Des chiffres et des lettres

Chapitre 3

Le chapeau à double fond.

Les semaines qui ont suivi mon premier voyage dans cet autre univers ont été chargées. Au début, je ne su que faire. J'eus pensé à un rêve de mauvais goût de la part de mon esprit torturé. Mais rien y faisait, l'écran demeurait. L'écran. « NEW TERRITORIES ».

Il était évident que le « s » à « territoires » n'était pas dû au hasard. Ce que j'avais à faire était tout aussi évident. C'était sous mes yeux, depuis le jour où l'écran était apparu. Je devais en trouver d'autres. D'autres copies de mon monde. Ce serait là-bas, que je trouverais ma réponse. Ma solution. Ma nouvelle chance pour mon monde.

Si cette découverte avait germé dans mon esprit avec une vivacité fulgurante, tout était ensuite redevenu très lent. J'avais fait de nombreuses tentatives, qui c'était toutes révélées être des échecs. Mais à aucun moment je ne perdis espoir. À présent que j'avais le début de ma piste, je ne pouvais pas abandonner. J'étais déterminée, et plus rien ne se mettrait en travers de mon chemin. Pas même moi-même. Pas même les fantômes de mon passé, accrochés à mes chevilles tels des boulets. 

Il n'empêche que ces belles paroles aboutissaient inlassablement sur des échecs. Un jour, j'étais tombée de fatigue. Ce par quoi j'avais été réveillée était pour le moins original. Des passants. Des voix. J'étais en plein milieu d'un Calciterre habité. Je n'avais pu réprimer le sourire fier qui s'était fait une place mon visage, ce jour-là.

Jusqu'alors, j'eus pensé que tout se passait comme un excellent tour de magie. Parce que personne n'est dupe, et tout le monde sait qu'il y a un double fond dans le chapeau du lapin blanc et de minuscules rouages derrière la fantaisie qui fait pétiller les yeux des enfants. Un excellent tour de magie est, selon moi, un tour de magie où l'on ne prend pas conscience des rouages, quitte à les oublier.

Mais ce n'était pas le cas. Le pouvoir que l'on m'avait accordé, venu comme un don du ciel pour me sortir de mon monde enterré vivant, avait des mécaniques bien cachées. Je me savais désormais capable de dédoubler ou de faire disparaitre des objets au simple contact de ma main droite. Je ne tardai pas à remarquer que certaines poignées, à défaut de se dédoubler ou de disparaitre, m'ouvraient de nouvelles portes. Je découvris les rouages de mon tour personnel par inadvertance. Je découvris le Livre.

Le Livre était le nom que j'avais donné à cet endroit. Néant quasi-total, et qui ne pouvait pas l'être entièrement car il était peuplé de lignes, elles-même habitées par des chiffres et des lettres.

Après ça, j'entrepris d'écrire un journal de bord où je retranscris tous les endroits qui me permettaient d'accéder au Livre mais aussi tout ce que je savais de mon pouvoir. Puis j'avais déniché une veste de cuir bronze dans un des magasins de Couveneige. Je l'avais raccommodé pour pouvoir cacher ledit journal dans la doublure, ce qui me permettrait de 1. l'avoir toujours sur moi et 2. qu'aucun habitant d'une dimension quelconque ne puissent mettre la main dessus.

Armée de mes nouvelles connaissances, j'aillai d'univers en univers à la recherche de ma réponse. De ma solution. De ma nouvelle chance pour mon monde. Les lignes de l'écran comme celles de mon journal se remplissaient jour après jour, et aucune réponse, solution ou chance ne m'arrivaient. Avant la Fin, je m'étais toujours contentée de suivre le chemin qu'on m'avait habilement tracé. J'avais toujours été un bras cassé en matière d'ambition, car longtemps pour moi le futur n'avait été une option. Je manquais cruellement de savoir faire quand il était question de prendre les choses en main. À présent, seule avec moi-même, je ne pouvais décemment pas rester les bras ballants. Il fallait que j'essaie. Même si tout ce que j'entreprenais n'était qu'un échec cuisant qui ne faisait que se répéter. Il fallait que cette partie change la donne.