Partie 14

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On a rapidement eu un créneau pour le mariage et deux semaines plus tard, tu étais ma femme. Je crois que ni toi ni moi n'avions mesuré la puissance de ce qu'il venait de se passer et, pourtant, t'avais jamais eu un sourire aussi grand, pendant aussi longtemps. Il te suffisait même de regarder mon alliance pour qu'il revienne encore. Je me souviens encore de ce que tu portais comme si c'était hier ; c'était une jolie robe blanche en coton avec des roses brodées en bas. Les roses étaient blanches aussi et je ne les aurais certainement pas vu mais tu m'avais dit que c'était pour rappeler ce que j'avais dessiné sur ton ventre pour Marie. Tu l'avais acheté spécialement pour l'occasion et elle t'allait tellement bien. On aurait dit une petite princesse. T'étais si belle que t'as même pas eu droit aux regards déplacés, réservés à celles qui se marient enceinte. T'étais juste là, rayonnante, avec ta robe blanche et ta couronne de fleur dans les cheveux. On aurait dit un ange.

Jamie m'a souvent dit que ça aurait été bien d'officialiser tout ça auprès des autres, mais je lui avais rappelé que si je les voyais encore c'est parce qu'il arrivait qu'on se croise à des soirées qu'il organisait avec Suzanne. Je n'avais plus d'ami moi – et je le vivais très bien. On était trop enfermés tous les deux, peut-être. Mais on était heureux et c'était tout ce qui importait. Toi, Marie et moi. Tyson aussi, bien sûr, mais c'est toi qu'il aimait le plus alors ta présence lui suffisait amplement.

Les choses allaient bien, tu te souviens ? J'étais heureux avec toi, avec notre bébé en route et tous les projets qu'on avait pour la suite. L'argent du garage nous aurait suffit le temps de ton congé maternité mais je n'avais pas envie de me serrer la ceinture, Alice. J'avais pas envie de passer mes journées à bosser comme un chien, rentrer crevé et ne pas profiter de toi ou de Marie quand elle serait là. Pardonne-moi de ne pas t'avoir écouté, Alice. Pardonne-moi parce que si j'avais été bosser dans ce garage à la con, on n'en serait pas là aujourd'hui. Mais je t'assure que j'ai essayé. Trois jours. Trois jours qui m'ont rappelé pourquoi j'avais arrêté de cumuler trois petits boulots merdiques pour me mettre à faire ce que j'aimais le plus – et qui rapportait en une semaine que ce que je gagnais en un mois en tant que garagiste, caissier, et vendeur de journaux. Peut-être que j'aurais dû me forcer un peu plus, mais je ne voulais pas de cette vie tant qu'il y avait d'autres solutions. Tu n'étais pas stupide, t'avais bien compris que je n'avais pas arrêté les combats, car même si je ne rentais jamais dans un sale état, il arrivait que je me prenne des coups sur le visage. Tu n'as jamais rien dit et je ne sais pas ce que t'en pensais vraiment. T'ignorais juste la situation jusqu'à ce que tu ne sois plus capable de faire semblant.

J'ai redouté ce moment depuis que j'ai commencé à écrire, tu sais ? Et j'aurais aimé avoir encore un milliard de choses à raconter avant cette journée mais ce n'est pas le cas. C'est la fin du voyage et j'en ai mal au ventre, au cœur, aux yeux, puis à la gorge. J'ai mal partout et je n'ai aucun droit de m'en plaindre.

Je vais essayer de faire les choses dans l'ordre pour éviter de m'éparpiller mais si je m'écoutais, j'arrêterais d'écrire maintenant, juste histoire d'ignorer la suite – sauf que ce serait injuste. Sache simplement que, depuis ce jour-là, je n'ai plus jamais été capable de me regarder dans un miroir sans me dire que je méritais toute la souffrance que j'endure aujourd'hui.

Tu m'as réveillé tôt, ce matin-là. T'étais pas très bien et je crois que t'avais de la fièvre. Ça m'inquiétait parce que t'avais pas le droit de prendre de médicament à cause de la grossesse et que ton imbécile de médecin me soutenait que ça allait passer. J'étais en colère, Alice. Si tu savais à quel point je l'ai détesté.

« Vous savez, les femmes enceintes sont juste plus fatiguées que les autres, qu'il m'avait dit. Leur température est toujours un peu plus élevée que la moyenne. »

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