III

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      _En repensant au début de leur histoire, Lio s'était perdue dans ses souvenirs, elle se repassait ce moment en boucle dans sa tête, revoyant chaque détail, chaque lueur dans le regard de Pierce, chaque intonation de sa voix chaude un brin éraillée. Elle l'avait aimé à la seconde même où elle avait compris qu'il était différent, qu'il n'était pas seulement l'un d'entre eux, à la seconde même où il avait trouvé le moyen de lire dans son regard. Elle se laissa tomber sur son lit, sa main effleura son visionneur, elle le prit doucement, grimaça, hésita un moment, se demanda si cela serait une bonne idée de revisionner ces moments comme si elle y était encore, ce qu'elle aurait souhaité à vie. Puis elle imagina le mal que ça lui ferait de retirer ensuite ce visionneur et de se rendre compte qu'elle était là, seule, dans sa chambre, et qu'il était temps pour elle de dire adieu à tout ce qu'elle avait connu. Elle jeta le visionneur loin d'elle, il atterrit aux pieds de la commode de sa chambre, si seulement elle avait le cran de rejeter ses souvenirs aussi facilement et de les effacer, seulement elle finissait toujours par s'y accrocher, alors elle se releva et ramassa le gadget. Son regard s'arrêta sur le dessus du meuble en matériaux recyclés, sur les hologrammes qui y étaient exposés.

Le premier était une photo de son père, c'était un homme imposant, intimidant même, Lio ne lui ressemblait pas physiquement, mais sa mère lui avait reproché à plusieurs reprises, lors de disputes occasionnelles, d'être comme lui. Aussi têtue, bornée, dur envers elle et les autres, et parfois d'allure insensible. Son père était le type d'homme même qui n'avait jamais aucun scrupule pour qui que ce soit ou quoi que ce soit. Il n'en faisait qu'à sa tête et adorait dicter sa loi. Lio n'avait pas hérité de cet aspect autoritaire, néanmoins, quand elle parlait, sur un ton toujours monotone et d'une voix qui murmurait presque toujours, dans laquelle elle tentait de cacher ses émotions par un ton froid, tout le monde se taisait, tout le monde l'écoutait. Il était rare qu'on l'entende depuis la mort de son père. Ils se parlaient souvent tous les deux, bien qu'il ait toujours regretté le fait que sa femme n'ait pas voulu d'un fils, à la grande surprise des généticiens. Il n'avait jamais pu refuser quoi que ce soit à Meg, elle était l'amour de sa vie, quand les gens le haïssaient pour son apparence trop cruelle, elle avait su s'accrocher et le voir comme un homme qui avait vécu assez d'expériences douloureuses pour vouloir rejeter toute émotion qui pourrait le faire souffrir à nouveau. Elle avait souffert elle, à cause de lui, il lui avait fallu beaucoup de patience pour qu'il accepte enfin de s'unir à quelqu'un, pour qu'il lui avoue ses sentiments. Pour Lio, ils étaient des modèles, des exemples à suivre. Peu avant la mort de son père, Lio avait commencé à grandir, à changer, et elle adopta la façon de penser de sa mère, alors de nombreuses disputes s'enchaînèrent, surtout à propos des Parasites ou de la Nitescence, le soir, lorsque l'écran leur dictait les informations. Cela le révoltait autant que ça l'attendrissait, car il voyait que Lio commençait à avoir autant de cœur et d'esprit que sa mère, mais il craignait que ces qualités ne lui apportent que des malheurs. Elle pensa alors, devant sa photo, qu'il avait peut-être raison lorsqu'il la prévenait, lorsqu'il la mettait trop souvent en garde, lorsqu'il haussait le ton pour imposer son avis, il avait sûrement raison de croire qu'un jour elle souffrirait de tout cela, car ce jour était arrivé. Elle, qui avait accordé son cœur et sa confiance à un jeune homme de l'autre côté de la barrière, une barrière dont il avait tenté de l'éloigner depuis son enfance, aujourd'hui était tourmentée par le chagrin. Elle avait perdu son père, puis Pierce, et depuis elle parlait encore moins. Et sa mère peinait à lui en parler, car elle savait que cela ne mènerait à rien, puisque son défunt mari avait toujours eu du mal à exprimer ce qu'il ressentait et qu'une fois renfermé sur lui-même il était quasiment impossible de l'obliger à s'ouvrir de nouveau au monde, elle était la seule à y parvenir, et elle savait que pour Lio, elle ne pouvait rien faire. Elle l'observait, impuissante, depuis le pas de la porte, transportant des vêtements propres dans un panier en osier, toujours aussi attendrie de la voir contempler cette photo avec admiration, mais à la fois bouleversée par l'épreuve que traversait sa fille.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 04, 2017 ⏰

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