Ça fait quelques années que j'attends dans le couloir de la mort maintenant. Et d'ici quelques semaines, ce sera la fin. C'est en regardant nos photos encore une fois que j'ai eu envie d'écrire cette lettre. D'ailleurs, ma dernière volonté a longtemps été de pouvoir te la lire au cimetière, que tu l'entendes à haute voix, que t'oublies pas, mais j'ai jamais eu de permission pour sortir d'ici. Comme si j'avais envie de m'enfuir et de vivre avec un fardeau tel que celui-là. Comme si je n'avais pas envie de crever à mon tour pour pouvoir enfin vous rejoindre. Mais quoi que je fasse, ils n'ont jamais accepté. Alors j'ai changé ça. Je voulais que quelqu'un entende notre version de l'histoire, Alice. Je voulais que des gens sachent à quel point on s'était aimés et à quel point tu étais la seule qui ait jamais compté et qui comptera jamais – jusqu'à mon dernier souffle.
Ma dernière volonté est donc de lire cette longue lettre avant qu'on m'exécute et malgré le temps que ça prendra, mon avocat s'est battu si fort après avoir lu la lettre que j'ai obtenu gain de cause.
Je sais qu'en plus des journalistes, ta famille sera là. Je sais qu'ils veulent me voir mourir pour pouvoir terminer de faire leur deuil. Mais je sais qu'ils vont m'écouter. Je sais qu'ils le feront parce qu'ils auront envie de savoir à quoi ressemblait ta vie avec moi. Ta vraie vie, pas celle qu'Annabelle a inventé pour se donner bonne conscience.
D'ailleurs, elle m'a écrit un très joli mot dans lequel elle m'a assuré qu'elle serait au premier rang pour me voir payer tout ce que je t'avais fait subir. J'ai souri devant ce mot parce que tu sais le plus drôle dans tout ça ? C'est qu'Annabelle ait attendu que tu meurs pour se comporter comme la sœur qu'elle aurait toujours dû être.
Si tu l'avais vue lors de mon procès ou même à la télé : t'aurais halluciné. Ce n'était plus la fille qui te parlait comme à un chien, qui te tolérait parce que je l'avais menacé de lui faire vivre un Enfer si elle osait te faire de la peine. Ce n'était plus la fille qui souhaitait que tu sortes de sa vie parce que t'étais heureuse et que, quoi qu'elle fasse, elle ne t'arrivait pas à la cheville. C'était quelqu'un d'autre. La sœur la plus aimante du monde, qui pleurait en racontant qu'elle avait récupéré toutes tes affaires et que c'étaient les seules choses qui lui restaient de toi. C'était la sœur qui pleurait en racontant des souvenirs d'enfance que vous n'aviez même pas vécu. J'ai eu de la peine pour elle, tu sais ? C'est aussi pour ça que je l'ai laissé mentir sur mon compte. C'est aussi pour ça que j'ai accepté d'endosser toutes les atrocités qu'elle a inventé pour se donner bonne conscience. Elle t'a tellement traité comme une moins que rien que lorsque t'es partie, elle n'avait pas d'autre moyen de se rattraper qu'en faisant croire aux autres que c'était une sœur géniale. Mais ce n'était pas le cas et on le sait tous les deux. On sait tous les deux que la dernière fois qu'elle t'avait eu au téléphone, elle t'avait fait pleurer pendant des heures parce qu'elle t'avait dit que tu ne méritais pas d'être mère. Que t'étais trop jeune et que c'était elle qui devrait être enceinte à nouveau et pas toi. C'est pas le dernier contact que t'as eu avec elle, cela dit, puisque le dernier en date était le fameux SMS ; celui où elle avait osé répondre que le prénom qu'on avait choisi pour notre fille était moche. Quand t'étais enceinte de six mois. T'allais plus chez elle tous les mardis, comme elle avait continué de le prétendre et c'est le dernier échange que vous ayez jamais eu. "C'est moche." Bordel. Et c'est moi le monstre ? Si tu savais comme je la déteste bien plus que je ne me déteste moi. Je t'ai tellement vu pleurer à cause d'elle que je me demande comment est-ce qu'elle peut continuer d'apparaître publiquement en prétendant qu'elle t'aime et qu'elle est pressée que toute cette histoire se termine, que tu puisses enfin reposer en paix.
Je la déteste de t'avoir causé tant de peine, tout comme je me déteste de t'avoir poussé ce jour-là. Je t'assure que je ne voulais pas, Alice. Je ne voulais pas te pousser. Je ne voulais pas que tu perdes l'équilibre. Je ne voulais pas qu'on t'arrache à moi. Je ne voulais pas que tu partes alors qu'on se disputait. Je ne voulais pas que les derniers mots que je t'aie dits soient ceux-là ; ça me hante. Je ne voulais pas que t'arrêtes Alice, je voulais que tu m'aimes encore et encore. Je t'assure que c'est ce que je voulais. Mais j'ai tout fait foirer parce que je t'aimais trop. Qu'on s'aimait trop. Et tu me manques mais je sais que t'étais consciente de l'amour que j'avais pour toi et ça me rassure.
Alors peut-être qu'Annabelle sera au premier rang pour me regarder mourir, mais moi j'irais te rejoindre pour continuer de t'aimer comme je l'ai toujours fait. Fort. Passionnément. De tout mon être, de toute mon âme. Tandis qu'elle continuera de vivre avec sa culpabilité en se souvenant à jamais que les derniers mots qu'elle t'ait jamais dit étaient "c'est moche".
Ne m'en veux pas, Alice. Je sais que tu n'aimes pas qu'on dise du mal des gens que t'aimes, mais je me dois de rendre hommage à notre histoire et Annabelle l'a complètement salie par jalousie. Il était hors de question que je parte à mon tour sans dire toute la vérité.
Je ne vais pas terminer cette lettre en parlant d'elle parce que ça n'aurait pas de sens. Alors je vais continuer de parler de toi, ma Lili. Mon ange. Mon tout. Je vais te dire qu'aujourd'hui je sais qu'on ne s'aimait pas de la bonne façon, que la passion ne mène à rien si ce n'est au désastre, et que si je pouvais tout recommencer, j'apprendrais à t'aimer modérément.
T'es la plus belle chose qui me soit jamais arrivée, Alice. C'est pas comme ça que ça aurait dû finir mais la vie c'est pas un bouquin qu'on peut réécrire à notre guise. On ne peut pas gommer nos erreurs. On ne peut pas décider de changer la fin juste parce qu'elle est trop insupportable. On n'a qu'à subir et vivre avec nos "et si" jusqu'à ce que tout s'arrête enfin.
Je vais bientôt être soulagé, Alice. Bientôt on pourra écrire une nouvelle histoire, ailleurs. Parce que bientôt, on sera de nouveau réunis.
Je t'aime, Alice. Au cas où t'oublies.
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Endlessly
Teen FictionLa passion est un ouragan ; quelque chose de sublime qui précède le chaos. C'est une histoire qui se termine toujours mal. Pour acheter le livre, c'est ici : http://www.lulu.com/shop/mélanie-da-silva/endlessly/paperback/product-24004117.html ❤