HOMELESS SOON ( Disponible maintenant au format PAPIER )

Chapitre 1 ( nouvelle version ) Jess

Le soleil est sur le point de disparaître, mais la chaleur ne faiblit pas. La canicule sévit partout dans l'Hexagone et n'épargne pas la Côte fleurie. Étendue à plat ventre sur le hamac suspendu à l'arrière de « La Villa », la maison de campagne deauvillaise des parents de mon meilleur ami Ethan Charby, j'émerge de ma sieste en nage, le tissu de ma robe collé à la peau. Il est difficile d'imaginer que la mer est à deux pas.

Les paupières closes, j'écoute le bruissement des vagues. Pour rien au monde, je n'échangerai ma couchette en toile pour un transat sur la plage. Depuis ma « convalescence affective », ma période post-rupture avec Brad, j'évite la foule. Je préfère de loin la compagnie de mes amis, aux endroits trop fréquentés. Alors, lorsqu'Ethan m'a proposé de me joindre à lui et ses deux inséparables potes Ben et Tony pour un week-end farniente, je n'ai pas hésité une seule seconde.

Surtout qu'en été, Paris est une vraie fournaise.

Je respire l'air marin à pleins poumons. Une odeur de grillades me titille les narines et vient supplanter le parfum chargé d'iode. J'ouvre les yeux sur les trois garçons s'affairant autour du barbecue. Ce trio de muscles et de neurones en ébullition a une passion commune : le moto‑cross et suivent tous des études de finances. Pourtant, ils sont diamétralement opposés. Ben, derrière son allure d'ange avec ses cheveux blonds bouclés et ses yeux bleus innocents, dissimule un tempérament fougueux et fonceur. Tony, le brun, est le geek et « le sage » du groupe. Celui qui dispense des conseils éclairés, pas toujours bien fondés lorsqu'il s'agit de faire la fête. Ethan, brun lui aussi – dans le genre ténébreux – est plus tempéré. Toutefois, sous son flegme apparent, se cache un côté bouillonnant et plein de vie. Malgré leurs caractères aux antipodes les uns des autres, les trois amis s'adorent.

— Je crois que la belle au bois dormant s'est enfin réveillée, fait remarquer Ben.

Je descends de mon perchoir et pose un pied sur la terrasse en bois de teck pour les rejoindre.

— Comment trouves-tu mes petits fours, Jess ? demande Tony en me présentant une assiette remplie de petits salés.

Oups... faisant de mon mieux pour réprimer une grimace, je me force à avaler stoïquement.

Comment lui dire sans le vexer qu'entre les anchois et moi, ce n'est pas vraiment le grand amour ?

Je suis dans l'incapacité d'émettre un avis impartial.

— Hum... pas mal.

— Ça te plaît ? Tu te ressers ? s'enthousiasme-t-il.

— Heu... tout à l'heure. Je vais faire quelques longueurs avant le dîner.

Ethan s'esclaffe.

— Il ne va pas mourir si tu lui avoues la vérité, princesse.

L'inconvénient quand on grandit avec son meilleur ami, c'est que nos goûts et nos réactions finissent par ne plus avoir aucun secret pour lui. Et qui plus est, Ethan a aussi l'avantage d'être mon unique confident – en dehors de mon journal intime.

— Je déteste les anchois, confessé-je.

— N'aie pas peur de me dire les choses, soupire Tony avec une moue de déception.

Les mains dans les poches de son bermuda, Ethan secoue doucement la tête.

— Jessica et l'art de ne jamais dévoiler le fond de ses pensées, résume-t-il.

Il lit en moi à livre ouvert. Qu'on ne s'y trompe pas. Je ne suis pas née introvertie, je le suis devenue. En réduisant mon cœur en miettes, Brad a détruit ma spontanéité par la même occasion. Il est des blessures qui ne guérissent pas avec le temps et restent indélébiles.