Chapitre 16 : L'avocat du diable

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Je reste ou je pars ? Je reste ou je pars ? Je reste ou je pars ? Je reste ou je pars ? Je reste ou je pars ? Bon, il a gagné. Je froisse le message et prends Eliyah par le bras en sortant du bureau.

« Toi, tu viens avec moi, dis-je en prenant le bras de mon oncle.

Nous traversons tout le rez-de-chaussée pour emprunter l'escalier et entrer dans le salon pratiquement vide à presque midi. Je me force à s'asseoir malgré le fait qu'il soit beaucoup plus grand que moi. Je le fixe pendant un moment avant de lui poser une question :

- Le mariage est prévu pour quand, je demande en essayant d'évaluer le temps qu'il me reste avant que je ne parte botter les fesses de Ptolémée.

Il me regarde sans comprendre et répond immédiatement :

- Dans une semaine, dit-il avec son air triste.

J'ai une semaine pour exécuter mon plan, m'assurer que mère est encore en vie, régler mes comptes et partir remettre les idées en place aux deux nouveaux régents d'Égypte. Je pense que c'est faisable. Première étape, introduire mon plan pour sauver mon papa.

- On mange, je crie en sortant de la salle, toujours en traînant Eliyah.

Oui, je sais, je ne respecte pas le protocole, mais j'ai de bonnes raisons. D'un, j'ai faim, de deux, j'ai besoin de réfléchir et je réfléchis mieux le ventre plein, de trois, je suis pressée et de quatre, je dois mettre en pratique la phase une de mon plan. En clair, il faut que je mange.

Je traîne donc mon pauvre père dans la salle à manger où nous attend un copieux repas. En attendant les autres, tous ceux présents dans la salle - y compris moi - se lavent les mains. Je me place à la droite de mon " père " et attends que les autres nous rejoignent à table et que mon grand-père face la bénédiction du repas avant de m'asseoir.

Tandis que les autres discutent en mangeant, Eliyah et moi demeurons dans le silence. Après avoir quasiment vidé mon assiette, je dis assez fort pour que toutes les personnes présentes m'entendent clairement :

- Pourquoi voulez-vous forcer Eliyah à se marier, je demande d'un air innocent.

Vu la tête des personnes présentes et le silence qui vient de s'abattre sur cette table, je peux en déduire que ce dîner sera particulièrement intéressant. Mon très cher grand-père dont la chevelure autrefois grisonnante a laissé place à une armée de cheveux blancs et effilés braque son regard meurtrier sur moi.

- Il a déshonoré sa famille, dit-il sur un ton sec.

Déshonorer, tout de suite les grands mots. En quoi est-ce que le fait qu'il aime les hommes déshonorerait sa famille. La notion d'honneur est peut-être trop bien ancrée dans son cerveau qui sait ? Il va falloir changer tout ça.

- Est-ce déshonorer sa famille que d'embrasser la personne que l'on aime, je demande en portant un morceau de bœuf à ma bouche.

Je mâche mon bout de viande tranquillement tout en parcourant la salle du regard. Intéressant. Ils ont tous l'air tendus, certains perdus d'autres en pleine réflexion. Je pourrais bien devenir philosophe moi, avec ce genre de questions. Je vois 'Uzziyah tirer sur la manche d'Aharon nerveusement.

- Papa ? Ça veut dire quoi déshonorer, demande 'Uzziyah à son père.

Aharon reste un moment sans parler et un sourire carnassier s'étire sur mes lèvres roses. On va s'amuser un peu... Je frotte mes mains entre elles avant de fixer mon pseudo-père avec un sourire.

- Vas-y, explique à ton fils ce qu'est le déshonneur, dis-je en le provoquante.

Je n'arrive pas à croire que se sont ses personnes-là qui parlent de déshonneur. Ce qu'Eliyah a fait est naturel tandis que ce qu'ils ont fait eux était tous sauf honorable. Je pourrais tous déballer maintenant, mais je préfère garder ça pour plus tard.

- Je suis ton père et tu nous dois le respect à ta mère et moi.

Mon père ? Il ose dire qu'il est mon père ? Ce qui est sûr, c'est qu'il n'a jamais été un père pour moi et maintenant, il essaie de se rattraper avec 'Uzziyah. Et il ose dire que Parvati est ma mère ? À ce niveau soit il est con soit personne ne lui a expliqué ce qui s'est passé il y a six ans. Elle a cessé d'être ma mère au moment où elle a voulu me faire cuire comme un mouton.

- Je peux t'assurer que je respecte le troisième commandement. Chaque jour, j'honore mon père et ma mère et je peux t'assurer que ta femme et toi n'êtes pas mes parents, dis-je en colère.

Mon père, c'est Eliyah et ma mère Cléopâtre. Ils ne sont pas parfaits, mais ce sont les parents.

- Alors qui sont tes parents, me demande Yissaskar.

- Mes parents sont ceux qui m'ont accueil, aimé, nourris, aidé. Mes parents sont les deux personnes qui dès que je suis entrée dans leur vie jusqu'à ce jour ont tout fait pour me protéger et mon donner tout l'amour dont j'avais besoin. Vous ne connaissez pas ma mère, mais vous connaissez mon père. Je lui dois la vie et c'est pour cette même raison que je le défends aujourd'hui donc vous n'avez pas le droit de dire que ces deux personnes sont mes parents, dis-je en essayant de ne pas broyer ma coupe de vin, pour en revenir à Eliyah, en quoi le fait d'embrasser la personne que l'on aime pourrait-il déshonorer toute une famille ?

- Ton " père " a enfreint les lois de Moché en embrassant un homme, dit Uwri'el en prononçant avec dégoût le mot père.

Comment ça, il a enfreint les lois de Moché ? Il n'y a rien dans la Torah qui lui interdit d'être avec un homme. Malgré le fait que je ne suis plus une Juive pratiquante depuis des années, je n'ai toujours pas oublié le fait qu'il n'y a rien dans la Torah qui interdit les relations amoureuses entre deux hommes.

- Quelle loi a-t-il enfreint ? Dis-moi, je demande à mon oncle.

- Berēshī, chapitre 3, verset 24, l'homme abandonnera à son père et sa mère et s'attachera à sa femme, répondit-il sur un ton dur.

C'est tout ce qu'il a trouvé pour m'impressionner. Je suis désolée tonton, mais il va falloir plus que ça pour pouvoir me faire baisser les bras. Eliyah m'a fait jurer d'apprendre le Tanakh en entier, ce que j'ai fait, et ce n'est pas en me citant cette petite phrase que je vais me décourager.

- Où est-il écrit qu'un homme n'a pas le droit de s'unir à un autre homme ? Dites-le moi. J'attends, je lui demande énervée.

Si je le pouvais, je remercierais Cléopâtre de m'avoir appris à parler d'une voix calme à quelqu'un même si on a à disposition un couteau et une fourchette assez tranchants pour remodeler son visage.

- Il n'est écrit nul part qu'il ne peut s'unir à un homme si c'est son choix et il n'est pas écrit non plus que vous avez le droit de marier quelqu'un contre son gré, je reprends.

Inspire. Expire. Inspire. Expire. Inspire. Expire. Inspire. Expire. Calme-toi. Ne tus personne. Tu es capable de te contrôler. Calme-toi. Je ferme les yeux et me calme, préférant refouler mes pulsions meurtrières quand l'inimaginable se produit :

- Je suis d'accord avec Nesikah, vous n'avez pas le droit de le forcer à se marier s'il n'en a pas envie, ajouté Owphiyr en défiant son père et ses frères du regard.

Mon cœur de mets à battre à une vitesse impressionnante et mon souffle se coupe d'un coup. Finalement, tous mes oncles ne sont pas devenus énervants.

- Ce n'est pas un apostat qui va nous expliquer les principes de la loi juive, grogne Parvati.

Un apostat. Donc c'est comme ça qu'ils me voient. Pour eux, je suis un apostat. Pour eux, j'ai renié le judaïsme. Le plus dur là-dedans, c'est que je l'ai vraiment fait durant un moment, mais je suis revenue à la fois juive. Je ne respecte pas toutes les règles, mais elle n'a pas le droit de dire ça. Me traiter d'apostat revient à dire que j'ai abandonné mon identité juive. Elle n'a pas le droit de dire ça. Elle n'a pas le droit...

- Je t'interdis de parler de ma fille de cette façon, grogne une autre voix.

La Fille De CléopâtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant