Chapitre 9

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          Règle N° 5: Ne jamais baisser les bras

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Règle N° 5: Ne jamais baisser les bras.

          La respiration d'Amy se fait régulière. Je la détache de mes bras avec délicatesse et remonte le drap jusqu'à ses épaules. Les volets baissés, je quitte la pièce plongée maintenant dans une demi-pénombre.

J'ai besoin d'un bon stimulant. D'un pas décidé, je me dirige vers la cuisine et j'ouvre les placards. Un panel de boissons alcoolisées s'étale sous mes yeux hésitants. Mon estomac se contracte. Je me ravise. Un double expresso fera l'affaire. Le bruit sourd de la machine déversant le liquide noir et brûlant me ramène abruptement à la réalité. Je sirote mon café, pensive, en m'efforçant de faire abstraction du sentiment d'accablement qui pèse sur moi, mais le souvenir de la matinée chaotique ravive en moi toute une série d'angoisses et d'interrogations.

Je soupire. Je ne peux m'offrir le luxe de rêvasser ni de laisser la situation, déjà bien préoccupante, s'enliser davantage; il est temps de passer aux choses sérieuses.

D'un geste vif, je range ma tasse dans le lave - vaisselle, je remonte ensuite les escaliers, déterminée et je retrouve le calme feutré de ma chambre.

Par où commencer? Je n'ose rappeler Ethan, ne sachant quoi lui dire. La visite de ses parents a été un véritable choc pour nous. Amy a raison de se méfier. Peut- être que mes sentiments confus envers Ethan altèrent mon discernement. Je ressens une grande attirance envers lui, je ne peux le nier. Ethan est indubitablement le garçon le plus sexy et le plus craquant de notre cercle d'amis, et aussi le plus convoité. Depuis la rupture avec sa dernière petite amie, les filles lui tournent autour. Insensible à leurs tentatives de séduction, Ethan partage son temps entre ses études de finance, ses potes et moi, sa meilleure amie. Et hormis ce conflit d'intérêts avec ses parents, je n'ai jamais remis en cause ni son amitié, ni sa loyauté durant toutes ces années. Dois - je pour autant continuer à lui accorder ma confiance? Je ne sais que penser...

Je soupire à nouveau et attrape mon calepin. Il est impératif de dresser un plan d'attaque et de procéder par ordre de priorité. Je griffonne.

 — Chercher un logement
 — Procéder par élimination pour voir qui dans mes connaissances est susceptible de nous venir en aide ou pas.

Le stylo à la bouche, je réfléchis. J'écris.

Emma: non
Lucy: non
Ethan: à voir.

J'inspire profondément. Revenant à ma liste, je continue à écrire:

À faire:

— Finir les cartons.
— Louer un garde- meuble.
— Faire un retrait à la banque.
— Prévoir un rendez-vous avec le banquier.

Non. Ne rien prévoir du tout. Nos comptes sont tous à la FCS International Private Bank. Je n'ai pas envie de me retrouver en face d'un homme qui va me considérer comme la fille de l'escroc. Et d'ailleurs, jusqu'à preuve du contraire, mon père n'est pas cet arnaqueur décrit par Peter et Martha! C'est trop facile de lui faire endosser une soi- disant escroquerie. Les absents ont toujours tort n'est-ce pas? Je connais mon père mieux que quiconque. Il n'est pas le genre d'homme à fuir ses responsabilités, ni à abandonner ses enfants. J'ai froid subitement. Je persiste à penser que quelque chose de grave se trame, je le sens. La police n'arrive pas à localiser les portables de mes parents. Et tant que nous n'avons pas de nouvelles nous ne devons pas nous inquiéter. C'est ce que nous conseillent les enquêteurs. Je frissonne. Le silence est en lui-même inquiétant. L'incertitude me ronge. Je me reprends car je ne dois pas baisser les bras.
Je poursuis ma liste:

— Prévoir deux mois de caution et un mois de loyer.
— Un garant pour la location.

Je veux garder la voiture de maman. Je suis la conductrice secondaire déclarée auprès de son assureur, la citadine peut nous servir pour nos déplacements.

Je rajoute:

— Trouver un garage, pour y mettre la berline de papa à l'abri et pour y passer les nuits aussi... au cas où...
— Piocher les annonces de location.

Je devrais peut- être débuter mes recherches pour un logement sans attendre. Je me penche en avant pour allumer mon ordinateur. L'écran s'ouvre sur ma boîte mail; j'en ai reçu un d'Emma. Ma respiration s'accélère, d'une main fébrile, je me hâte de l'ouvrir.

Ma chère Jessica,

Pardonne-moi de ne pas t'avoir donné de mes nouvelles plus tôt, mais la fatigue, le voyage et le dépaysement... m'ont déconnecté de la réalité.

Comme promis, je t'envoie quelques photos.

Paradisiaque m'as-tu dit? Je te confirme que Tetiaroa est un petit coin de paradis.

Assise sur la terrasse, devant un verre de jus de fruits frais, je t'écris ces lignes avec en toile de fond, une plage de sable fin bordée de cocotiers, notre piscine privée, au bord de laquelle mon mari se prélasse et bronze au soleil. Le lagon est d'un bleu couleur turquoise.

L'île est magnifique et la nature y est préservée. C'est l'endroit idéal pour un séjour en amoureux et l'endroit dont on ne peut que tomber amoureux.

Je n'ose compter les jours qui nous rapprochent du départ. Et bientôt, retour à la réalité. Fini les soirées rythmées par les notes du ukulélé, les ballades au clair de lune, les promenades à vélo, la senteur enivrante de la fleur de tiaré.

Malgré ma lune de miel idyllique, mes pensées sont tournées vers vous. Pour Amy et toi, ça ne doit pas être la joie. Je m'inquiète pour vous.

J'espère que tu as bien réfléchi et que tu ne retiens pas, la langue allemande comme un obstacle handicapant pour Amy.

Crois-moi, ce n'est pas un problème insurmontable comparé à une vie dans la rue. Dormir à la belle étoile est magique sur Tetiaroa. Sûrement pas souhaitable dans une grande ville comme Paris.

As-tu avancé dans tes cartons? S'il le faut, je me déplacerai à Paris pour t'aider à mon retour.

Comment Amy prend- elle la nouvelle?

J'ai hâte de vous voir et de vous faire oublier tous ces vilains moments.
Alors, courage et surtout ne baisse pas les bras.

À très vite !

On vous embrasse toutes les deux très fort.

Karl et Emma

À la fin de ma lecture, les larmes me brouillent la vue. Je ne peux endiguer les flots d'émotions qui me submergent. Depuis l'épisode « Karl », j'ai le coeur en sursis. J'ai eu tellement peur qu'il ne gâche l'amitié entre Emma et moi...
Nous n'irons pas vivre chez eux, c'est certain. Karl ne me mettra jamais dans son lit et je n'empiéterai jamais sur le bonheur de mon amie. Ce mail m'a redonné un regain d'espoir. C'est beau l'amitié. Je souris. Je ne baisserai pas les bras.

HOMELESS SOON ( Disponible maintenant au format PAPIER )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant