'ai voulu changer ce jour. Mais le passé était le passé. Je sens des larmes couler le long de mes joues. L'homme se relève et dépose ses doigts délicats sur celles-ci. Il enlève délicatement cette eau de mon visage et me caresse tendrement la tête. Un sentiment d'apaisement me submerge. Je lutte intérieurement avec mes sensations, coûte que coûte. Il sait quand quelques secondes il est capable de me calmer et inversement. Seul un mot sort de ma bouche pâteuse.

-Oui.

S'ensuit alors une longue série d'embrassades et d'accolades. Nous sommes tous les deux heureux comme au bon vieux temps. L'environnement autour de nous change et je me retrouve à nouveau seule. Je suis maintenant dans le jardin de notre maison. Jasper, notre chien est là, comme à son habitude. Il joue avec sa balle comme le plus heureux des animaux. Ici, il fait chaud. Aucun nuage n'encombre le ciel.

J'observe la maison, toujours immobile telle une statue de pierre. Elle semble aussi chaleureuse qu'avant. La balançoire réservée à notre futur enfant est également là. Rien n'a changé depuis toutes ces années. Après de longues minutes à observer Jasper, j'entends des pas derrière moi. J'attends que le nouveau venu vienne se positionner devant moi. Comme précédemment, le temps me paraît interminable.

Ce que je vois maintenant me fais pousser un cri d'horreur. L'homme vu plus tôt n'est plus du tout le même. Son beau sourire a disparu. Ses yeux verts ont été remplacé par des billes bleues vitreuses. Sa peau est toute fripée, ses cheveux mouillés. Ce n'est plus l'homme que j'ai connu et aimé. Celui-ci est plus âgé et abîmé. Je veux le prendre dans mes bras mais ceux-ci restent coincés. J' hurle mais ce son ne se répercute que dans ma tête.

Comment a-t-il finit ainsi ? Je ne le reconnais plus. Il reste immobile tout comme moi et silencieux. Je ne peux pas supporter son regard. Ses yeux ont perdu de leur chaleur et de leur amour. Je ne ressens plus rien en les croisant. Ils me paraissent vides, nués de toute vie. Où est passé l'homme rempli de bonheur qui me faisait rire en me chatouillant ? Il n'est plus là. Parti à jamais. L'air se refroidit et le ciel s'obscurcit. Autour de nous, les feuilles se mettent à voler. Une tempête se prépare. Mes cheveux s’emmêlent, je ne peux les recoiffer. Nous restons là sans un mot puis il prend la parole.

-Pourquoi m'as-tu fait cela, Wendy ? Je ne le méritais pas. Tu aurais dû partir avec moi mais tu es restée. Pourquoi toute cette haine mon amour ?

À chacune de ses paroles, des torrents d'eau sorte de sa bouche. Mes pieds nus sont entièrement trempés. Je ne parviens pas à comprendre le sens de ses mots. Tout me paraît si incohérent. J'essaie de réfléchir mais mes pensées sont brouillées. Aucun son ne peut encore une fois sortir de ma bouche. Je parviens à lire derrière le bleu morbide de ses yeux de la tristesse. Comment suis-je censée lui répondre. Tout m’ait impossible ici. De longues minutes voire heures s'écoulent à nouveau. Il agrippe mes épaules et commence à me secouer. Mes larmes coulent à nouveau.

-Pourquoi, Wendy ! Pourquoi m'as-tu tué ? se met-il à crier.

Mes jambes cèdent, je n'ai plus de force. Elles se brisent en mille morceaux. La fin est proche. Je vois mon buste se rapprocher dangereusement de la terre qui se transforme en eau. Il pleut désormais. À travers les gouttes qui tombent, mon dernier cri se répercute en écho. Un cri de peur et de souffrance. Le seul qui puisse s'échapper de ma gorge. S'en ai fini. Je regarde une dernière fois son visage avant de tomber dans le néant. Adieu monde cruel.