Chapitre III : Kirsten

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Léna se tenait debout devant moi les mains posées sur les hanches. Ses cheveux détachés flottaient au vent et elle portait une robe mauve. Elle semblait joyeuse et elle me sourit :

- Viens m'attraper Anna ! sécria-t-elle.

Je m'élançai à sa poursuite. Nous étions dans un espace noir et chacun de nos pas résonnait.

Léna s'engagea dans une montée d'escaliers dont on ne voyait pas l'aboutissement et se mit à courir à une vitesse de plus en plus grande ; je peinais à la rattraper, haletais et transpirais mais malgré cela je continuais ma course. J'avais la conviction que je devais la rattraper sans en savoir la raison.

Je m'engageai derrière elle dans la montée d'escaliers, les muscles de mes jambes me tiraillaient et je sentis un poids m'entraîner en arrière.

Avec ténacité, je continuais ma progression jusqu'à ce que je débouche sur une prairie. Sur ma droite j'apercevais des habitations au loin. Léna avait disparu. J'avais beau la chercher des yeux je napercevais quun vaste étendu d'herbe et de fleurs à perte de vue.

- Léna ! l'appelai-je.

Ma voix se perdit dans le vide.

Des nuages noirs commencèrent à assombrir le ciel et cachèrent le soleil.

Soudain je la vis. Elle était debout au milieu de la prairie, les bras étendus prête à s'envoler.

« Léna ! »

Elle se retourna vers moi et j'eus à peine le temps de voir son visage que la foudre s'abattit sur elle.

J'ouvris la bouche pour hurler son nom.

« Anna ! » s'écria une voix masculine.

J'ouvris les paupières et remarquai mon frère en train d'ouvrir ma fenêtre. Il ouvrit les volets, et la lumière inonda ma chambre. Ce n'était qu'un rêve étrange. J'étais trempée de sueur et je grelottais.

En regardant l'état dans lequel était ma chambre mon regard s'attarda un instant sur les photos prises avec Léna posées sur mon bureau. Jinspirais une grande bouffée dair. J'avais osé espérer que l'accident ne soit qu'un mauvais rêve, mais la réalité était là et on s'y heurtait comme dans un mur. Bienvenue dans le monde réel Anna.

J'aspergeai mon visage d'eau froide, et allai au lycée en faisant un détour pour éviter de passer devant sa maison.

Au lycée, Andréa une fille de ma classe qui n'aimait pas particulièrement Léna vint me parler et me demanda des nouvelles de celle-ci. En apprenant son état, elle me prit dans ses bras, et me dit que c'était une épreuve de la vie à surmonter. Je fulminais intérieurement : pourquoi une fille qui navait jamais fait attention à Léna auparavant venait me soutenir alors qu'elle ne connaissait de moi que mon nom ?

Lorsque je passai dans les couloirs à la recherche de mes amis, je sentis le regard des autres se poser sur moi.

Beaucoup de personnes avec qui d'habitude je ne parlais pas imitèrent Andréa et vinrent à moi rongés par la curiosité. Mes pensées se mélangeaient ; est-ce que c'était de l'hypocrisie, ou bien ces personnes s'inquiétaient réellement pour Léna ?

Alès et Kévin étaient assis sur un banc dans la cour en silence. Alès avait les yeux rivés sur le sol, le visage fermé et dénué de toute expression. Kévin avait les yeux rougis et reniflait constamment. Nous étions amis depuis le début du collège, mais jamais ne je les avais vus aussi maussades et tristes.

- Tu vas bien ? me demanda Kévin dune voix chevrotante.

Ses yeux bleus étaient embués de larmes et ses cheveux blonds étaient en pétard, signe quil navait même pas prit le temps de se coiffer ce matin.

Je secouai la tête. Je savais que si j'ajoutais un seul mot de plus je fonderais en larmes.

La sonnerie abrégea ce moment devenu pesant et je me rendis dans ma salle de cours d'un pas traînant.

J'avais français avec un prof que je haïssais, Monsieur Isher qui se montrait très atypique comme professeur. Chacun de ces cours se déroulait les volets, les fenêtres et la porte fermés dès qu'un élève osait parler une seule fois, il écrivait un mot dans le carnet d'une vingtaine de lignes et j'avais le sentiment que même ses collègues ne l'appréciaient pas.

Je me rendais seule dans sa salle pour la première fois depuis longtemps. Je n'étais malheureusement pas dans la classe d'Alès et Kévin.

Lorque j'entrais dans la salle le professeur m'adressa un sourire lorsque je passais la porte de sa salle, me dit :

- J'espère que votre amie Léna va s'en remettre sans séquelles.

Puis il ajouta pour lui-même : « La fin de l'espoir est le commencement de la mort.»

Il avait l'habitude de balancer des citations à tout bout de champ, comme si ce qui se passait dans nos vies pouvaient inspirer une leçon philosophique.

J'allai à ma place habituelle et peu de temps après la dernière personne entra. Elle se dirigea vers moi et s'affala sur la chaise libre à côté de moi, la place de Léna et soupira. Elle sappelait Kirsten, nouvelle cette année dans la ville. Elle avait les yeux bleus, les cheveux blond doré et la peau pâle. Elle venait certainement du nord elle ne devait pas être française car elle parlait avec un accent.

Je ne comprenais pas pourquoi elle s'installait à côté de moi alors qu'il y avait d'autres places libres dans la salle de classe.

Lorsque le cours débuta elle se pencha discrètement vers moi, et me dit :

- Si tu restes seule comme ça tu vas encore plus broyer du noir. Si tu t'entoures de personnes souriantes elles te communiqueront leur bonne humeur.

Je la regardai droit dans les yeux ; elle me sourit et je lui répondis par un petit sourire forcé. Elle me paraissait vraiment gentille mais je ne lui avais jamais vraiment parlé avant. A vrai dire, Léna me suffisait comme amie mais aujourd'hui elle ne se tenait pas à mes côtés.

Les yeux bleus sont censés être froid cependant il y avait quelque chose, dans ceux de Kirsten, qui m'inspiraient confiance.

- Merci, lui répondis-je, c'est gentil de ta part.

- Tu sais, à propos de ton amie, il ne faut pas l'enterrer trop rapidement. Léna m'a semblé être une personne forte et sûre d'elle. Même clouée à un lit, elle trouvera un moyen de rendre sa vie heureuse.

- Tu as raison elle a un caractère fort, affirmai-je. Elle explose de colère, extériorise ses sentiments, et ne renonce jamais ; le mot impossible ne fait pas partie de son vocabulaire.

Kirsten me regarda et acquiesça en souriant. Elle reporte son attention sur le cours, car Monsieur Isher nous fusillait du regard.

« Tu remplaces déjà Léna ? me dit une petite voix au fond de moi. Bravo la fidélité ! »

Je soupirai et chassai cette idée de mes pensées qui divaguèrent vers Léna. Allait-elle mieux ? Son état s'était-il empiré ? Jétais impuissante, et je ne pouvais que garder espoir.

Fin du troisième chapitre

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