Plusieurs fois je me suis sentie aspirée par la marée de l'Autre. Je m'y suis jetée, avec résolution, encore et encore, toute entière, la cime des vagues au-dessus de ma tête immergée. Et chaque fois, je me réalisais perdue dans les flots déchaînés, me souvenant toujours trop tard que je n'avais jamais su nager. Je battais des bras et des jambes sans brio, avec le ridicule qui découle d'un médiocre pathos. Sans que je n'en devine jamais la raison, après beaucoup de fureur et de bruit ressassés, de poumons engorgés et d'yeux brûlés de sel, de narines et de tympans bouchés de sable, je rouvrais des paupières que j'avais dû, sans doute, fermer lâchement à un moment ou un autre, et je me rendais compte que j'étais sur la berge, sauve, écorchée par la lame des vagues, mais sauve, enfin : il m'apparaissait alors évident que la mer humaine avait perdu tout attrait, et que je ne me laisserais jamais plus dupé par son indéfinissable séduction, la promesse de fraternité murmurée par son ressac.
Je recommençais le lendemain.