Le Gros nuage partie 2

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SEPTEMBRE 1990

La rentrée des classes fut compliquée. Rencontrer de nouveaux élèves avec le même regard interrogateur en découvrant mon visage... Sauf que cette année-là, en plus des regards, j'eus droit aux critiques. Et oui, j'étais désormais en CE2, nous étions plus grands. Les enfants s'affirment à cet âge-là et peuvent se montrer très odieux. J'avais le droit à "double-face" ou "masque de fer". Ma timidité excessive n'arrangeait rien ; peut-être que si j'avais trouvé le courage de leur raconter mon histoire ils auraient été plus indulgents ? Mais que leur raconter après tout ?Je ne savais pas grand- chose. La communication n'était pas le point fort de ma famille et encore moins lorsqu'il s'agissait du 13 Septembre 1983. Je savais juste que nous avions eu un grave accident de voiture. Le véhicule s'était alors embrasé et mon père m'avait sortie des flammes...

J'ai donc passé l'année scolaire à me battre, je n'avais trouvé que la violence physique pour répondre à cette violence verbale. Je rentrais souvent désemparée le soir en racontant mes malheurs à ma mère qui me disait que tant que je ne m'accepterais pas moi-même, je ne pouvais être admise. Difficile à entendre venant de la bouche de la personne qui m'avait donné la vie et qui pourtant n'arrivait pas à poser un regard maternel sur moi.

A Noël cette année-là , je me souviens uniquement de deux cadeaux : (le premier était) "Pupuce" un hamster. Elle était si mignonne ; j'avais (enfin) quelqu'un vers qui me tourner, à qui je pouvais confier mes moindres tracas sans avoir peur que ce soit répété, quelqu'un qui me réconfortait chaque fois que j'avais une peine. Et surtout, je me sentais utile, car Pupuce avait besoin de moi pour être nourrie et cajolée. En plus, Virginie, elle aussi ,avait un hamster "Chris"! Virginie, c'était ma meilleure amie. Elle ne me regardait pas comme les autres enfants ; à ses yeux, j'étais simplement "Lisa, son amie". Elle était gringalette, avec des cheveux bruns courts et très frisés ; elle avait de grosses lunettes dont elle ne se séparait jamais car, sans elles, il lui était impossible de distinguer quoi que ce soit.

Le deuxième cadeau était plus sentimental... Mon père m'avait annoncé que j'allais être grande soeur.

C'est au mois de Mai qu'Alice prit son premier souffle de vie et me confia ainsi ce précieux rôle de grande soeur. Elle était si petite, si fragile... J'étais si fière, j'avais hâte d'annoncer cette nouvelle à Virginie ! Etrangement, à mon bonheur se mêla une certaine inquiétude : mon père allait-il continuer à m'aimer autant avec l'arrivée de cet être si parfait ?

L'été 91 se déroula bien.Nous étions partis dans le Berry, dans la maison familiale de mon père au mois de Juillet puis nous avions sillonné les routes de France avec sa caravane. J'adorais partir à l'aventure avec cette caravane. Mon père et moi passions notre temps à faire des blagues à François et Alexandra au grand désespoir de celle-ci. J'adorais m'occuper d'Alice, lui donner le biberon et la promener sur les sentiers . Le soir, à la nuit tombée, nous faisions des parties de cartes. Mon père me laissait toujours gagner. J'aimais l'entendre me raconter des histoires de son enfance toutes plus abracadabrantes les une que les autres, comme la fois où il avait bu tout le vin du curé lorsqu'il était enfant de choeur! Cette complicité faisait fuir les angoisses que j'avais eues précédemment au sujet de l'amour de mon père.

Une fois rentrés chez maman, nous étions restés dans notre village pour les vacances. Nous passions nos journées à dessiner à la craie dans notre impasse avec Virginie et nos frères respectifs. Mon frère ...Qu'est- ce que je pouvais l'admirer François ! Il était si beau que toutes les filles étaient amoureuses de lui, et il était si protecteur avec moi... Nous étions cependant comme chien et chat, nous nous disputions aussi souvent que nous riions.

Puis l'heure de la rentrée en CM1 sonna. Cela se déroula relativement bien. Toujours autant de moqueries et de regards insistants mais cette fois-ci, j'avais l'impression d'avoir trouvé une alliée : Mme Bordes, mon institutrice. Elle faisait très attention à moi et j'appréciais volontiers sa bienveillance.

Mémoire usurpéeWhere stories live. Discover now