Quand les remparts s'effondrent

74 18 11
                                    

Esteban

Sérieusement, combien de mes fusibles viennent-ils de griller ? Je viens réellement de la réengager ? Uniquement pour clouer le bec de monsieur pète sec ?

Là n'était pas ton unique dessein, Este, sois réaliste...

Ok... J'avoue... Quelque chose d'étrange se produit lorsqu'elle se trouve dans ma sphère. Un mélange d'énervement, d'attirance inexplicable, d'impression que seule elle pourra me tirer de là... Par contre, là tout de suite, mieux vaut qu'elle parte. L'ambiance régnant dans ce maudit parloir ayant atteint son quota d'électricité, je ne parviens plus à réfléchir correctement. Après l'avoir assimilée à la peste, suite à son refus de m'énoncer clairement sa position quant à sa confiance en moi, elle se résigne enfin à quitter les lieux... Son départ me soulage autant qu'il me terrifie... Inquiétant...

— Sofia... Sofia... Sofia...

Depuis ma sortie du parloir, ce prénom aux connotations ensoleillées défile en boucle dans ma tête. Au milieu de tout le bazar qui s'éparpille dans mon cerveau, il demeure cependant une certitude : voilà quarante-huit heures que je connais cette fille et ça fait deux jours que je semble incapable de réfléchir avec autre chose que mon entrejambe. En clair, je suis un homme mort... Soit son inexpérience causera mon emprisonnement éternel ; soit je crèverai d'un désir fou, indescriptible, ne pouvant être assouvi... Ou j'achèverai mes jours épuisé... À bout, à force d'imaginer tous les moyens possibles et inimaginables en vue de prouver ma bonne foi... De LUI prouver que je ne suis ni un salaud de violeur, ni un putain d'assassin... Cette minette représente ma dernière chance, je dois mettre le paquet...

Dépité par cette unique perspective, en quête d'une once de légèreté, je ferme les yeux, désireux de laisser ses formes voluptueuses remplacer les débris gisant dans mon esprit dus au cataclysme qu'elle y a engendré. Grave erreur... Aucune courbe divine  ne s'y dessine, mais le sang, le corps inerte de la serveuse ainsi que le regard suppliant de Tonnerre... Face à ces images insupportables, destructrices, mes paupières se rouvrent presque instantanément pour reprendre pied dans la réalité. Putain... quand disparaîtront-elles ?  Soudain, l'évidence s'impose à moi. Tout à l'heure, durant notre conversation, ces horreurs ne sont pas venues encombrer mes synapses... Elle, sa présence à mes côtés, a permis de les éloigner...

— Pff... N'importe quoi, Este, marmonné-je. Comme si une gonzesse bien gaulée pouvait faire disparaître tous tes malheurs...

— Tu me parlais ?

Par pitié, Steeve, fous-moi la paix...

— Non, coupé-je court.

— Ah, je croyais. Tu veux discuter ?

Absolument pas... S'il te plaît, permets-moi de rêver un instant supplémentaire en m'imaginant, aussi pitoyable que cela puisse paraître, qu'elle incarne l'ange qui me délivrera de tous mes maux...

Sans doute vexé par mon ton sec et sans appel, je l'entends se retourner lourdement en direction du mur. Enfin ! Sauf que maintenant, cette tranquillité m'effraie... Si je clos à nouveau mes paupières, quel film va-t-il se jouer une fois plongé dans l'obscurité ? Celui d'un macabre crime ou la vision d'iris bleu-vert sombres qui me hantent et me scrutent comme si leur propriétaire désirait me voler mon âme ?

— Je n'arrive pas à dormir, Este. Tu me racontes ton parloir ?

Oh, punaise, ce type me tape sur le système ! Bon quitte à discuter, autant le faire à bon escient !

— Non, le bordeline, à ton tour. Qui avais-tu au téléphone ? Tu ne demandes jamais à passer de coup de fil...

Il inspire bruyamment avant de me donner sa réponse dans un murmure :

I believe in you...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant