Vertige

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Sarah, j'étouffe.
J'suffoque et j'respire plus.
Sarah, j'sens mon souffle qui s'entrecoupe, les battements de mon coeur qui disjoncte et ma voix qui s'éraille entre deux halètements.
Sarah, j'en ai marre d'être ici, confinée dans mon appart pas rangé, les murs blancs blancs blancs qui s'resserrent autour de moi, l'espace qui rétrécit pour m'enfermer, m'emprisonner, tel un étau encerclant sa proie.

Sarah c'est trop vide ici, vide de bruit. Y'a que l'silence qu'emplit la pièce mais c'est pas l'bon silence, c'est pas celui qu'apaise les gens qui relaxe et qui endort, nan Sarah c'est l'autre, l'autre silence angoissant qui t'prend aux tripes. Celui qui engloutit tout, qui fait disparaître les sons des voitures à travers le volet, les cris dans la rue, les grincements d'portes, et au final qui bouffe le tintement rassurant d'nos coeurs à l'unisson. Oui c'est ça, c'est l'absence de vie Sarah, mais c'est pas la mort non plus , c'est juste le vide.

Sarah j'ai fermé les yeux, j'ose plus les rouvrir, j'ai peur. Au moins la y'a que l'noir qu'envahit ma vision, ça change des murs blancs aveuglants et oppressants. Puis j'ai vu trop d'fois cette chambre abandonnée, trop d'fois ce lit et cette chaise qui n'abrite plus personne, trop de fois cette fenêtre qui se meurt. J'ai passé des nuits à observer ce miroir sale qui reflète un corps absent, esseulé, perdu.

Ça va au delà d'la solitude Sarah, c'est bien pire. C'est cette impression qu j'accomplirai plus rien, qu'j'dirai plus bonjour a quelqu'un l'matin, que tu seras plus jamais là assise sur cette fameuse chaise, puis qu'personne sera plus jamais là. Cette sensation d'ne plus exister, de douter constamment de ma présence sur cette Terre, parce que j'me convaincs comment qu'j'suis vivante moi maintenant? Faudrait quelqu'un pour m'le dire, pour m'le hurler à m'en péter les tympans!! Parce que J'en ai ma claque de gueuler toute seule, Sarah. Ça fait 3 mois que l'soir j'crie des choses qui n'ont plus aucun sens, juste pour combler ce silence malveillant, mais tout c'que font mes paroles c'est résonner et ricocher contre ces murs blancs, et au final j'parle à l'écho, j'parle à l'écho putain!
Ça fait 3 mois que j'ferme les yeux de plus en plus souvent, pour oublier le rien qui m'envahit.

Et si j'poussais un dernier cri, Sarah?
Et si j'fermais les yeux, pour la dernière fois?
Et si j'partais pour de bon?

Les gens désespérés font ça Sarah, et je suis désespérée. Mais moi c'est différent.
Moi je suis terrifiée. Par le vide.
Par le fait de n'entendre plus rien.
De ne voir plus rien.
De n'être plus rien.

La mort n'est donc pas un échappatoire, ce serait plonger dans ma propre phobie. Mais alors ou vais je, Sarah?
Je vais te répondre :
Nulle part. Je reste prisonnière de ma propre existence.
Je continue de me noyer dans le vertige de la vie.

Paroles évadéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant