Chapitre 2 - Chalet

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Le chalet sent le vieux chêne humide et les chouettes hululent dès notre arrivée, mais elles le faisaient sûrement avant. Une rivière assez imposante longe le chalet et se déverse quelquepart plus loin, je ne sais pas où; et le seul moyen de la traverser reste un petit pont en bois grinçant, qui ne tarde de rendre l'âme. Le paysage autour du chalet est morose, bien que nous y retournons chaque année en vacances. C'est le genre de paysage que tout le monde connaît, des vieux arbres morts et noirçis tel qu'ils sont magnifiquement représentés dans les films d'horreur américains, de l'herbe jaunâtre et sèche due à la chaleur et à l'humidité absente; et la cerise sur le gâteau, la balençoire, couleur rouille, allant et venant avec le vent, dont les cordes et les pieds métalliques déformés dégagent une odeur de mort. Ce jouet de jardin appartenait, si mes souvenirs sont bons, à des amis des grands-parents d'Elisabeth (morts jeunes, je ne les connaissais pas) qui avait repris le chalet, puis redonné  à  ses parents une fois adultes. D'ailleurs, ils ne viennent jamais ici, et n'y reviendront sans doute plus, puisque sa mère devient de plus en plus folle à raconter des histoires sournoises à chaque fois qu'elle s'y trouve. Le chalet est à deux étages, les chambres, et la salle de bain au-dessus, le salon et la cuisine en bas; il y a même la télé par câble, mais personne ne l'utilise, et c'est sûrement à cause du fait que les deux chaines visibles soient du télé-achat et une chaîne de clips musicaux du moment. La cheminée est au centre du salon, sous forme d'îlot et entourée d'un grand canapé en cuir usé noir et d'une table basse en verre. Plus loin se trouve une bibliothèque avec de très vieux livres, classés par genre et par auteur, et leur odeur indique qu'ils n'ont pas été ouvert depuis longtemps. On peut y remarquer deux trous, correspondants au livre qu'Elisabeth à pris et le mien, posé sur ma table de chevet, un roman de science-fiction racontant l'arrivée des extra-terrestres dans le New-Jersey. Une fois entrés, les chaussures pleines de terre sur le tapis, on peut sentir depuis la cuisine la viande qui chauffe dans la marmite, le repas qui cuit depuis trois heures, préparé avec soin par Elisabeth.

-Il y a des messages en attente, me fit remarquer Lisa, je vais aller voir.

En effet je réalise que la lumière rouge sur laquelle je rive mes yeux depuis quelques secondes est bien celle qui indique qu'on a appelé ici, au chalet en plein milieu de la forêt. Elisabeth décroche le téléphone, on entend la voix au loin mais je ne perçoit pas ce qu'il ce dit. Je peux lire sur son visage de la surprise et cela m'intrigue. Quand je n'entend plus la voix, à priori celle d'un homme, je demande :

-Qui est-ce ?

-C'est James ! Il nous demande une confirmation pour la fête qu'il organise demain soir, répond elle, d'une manière excitée.

Je me rappelle alors qu'en effet James Langford nous avait invité demain soir à son manoir, situé à cinq heures de route d'ici. Je ne me souviens pas où précisément, mais je crois que c'est dans le Lot, je ne suis pas sûr.

-Que fête-t-il déjà? dis-je, car oui, j'ai bel et bien oublié l'existence de cette fête, organisée par Langford, un ami de longue date.

-Son anniversaire, il aura quarante-quatre ans. J'espère que tu as pensé à lui faire un cadeau, Evan, mon cœur, gémit-elle.

Tout à coup, cette histoire s'éclaircit, et je me rappelle de la bouteille de rhum que j'avais acheté en Islande, j'avais décidé de lui offrir, car en réalité je n'aime pas le rhum.

-Hum..oui, j'en ai un.

Je me souviens également que les invités de la fête sont attendus à vingt heures, pour une durée approximative de quatre heures ou plus, et qu'il y a des chambres de libres pour ceux qui viennent de loin.

-J'espère que nous ne dormiront pas dans un cercueil, fais-je, avec un grain d'humour.

-Tu es pathétique, rétorque-t-elle, avec un sourire niais caché par ses joues rondes.

Après avoir dîné avec Elisabeth, je monte me coucher. Elle me rejoins une demi-heure après (le temps qu'il m'a fallut pour lire une cinquantaine de page de mon livre sur les aliens), et je peux sentir son adorable crème pour le visage fleur de lilas effleurer le bout de mon nez. Elle est démaquillée, je la trouve si belle, si pure est sa peau blanche qui fait ressortir ses cheveux bruns très sombres coupés à hauteur d'épaule. Ses yeux fins très marqués se ferment tout doucement, elle me tient la main, se met dos à moi et murmure : "À demain, chaton."
Aucun son ne sort de ma bouche, je suis à la fois déçu de sa simple phrase, et bouleversé par la sincérité de sa petite voix. Sans rajouter quoi que ce soit, j'embrasse ses doux cheveux, ils sentent la violette, encore humides de sa précédente douche, et un peu la cannelle. J'éteins la lampe de chevet, abat jour crème, et m'endors en me répétant sans cesse que je l'aime.

ElisabethOù les histoires vivent. Découvrez maintenant