- Pourquoi vous sentez -vous obligée de tuer ?
La voix impartiale et posée du psychologue me fit reprendre conscience de la réalité. Alors que j'avais toujours été très secrète ne révélant de moi que le strict minimum je venais de raconter ma vie à cet homme. Tout. Il savait tout dans les moindres détails. C'était la première fois que quelqu'un arrivait à en savoir autant sur moi. Ça, je devais bien reconnaître que cette fois le psychologue que j'avais choisi était loin d'être incompétent. Tandis que je fixais le plafond d'un œil morne sans lui répondre, j'imaginais déjà son regard accusateur me dire que je n'avais jamais été normale. Et peut-être que c'était vrai après tout. Étais- je encore capable de ressentir quelque chose ? Je ne savais plus. Cela faisait bien trop longtemps que je me sentais vide. Un lourd silence paralysait la pièce. Le docteur Morelle avait beau être très professionnel , je détestais ce ton neutre qu'il employait, à l'image de son visage lisse... Reportant mon attention sur lui je réprimais un petit rire. Après le récit que je lui avais livré j'avais au moins la satisfaction de voir une lueur de crainte danser dans ses yeux mauves et je m'en délectais. De toutes façons, quoi qu'il advienne il serait ma prochaine victime. Je savais déjà comment j'allais procéder. Du bout des doigts je tâtais la lame de mon scalpel dans la poche intérieure de mon grand pardessus noir. Je n'avais pas le droit à l'erreur, je devais commettre le crime parfait. Cessant mes tergiversations j'agis avec célérité. Plantant mon scalpel dans sa gorge, je cisaillai sa peau d'un mouvement vif et sec. Ses yeux agrandis s'étaient figés dans une expression d'indicible angoisse et il n'eut pas le temps de crier. D'un puissant coup de lame, je me mis à lacérer son visage, grisée. Quand je cessais enfin mon œuvre, le docteur Morelle était totalement défiguré. Satisfaite, j'enfilai la paire de gants que j'avais emmené afin d'effacer toutes traces de mon crime. Bientôt je pus me faufiler par une petite porte à l'arrière du bureau. En face de moi j'aperçus la sortie de secours indiquée par un logo vert lumineux. Parfait. La poignée de la porte était froide et rouillée mais contre toute attente elle s'ouvrit sans difficulté et je me retrouvai devant un gigantesque escalier en spirale. Je ne savais pas où tout cela allait me mener mais peu m'importait. Personne n'aurait l'idée de me chercher ici et de toute façon, se fondre parmi les autres était un domaine dans lequel j'excellais. Avec mes yeux noisette, mon teint pâle et ma corpulence moyenne je ne me faisais pas remarquer ce qui était un avantage conséquent lorsque je me retrouvais en cavale comme maintenant. C'était le quatrième crime à mon actif songeais-je d'ailleurs avec fierté. A chaque fois, je changeais de vie, d'apparence, de nom. La seule chose qui permettait de relier les crimes entre eux était la profession de mes victimes : psychologue. Je détestais leur manière de vous analyser, de disséquer votre esprit... Les tuer était devenu un besoin. Une nécessité. Mais pour autant ma vie était restée tout ce qu'il y avait de plus ordinaire.
J'avais maintenant rejoint la rue. Jetant un coup d'œil discret à ma montre je réalisais qu'il était à peine 16 h bien que la ville soit plongée dans la même obscurité hivernale que le matin. Marchant sur les pavés mouillés, je pressai légèrement le pas et arrivai rapidement en vue de la petite école d'art amateur où je prenais des cours du soir depuis maintenant quelques mois. Je m'étais découvert cette passion pour le dessin dès l'enfance et au fil du temps je m'étais mise à dessiner sans cesse. Je n'avais pourtant pas véritablement trouvé un style mais dessiner m'apaisait profondément. Lorsque j'entrai dans la salle tous étaient déjà installés. Je gardai mon pardessus mais retirai mon écharpe avant de rejoindre ma place habituelle au fond, pour ce qui serait sans doute mon dernier cours ici. Je n'avais jamais souhaité me lier d'amitié avec les autres dessinateurs amateurs et j'avais réussi jusque-là à éluder les questions. J'étais d'un naturel solitaire. Les modèles enchaînaient déjà les courtes poses et très vite mon crayon se mit à courir sur les pages de mon petit carnet de croquis. A l'aide de traits spontanés et fluides je tentais de rendre le dynamisme des poses qui se succédaient. Et soudain il entra.
VOUS LISEZ
Sous clé dans la cage
Horror" - pourquoi vous sentez vous obligée de tuer ? " Immergez- vous dans les pensées d'une meurtrière ... #2 dans la catégorie cage 06/07/18 😘