Partie 3

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T'es souvent venue chez moi, les jours suivants. Puis pendant des semaines qui se sont ensuite transformées en mois. Un jour, t'as même fait les courses parce que tu ne trouvais jamais ce que tu voulais dans les placards et je t'ai regardé ranger le frigo. Tu passais toujours des heures à ça : chercher la bonne place pour chaque objet. T'avais même refait toutes les pièces de ma maison, sous prétexte que ce n'était pas pratique niveau rangement – à croire que t'aimais bien jouer à Tetris grandeur nature. Mais t'étais douée, et même si j'avais toujours besoin d'un temps d'adaptation pour retrouver mes affaires, ça ne me dérangeait pas parce que je finissais par me rendre compte que, en effet, c'était mieux. T'étais tellement à ta place dans cette maison que c'est sorti tout seul.

« Alice ?

– Hm ?

– Tu veux t'installer ici ? »

Tu ne t'es même pas retournée. T'essayais juste de ranger un paquet de chips en haut du frigo et, même sur la pointe des pieds, t'y arrivais pas. Je me suis levé pour te venir en aide et là, tu t'es tournée vers moi et tu m'as embrassé passionnément. J'ai pris ça pour un oui et, le samedi suivant, on allait chercher tes affaires – mais il en restait peu, parce qu'on s'est vite rendus compte que t'avais déjà presque tout ramené au gré de tes allers et venues. Tes parents n'étaient pas là et tu t'es excusée parce que t'aurais voulu qu'ils me rencontrent.

C'est à partir de là qu'on a commencé notre nouvelle vie à deux, et c'était bien. Avec le recul je reconnais que c'était peut-être rapide mais je ne pense pas que je changerais les choses aujourd'hui. Si on a senti tous les deux que c'était le moment alors c'est qu'on ne s'était pas trompés. T'aurais pu me dire que c'était trop tôt mais tu ne l'as pas fait.

Il nous arrivait souvent de sortir avec Suzanne et Jamie ; parfois d'autres de mes potes se joignaient à nous. Rarement ta sœur et son mari, parce qu'avec son gamin, elle acceptait de sortir uniquement pour les gros événements – et elle ne buvait même plus d'alcool. Mais j'aimais notre routine, j'aimais notre vie.

J'aimais aussi le fait que tu ne poses pas de question sur mes activités professionnelles, sur comment j'arrivais à payer mon loyer avec un seul salaire alors que j'allais bosser seulement quelques heures par semaines. T'as pris pour argent content que c'était la boxe qui me rapportait tout mon argent et je t'ai laissé y croire sans trop de culpabilité. Ce n'était pas vraiment un mensonge, sauf que les paris et les combats sans règle, c'est pas vraiment un métier et c'est surtout très illégal. Cela dit, je ne suis jamais revenu assez amoché pour que tu t'inquiètes pour de vrai. Un jour tu m'as demandé si tu pouvais venir m'encourager, j'ai dit non et c'était tout. Tu n'as pas insisté, t'étais même pas vexée. T'étais si facile à vivre que, parfois, je me demandais ce que ça cachait. Mais ça ne cachait rien. C'était juste toi et t'étais ma petite perfection à moi.

J'ai laissé ma vision de l'amour se déformer complètement sous tes mains et tes promesses, au point que j'ai commencé à croire que mes parents n'étaient pas un exemple, qu'on pouvait être heureux si on trouvait la bonne personne.

Un soir où t'étais chez ta sœur – tous les mardis, si je me souviens bien – je m'ennuyais trop de ta présence alors j'ai rejoins Austin à la salle de sport. Puis je crois que j'avais besoin de me remettre les idées en place : t'es arrivée soudainement dans ma vie, sans que je n'y sois vraiment préparé, alors parfois j'avais besoin de me vider l'esprit. Austin tu ne le connais pas ; déjà parce qu'il faisait parti du réseau des combats clandestins, même s'il venait parfois traîner à la salle de sport, mais surtout parce qu'il est tombé quelques semaines plus tard pour trafique de drogue. Je n'ai jamais compris la passion qu'ils avaient pour cette merde, ça ne m'a jamais intéressé et malgré tout ce que les gens pouvaient penser de l'allure que me donnaient mes tatouages, j'étais un gars plutôt droit. J'en ai toujours été fier, surtout quand j'ai appris qu'en se faisant pincer, il avait entraîné d'autres personnes avec lui.

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