So close, no matter how far [tome 2] [En pause]

2. Erza

Il y a un silence presque plus assourdissant que le bruit des roues sur les rails dans le wagon. Le train pour Marguerite est quasiment vide, à cette heure matinale. Et dans le troisième wagon, il n'y a que nous deux, Macbeth et moi. Je décide de briser la glace.

— Comment vont-ils?

Il tourne la tête vers moi et me regarde d'un air intrigué.

— Ils?

— Sorano et...

Je ne termine pas ma phrase. Il n'en a pas besoin pour comprendre. Un sourire illumine son visage.

— Elles vont bien. Ce sera une fille.

— Félicitations, souris-je. Vous savez déjà comment vous allez l'appeler?

— Oui, Angela. Angela Lennox.

Forcément.

— Je suis certaine que ça lui ira très bien.

D'accord, R.I.P. conversation. Bravo, Erza. Heureusement, Macbeth est de bonne volonté.

— Et avec le Maître, ça se passe comment?

J'ai dit heureusement? J'aurais pas dû. Aussitôt me reviennent en tête les images de la veille et je me transforme en feu de circulation.

— Ç-Ça va très bien, très très bien, même... bégayé-je avant de me ressaisir. On est fiancés depuis hier soir.

— Ah, tout de même! commente-t-il.

Ce qui me fait rougir de plus belle.

Le reste du voyage, nous continuons à parler, de tout et de rien. On fait connaissance. On n'en avait pas vraiment eu l'occasion, lors de notre première rencontre. On évite soigneusement le sujet de notre enfance. Tous ceux qui se sont retrouvés à la tour sont comme ça.

À Chrysanthème, ce sont les préparatifs pour la Grande Fête du Phénix. Nous nous dirigeons vers la maison de Saêna. La gouvernante — il faudra un jour que je demande son nom — nous conduit dans le même petit salon que celui où il nous avait expliqué en quoi consistait la mission, puis s'éclipse pour aller ranger nos bagages laissés dans le hall d'entrée. Là nous attendent non seulement le doyen mais aussi une poignée d'autres Fils du Phénix, sans doute là pour l'initiation. Ils ont tous la vingtaine, et l'air de se connaître.

— Ah, voilà, on n'attendait plus que vous! s'exclame Saêna. Il n'y a pas beaucoup de Leitandans, cette année.

Leitaquoi? Je suppose que ça nous désigne... Dans le groupe, je reconnais Mizu et Hundar, des anciens Cœurs de Braise. Ils nous ont rendu visite quelques fois. Je pense qu'ils projettent de rejoindre la guilde après la Grande Fête. De ce que j'en ai compris, Kessô avait raté son initiation et les avait donc convaincus de ne pas la faire. Ils me sourient, je leur souris en retour.

— Bien, tout le monde est là, c'est parfait. Commençons par le commencement. Avant de passer au vif du sujet, vous allez devoir prêter serment de ne jamais parler des épreuves à quelqu'un qui est destiné à les passer. La plupart d'entre elles fonctionnent car on ne sait pas ce qui va arriver, c'est d'ailleurs pour cela que n'apprendrez leurs noms qu'après les avoir passées. La personne à ma gauche commencera, puis la personne à sa gauche, et ainsi de suite.

Génial, c'est moi qui commence. Saêna me dépose dans la main une petite pierre, en forme de croissant de lune. Elle est bleue et sa surface polie accroche la lumière, mais ses extrémités sont d'un très joli vert émeraude. Elle a l'air de produire des étincelles quand je la touche. Je referme mes doigts sur elle — après avoir renvoyé mon gantelet d'armure dans ma dimension — et les mots sortent de ma bouche sans même que j'y pense.