Premier Arc : Alice au Pays des merveilles - Le Lapin Blanc
Bercée par les songes.
Je me souvenais de ce jour, pas si radieux, où je déambulais, ce parapluie au-dessus de ma tête comme pour me protéger du ciel qui, j'en étais sûr, n'allait pas tarder à tomber. Mon corps semblait trop frêle pour supporter le poids de mes remords, et en même temps beaucoup trop lourd pour suivre la légèreté de mes pas hasardeux entre les champignons phosphorescents. La mélodie dru de l'eau se déversant contre la roche, qui m'avait autrefois semblé apaisante, ne servait à présent qu'à remplir le silence. Un silence qui n'en était d'autant plus pesant car j'en étais la fautive.
J'étais aussi comblée qu'une coquille vide. Délaissée de toute motivation, je vagabondais sans but précis au travers des Chutes. Chacun de mes membres suivait avec paresse mon esprit dans ce mouvement inexistant. Détermination, disaient-ils...? Cette idée me paraissait désormais affreusement ironique.
Et puis, au détour d'une impasse silencieuse, je l'avais trouvé.
Quand mes yeux s'étaient posés sur le dos de son pull rayé, j'avais cru au miracle. La pression qui pesait sur ma poitrine depuis une éternité s'était envolée en une fraction de secondes et j'eus l'impression de respirer à nouveau. Mon corps avait enfin trouvé un nouveau carburent : L'Espoir.
À pas de velours, j'avançais vers lui. J'avais l'intention de lui faire peur. Comment allait-il régir ? Le connaissant, je m'attendais à un : « Yo ! Comment ça va, depuis l'temps ? Tu viens, on va voir Undyne ! Et tous les autres sont là aussi ! » Je me remémorais sa voix enjouée, son physique atypique, et son sens de la justice. Lentement mais sûrement, le portrait de famille dont j'avais autrefois fait parti refaisait surface, tel de la peinture à l'eau sur une toile vierge.
Je n'étais qu'à quelques pas quand il se retourna. Nous nous regardâmes en silence un instant, mais il me fallut moins de temps que ça pour que la réalité revienne me frapper de plein fouet. Les miracles n'étaient plus accordés à la personne que j'étais devenue.
La personne en face de moi n'était pas celle qui m'avait apprise que les enfants portaient toujours des pulls rayés, tel un solennel rituel. Celle qui avait marché à mes côtés, qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente. Celle qui avait laborieusement essayé d'être mon ennemi. Celle qui était devenu un de mes plus fidèles alliés. Celle qui était devenu mon ami.
Et soudain, le portrait de famille que j'avais eu tant de peine à rebâtir après l'avoir si facilement détruit s'effaça, tel une pile de grains de sable aisément balayée par le vent. La personne en face de moi était à s'y méprendre le monstre que j'avais connu. Mais de toute évidence, elle ne l'était pas.
Ses yeux dénués d'iris ou de pupille me toisaient, et je fis maladroitement de même. Les nombreuses nuances de bleu des Chutes mettaient allègrement en évidence l'absence totale de couleur de son être. Un sosie taciturne, effrayant et malsain de MK. Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher d'avoir l'irrésistible envie d'enrôler mon ami sans bras dans une étreinte de retrouvailles.
- Est-ce que l'idée d'un monde où tout est parfaitement identique excepté le fait que tu n'as jamais existé t'as déjà traversé l'esprit...?
Sa voix, qui semblait plus venir des ondulations de l'eau, de la brise faisant se mouvoir l'herbe humide, du tréfonds des crevasses du ponton de bois rongé par les termites, des murmures des fantômes indiscrets, que de sa propre personne résonna contre les parois rocheuses.
- Et tout fonctionne merveilleusement bien sans toi. Ha, ha... Cette idée m'effraie.
Je pris le temps de considérer ses dires.
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Des chiffres et des lettres
FanfictionLe monde était une boîte à musique qui jouait une mélodie bien trop belle pour ne pas avoir quelques fausses notes et dont les rouages délicats étaient extrêmement complexes. J'avais rejoué la mélodie tellement, tellement de fois que les rouages ava...